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Interview avec Pascal Laugier - Mai 2008

Pascal Laugier - Mai 2008

Avec "MARTYRS", le réalisateur Pascal Laugier ("SAINT ANGE") signe le film d'horreur le plus terrifiant de ces 30 dernières années. Une claque monstrueuse qui redonne les lettres de noblesse au terme de « l'horreur » au cinéma. Présenté au Marché du Film à Cannes, son second long métrage a provoqué de vives réactions unanimes. Le shocker "MARTYRS" s'apprête très prochainement à sortir dans les salles françaises. Ce qu'on peut en dire c'est que le film ne lésine sur rien. "MARTYRS" est un film d'une noirceur sans égale au propos radical. Rencontre avec Pascal Laugier :
Oh My Gore ! : "Bonjour Pascal, d'où est née cette passion pour le cinéma, et plus particulièrement pour le film de genre ?"

J'ai aimé le cinéma, sans doute, par l'ennui que m'inspirait la vraie vie. Je viens d'une région, la Côte d'Azur, où tu peux te sentir très vite isolé si tu n'aimes pas spécialement bronzer sur une plage ou traîner avec les potes. Et, puis, je me sentais trop complexé, trop timide pour faire ce genre de trucs. J'étais happé par quelque chose d'autre, comme imaginer des histoires, écrire, la musique aussi me passionnait. Le cinéma a cristallisé tout ça et je me suis retrouvé à passer le plus clair de mon temps dans les salles, en cachette de mes parents, à voir tous les films, y compris les moins de mon âge... Sans réfléchir, de façon totalement instinctive, je me suis senti très vite attiré par tout ce qui relevait du fantastique. Et l'horreur me fascinait comme le "grand truc interdit". Et puis, il y avait des vrais vidéoclubs, à l'époque. Qui louaient autre chose que des nouveautés. Y'avait du stock, des films mystérieux avec des jaquettes incroyables, de tous les pays, de toutes les périodes. Aujourd'hui, quand je passe devant un vidéoclub, ça me déprime au dernier degré.
Mon histoire est très banale, en somme. L'exemple tout à fait moyen d'un jeune "nerd" de province qui se découvre un univers intérieur qui lui prend tout son temps et le désocialise !

Oh My Gore ! : "Comment t'es venue l'envie de faire du cinéma ?"

Quand j'ai vu "RAZORBACK" de Russell Mulcahy. Avant, c'était une idée vague, au fond de ma tête. Mais là, j'ai vraiment compris que ce que je voyais sur l'écran, et qui m'éblouissait, résultait de la vision d'un mec qui choisissait ce que j'allais voir, et comment j'allais le voir. Faut dire que dans "RAZORBACK", les effets de mise en scène étaient voyants ! N'empêche, j'adore ce film aujourd'hui comme au premier jour. L'ouverture, avec le vieux chasseur, l'éolienne en contre-jour et la première attaque du sanglier, soutenu par la musique synthétique d'Iva Davies, je trouve ça toujours aussi fascinant. A partir de cette expérience, je n'ai eu de cesse de me faire des films dans la tête, d'inventer des scénarios, d'imaginer des images en mouvement. J'étais obsédé par l'idée de découpage. Mon père a cédé, m'a filé sa caméra super 8, de marque Bell et Howell, et j'ai fais mes premiers machins. Des trucs fantastiques, absolument nuls, tournés-montés, totalement amateurs. Mais j'étais malade de ça et je n'ai plus jamais pensé faire autre chose.

Oh My Gore ! : "Peux-tu nous raconter ton parcours ?"

Parcours super classique : après le bac passé à Antibes, fac de lettres option cinéma à Paris. J'y reste deux mois. Je pensais rencontrer plein de dingues de cinéma, mais ça n'a pas été le cas. Après un cours sur le "KING KONG" original où on nous expliquait que le grand singe était un symbole phallique par excellence, je me suis tiré, c'était trop déprimant. Alors, mes parents ont cassé leur tirelire et j'ai fais une école de cinéma privée, où je suis resté trois ans. Je m'y suis aussi pas mal ennuyé, mais au moins, j'ai pu réaliser un court-métrage en pellicule chaque année. Tous nuls, d'ailleurs. L'un d'eux, un machin chichiteux, prétentieux et mal foutu qui s'appelait "TETE DE CITROUILLE", m'a permis de tourner avec l'immense Howard Vernon, qui est mort peu de temps après. Mais pas à cause de mon film ! Toujours est-il qu'après trois ans d'étude, et malgré une cinéphilie personnelle qui s'étoffait, mes films étaient absolument merdiques. Et pourtant, je les avais fait avec une telle passion ! C'était dur de me confronter au résultat. J'étais assez déprimé, c'était une sale période de ma vie. Je n'ai pas trouvé de travail, mon banquier a coupé les vivres et je suis redescendu vivre dans le sud chez mes parents. L'échec total, la misère. J'avais la sensation que Paris me dégageait comme un cafard. Dans le sud, j'accepte un job de veilleur de nuit, je reprends des forces, je réfléchis à tous mes échecs et décide de rempiler. Le cinéma me manque trop. J'économise patiemment les trois quarts de mon maigre salaire, mois après mois. En parallèle, je bosse un peu pour une production italienne qui tourne des pornos chics dans la région. Je réalise et photographie quelques trucs, tous en pellicule, ce qui m'aide à progresser techniquement. Mais bon, c'est pas la joie. Quand la somme économisée atteint les 50 000 balles de l'époque, je lance un court-métrage, "QUATRIEME SOUS-SOL", un film fantastique qui se passe dans une morgue. Je tourne comme je peux, avec une équipe de jeunes gens du coin et quelques potes de Paris. L'expérience est super difficile, mais le résultat est, pour une fois, pas trop mal. Je montre un premier bout à bout muet à Christophe Gans qui, aimant beaucoup ce qu'il voit, me propose de venir faire le making of de son "LE PACTE DES LOUPS", alors en préparation. Du jour au lendemain, ma vie change. Un putain de conte de fée. Je largue mon job de veilleur de nuit et je reviens sur Paris.

Deux ans après, je me retrouve à préparer "SAINT ANGE", mon premier long-métrage. Je n'en reviens toujours pas.

Oh My Gore ! : ""SAINT ANGE" a été ton premier long métrage. Quelles étaient tes attentes ? Est-ce que le succès du film t'a permis de trouver plus facilement des partenaires pour monter "MARTYRS" ?"

"SAINT ANGE" n'a pas été un succès, tu rigoles ! Le film a eu quelques ardents défenseurs mais, dans l'ensemble, il s'est fait défoncer !
A nouveau, j'étais complètement désespéré, j'ai mis presque deux ans à m'en remettre ! L'expérience de la fabrication du film a été un paradis, j'ai adoré tourner et monter ce film, je me sentais rempli de son histoire, de son univers, c'était un genre de cinéma que je rêvais de faire depuis que j'avais quinze ans et aujourd'hui encore, je suis très fier du résultat. Mais la sortie, ça a été un cauchemar absolu ! Je haïssais mes distributeurs (qui me le rendaient bien) et je sentais que le film n'était absolument pas compris ! Mais c'était mon premier film, j'étais vert, naïf, c'était impossible pour moi de savoir qu'une sortie pouvait être aussi douloureuse... J'ai tout découvert d'un coup, la rudesse de ce système, la compétition entre les gens, le fait que vous êtes traité comme une merde quand vous ne ramenez pas beaucoup d'argent, tout ça était très dur à vivre. Je le savais de façon théorique, le vivre est tout à fait autre chose. Et puis le public n'a pas bien reçu ce film et lui aussi sait être très cruel ! C'est la règle du jeu, mais ça fait quand même souffrir. Mais, bien sûr, on se remet de tout. L'important, c'est de tourner le film suivant.

Oh My Gore ! : "Comment est né le script de "MARTYRS" ?"

Tandis que je développais un autre projet avec Richard Grandpierre qui prenait du temps à se financer, Manuel Alduy, de Canal+, nous a fait savoir qu'il cherchait des projets de genre et que, aimant beaucoup "SAINT ANGE", il aimerait en lire un à moi. Avec Richard, on a vu là un moyen de lancer un film assez vite, et je me suis attelé à la tâche. J'ai écrit "MARTYRS" en moins de cinq mois, ce qui est très peu. J'étais dans une énergie aussi noire qu'urgente. L'histoire est sortie presque comme dans un processus d'écriture automatique. Une scène créait la suivante qui créait la suivante, etc... Après quelques versions corrigées, je tenais une histoire qui me paraissait forte et inattendue. Le ton très sombre, très morbide du projet correspondait à l'état dans lequel j'étais quand je l'ai écrit. Je me suis dis que la radicalité du film était la seule façon honnête, intègre et personnelle de raconter cette histoire.

Oh My Gore ! : "Au moment d'écrire "MARTYRS", as-tu pris en compte les critiques jugeant "SAINT ANGE" de film prétentieux et référentiel?"

Je suis le critique le plus impitoyable de mon propre travail. "SAINT ANGE" a tous les défauts d'un premier film, mais, aujourd'hui encore, je ne vois pas où et comment, par quel raisonnement délirant, ce film peut être taxé de prétentieux. C'est quoi pas prétentieux ? Un film qui donne des coups de coude dans le bide du public ? Un réalisateur qui prend de la distance avec ce qu'il raconte pour montrer qu'il est plus intelligent que son film ? Le cinéma de cancre et de ricaneur, personnellement, je déteste.

Le truc, c'est que dans les interviews j'ai tendance à dire ce que je pense, ce que j'aime, ce que j'aime pas, et qu'il y a un certain nombre de fans énervés que ça agace prodigieusement, qui préfèreraient que j'emploie une langue de bois promotionnelle, bien lisse et bien démagogique. Mais ma nature, à moi, c'est de l'ouvrir. C'est comme ça, et que mes détracteurs se rassurent, j'en paie régulièrement le prix. Quant au fameux problème du "référentiel", je m'étonne qu'on n'aille pas poser la question à tout un tas de cinéastes dits "d'auteur" dont les influences sont pourtant tout aussi évidentes. On est dans une position vraiment chiante en France quand on ne fait pas du cinéma typiquement "français", même si ce terme ne veut pas dire grand-chose. Aucune critique, aucune insulte n'arrivera à égaler de moitié l'intensité de celles que je m'envoie tout seul !

Oh My Gore ! : ""MARTYRS" est un film inspiré de faits divers atroces. J'aimerais revenir sur ce qui t'a poussé à montrer les souffrances de l'homme ?"

"MARTYRS" est une histoire originale, inventée de toutes pièces. Le hasard a fait qu'effectivement deux faits divers ont été révélés qui ont quelques points communs avec mon scénario. Très peu, en vérité.
Aller vers un tel sujet m'a, encore une fois, été inspiré par mon état personnel. A un moment de ma vie, j'ai eu comme l'intuition que notre époque était d'une brutalité extrême. A chaque fois que j'allumais la télévision, que j'étais, d'une façon ou d'une autre, confronté à la vision du monde selon les médias, selon la fameuse "opinion publique", j'étais pris d'un dégoût profond. Je ne voyais que le triomphe du cynisme, que l'accentuation du pouvoir des dominants, que le mépris pour l'expérience humaine au profit d'un catéchisme édifiant aussi stupide que mortifère. La fin de toutes les utopies, de toutes les illusions. Aujourd'hui encore, les sociétés occidentales me paraissent de plus en plus invivables, j'ai la sensation douloureuse qu'une violence sourde y écrase les gens. L'angoisse individuelle est à son paroxysme, on compte les perdants. Rien d'original dans ce que je dis, mais c'est suffisamment profond en moi pour créer un besoin, une urgence de film. L'horreur me paraissait le genre idéal pour exprimer ça. Cette violence perpétuelle, qui semble se nourrir d'elle même, a t-elle un sens ?

"MARTYRS", c'est le résultat de ça. C'est un film qui annonce une mauvaise nouvelle. Quelque chose comme "Le Monde est Mort". C'est un film malade. Peut-être même une maladie parvenue à son stade terminal. Il me semble impensable, en ce moment, de faire des films légers et optimistes. L'idée même m'écoeure.

Oh My Gore ! : "Qu'est-ce qui t'effraie le plus aujourd'hui ?"

Le triomphe de la vision du monde selon TF1.

Oh My Gore ! : ""MARTYRS" est un film d'horreur pur. D'une monstruosité rare. Wild Bunch qui officie à la fois en producteur et distributeur, t'a laissé carte blanche pendant toute la production ? Ou tu as dû quand même repenser certaines séquences dont cet incroyable cauchemar sensoriel auquel on assiste en milieu de film ?"

Ni mon producteur ni mon distributeur ne m'ont demandé de couper quoi que ce soit. Le film, tel que vous l'avez découvert au marché à Cannes, est exactement le mien.

Oh My Gore ! : "Qu'est-ce qui te plait aujourd'hui dans le cinéma de genre ?"

Les films qui y croient, qui continuent à penser qu'on peut raconter des histoires, que tout n'est pas fini. Le fantastique, au sens large, est un genre si libérateur, si prompt aux idées nouvelles et aux expérimentations que je m'étonne qu'il soit aussi souvent récupéré, digéré, formulé. Il y a bien des films de fans que je trouve totalement vendus à la cause de ce qu'ils prétendent détester. Dernièrement, j'ai aimé "THE DEVIL'S REJECTS", "THE INVISIBLE", "HOSTEL", "JOSHUA", "ALTERED", "SILENT HILL", "THE WIG", "REINCARNATION", etc.

Et je nourris une passion absolue pour les films de M. Night Shyamalan. Même si je suis loin de partager ses opinions politiques, je le considère comme l'un des plus grands cinéastes en activité.

Oh My Gore ! : "Penses-tu qu'avec des films comme "A L'INTERIEUR", "MUTANTS", "FRONTIERE(S)", "EDEN LOG", "CALVAIRE", ou encore le québécois "BAGMAN", les producteurs francophones commencent à croire en un cinéma de genre bien de chez nous ? Quel est ton avis là-dessus ?"

Tous les films que tu cites sont des films-orphelins, des prototypes, faits par des barges aussi fabuleux qu'isolés qui essaient, au lieu de nourrir leur frustration via internet, de passer à l'acte. Pour ce que j'en sais, ce sont tous des gars qui n'avaient aucun piston dans le cinéma et qui se sont bougés les fesses parce que leur désir de faire des films était immense. Par contre, je crois qu'il est imprudent de rêver. Au risque de passer pour un colporteur de mauvaises nouvelles, je ne crois absolument pas à l'émergence d'un cinéma de genre français, je veux dire à échelle industrielle. Ce cinéma n'a d'ailleurs jamais existé. A l'époque, des gens comme Cocteau ou Franju étaient tout aussi isolés et marginaux. Pour savoir si un cinéma de genre français serait commercialement et artistiquement viable, il faudrait, une année, en produire au moins soixante et voir ce qui se passe. Faire les calculs à l'arrivée. Exactement comme pour les comédies, qui sont tournées en masse alors que la plupart ne fonctionnent pas. Mais, évidemment, cela n'arrivera pas. Pour produire de très beaux giallii, il a fallu que les italiens en tournent par dizaines. Pareil pour les films d'horreur américains. Sur le nombre invraisemblable tourné, combien sont simplement regardables ?

Oh My Gore ! : ""SAINT ANGE" était un film référentiel, un bel hommage au cinéaste Lucio Fulci. Avec "MARTYRS", tu sembles t'éloigner des simples inspirations, de tous les clins d'œil que font en général les jeunes réalisateurs. Le film s'impose de lui-même comme une future référence. Jusqu'où es-tu allé puiser toutes ces folles images qui nous pétrifient dans "MARTYRS" ?"

Je suis allé là où je sentais que le film devait aller. Encore une fois, c'était une question d'honnêteté, d'intégrité vis à vis du sujet que je traitais et de mon rapport émotionnel à lui. Les images, je les ai puisées dans les sentiments que m'inspire le monde actuel...

Oh My Gore ! : "Il y'a une très nette distinction entre le SAINT « ANGE » et le diabolique "MARTYRS", je l'ai perçu comme un appel à l'aide. "MARTYRS" est un film réac qui cherche à nous faire ressentir un état des lieux général. J'ai l'impression que tu cherches à démystifier une classification et un malaise constant qu'on retrouve tant dans les productions actuelles que dans notre société ?"

Ma réponse est contenue dans ta question et ça me touche beaucoup ce que tu dis... Tu as raison, "MARTYRS" est réactionnaire, au sens premier du terme, évidemment. Une espèce d'instantané baroque, excessif et désespéré des rapports humains actuels. Une réaction aussi au cynisme et à la démagogie insoutenable d'un certain nombre de films dits "tout public" produits par notre cinéma. Ces films que je trouve, dans les valeurs qu'ils véhiculent, tellement plus brutaux que le mien !

Oh My Gore ! : "Beaucoup de jeunes réalisateurs français s'orientent vers des productions de remakes (souvent mauvaises). Que penses-tu de ces relectures (sans âmes) ?"

Pour l'instant, je ne trouve pas ça très concluant. Mais les carrières sont longues, il faut laisser à ces jeunes cinéastes le temps de développer leur travail, de trouver leur système. On est tous très jeunes. Pour l'instant, l'Espagne a sorti quelques perles supérieures aux nôtres, c'est indiscutable. Tant mieux, ça crée de l'émulation. Quoique "INNOCENCE" de Lucille Hadzihalilovic soit quand même un putain de chef-d'oeuvre ! Je ne bosse pas au rythme du temps médiatique. Je travaille pour essayer d'être encore là dans vingt ans et c'est très dur d'y arriver, croyez-moi ! N'oublions pas que James Cameron a commencé par "PIRANHAS 2" !

Quand on est français, il faudrait qu'on arrive à faire le film de genre absolu tout de suite, celui qui réunisse les obsessions de tous les fans (alors que les fans sont tous très différents), qui fasse une unanimité totale, qui soit inattaquable... C'est juste impossible... Et certains fans français sont d'une malveillance absolument extraordinaire à notre égard !

Oh My Gore ! : "Les États Unis t'ont probablement sollicité dès la sortie de "SAINT ANGE" ?"

J'ai effectivement reçu les scripts que tout le monde reçoit. Parfois, je croisais un autre jeune cinéaste français et on se marrait à se dire que deux agents différents nous avaient envoyé les mêmes nanars ! J'ai eu un seul bon projet entre les mains : un thriller fantastique du nom de "KNOWING", que j'avais vraiment beaucoup aimé. Quand j'ai dit à mon agent américain que je voulais le faire, je n'ai plus eu aucune nouvelle. Trois mois plus tard, tandis que je lui demandais ce qu'il advenait de ce projet, il m'a dit : Euh, oui... Euh... C'est Alex Proyas qui va le faire...
Ce qui en dit long sur notre statut de petits frenchies à Hollywood !

Oh My Gore ! : "Mylène Jampanoï est une future grande actrice. Elle est totalement frappée et poignante (en même temps quand on a vu le film, on la comprend). Peux-tu nous parler des deux actrices principales, Morjana Alaoui et Mylène Jampanoï, dans "MARTYRS" ?"

Mylène Jampanoï, j'ai su que c'était elle après son premier essai. Il y avait une énergie très noire en elle. Quelque chose qui collait bien avec le profil de son personnage. Et puis, sa cinégénie est extraordinaire, elle imprime vraiment la pellicule ! Elle était si convaincue par le projet, elle avait tellement envie de le faire, que ça a participé à mon envie aussi. Parce qu'il fallait quelqu'un qui n'ai peur de rien. Sur le plateau, quand elle tournait, elle dégageait un truc tellement dangereux qu'elle terrifiait l'équipe canadienne. A tout moment, un incident pouvait arriver, on se sentait au bord d'un désastre imminent, c'était incroyable ! Morjana, face à elle, était lumineuse. Je trouve magnifique la façon dont elle se révèle au fur et à mesure du film. Elle a été un soldat à mes côtés, ne se plaignant jamais, ne refusant rien, me donnant toujours tout. Ses scènes dans le sous-sol révèlent une comédienne hors du commun. Elle aussi est passée par tous les états sur le plateau... Il y a quelque chose en elle que je trouve bouleversant.

Oh My Gore ! : "Est-ce que le script a été présenté à d'autres actrices, et quelles étaient leurs réactions ?"

Le script a été présenté à énormément d'actrices, connues, un peu connues ou totalement débutantes, qui l'ont refusé. J'avais l'impression de leur proposer un film porno. Faut pas rêver : le film d'horreur, en France, continue à subir les foudres des préjugés et du conformisme. Et un milieu plus conformiste et plus bourgeois que le cinéma, ça n'existe pas.

Oh My Gore ! : "Pourquoi avoir choisit la province de Montréal pour tourner "MARTYRS" ?"

Pour des raisons économiques.

Oh My Gore ! : "Tu as fait équipe avec Benoît Lestang, son travail est juste superbe. Il semble extrêmement impliqué et fier de travailler sur un tel projet. Comment s'est déroulée votre collaboration ?"

Benoît a été l'un de mes plus importants alliés sur ce film. Beaucoup plus qu'un collaborateur, il a passé des nuits à travailler plutôt qu'à dormir... Il se trouve que dans la vie, Benoît est un ami, on se connaît depuis des années, depuis "LE PACTE DES LOUPS", en fait. Pendant la préparation de "MARTYRS", on partageait même une maison dans le centre de Montréal. Le film était une expérience difficile. Sans lui, j'aurais été assassiné par les difficultés. Le script était assez clair sur ce qui se passait à l'image. Il y avait des effets de toutes sortes, pratiquement tous les jours. Benoît était là, à chaque fois, avec ses propositions, ses concepts et ses solutions sauvetage quand ça ne marchait pas. Il m'a sauvé les fesses un nombre incalculable de fois. Et puis, hors plateau, il était aussi mon confident, celui qui m'aidait à prendre un peu de recul sur ce que je faisais, histoire d'être sûr que je ne faisais pas n'importe quoi, ce dont on n'est jamais sûr !

Oh My Gore ! : ""SAINT ANGE" est sorti sur pas moins de 200 copies de films, il me semble, depuis l'effet "SAW", les exploitants et les distributeurs restreignent la diffusion de films de genre, aujourd'hui, les films sortent souvent sur un circuit ultra limité. Je pense à l'excellent "THE MIST" de Darabont ou le remake récent d'"HALLOWEEN", quelle est ton opinion là-dessus ?"

Je pense que c'est le retour à une France qui sent la naphtaline. Je pense qu'on vit le grand retour du mépris du "genre". A nouveau, c'est une époque de crispation. On veut des films qui ne fissurent rien, qui ne font pas de vague. On vit une époque de moralisme et de conservatisme.

PS : Je ne partage pas du tout ton admiration de "THE MIST", mais c'est hors sujet !

Oh My Gore ! : ""MARTYRS" interdit aux moins de 18 ans ? Est-ce que cette interdiction te paraît acceptable ?"

La décision finale de la commission de classification tombera le 27 mai. D'ici là, on n'est sûr de rien.
Si "MARTYRS" est interdit aux moins de 18 ans, ça ne me parait pas, en soi, scandaleux. On peut effectivement raisonnablement penser qu'un adolescent de seize ans peut attendre un peu pour le voir. Et puis, ça favorisera chez lui l'envie de le voir quand même et de passer par la porte de sortie pour s'incruster dans la salle, idée qui me comble d'aise !

Non, ce qui est scandaleux, c'est qu'un film estampillé "-18" a toutes les peines du monde à trouver un réseau normal de salles. C'est très nouveau depuis "SAW 3". Un certain nombre de grands exploitants français ont fait savoir, en interne, qu'ils ne voulaient plus diffuser de films avec ce genre d'interdiction. Ca, c'est une honte absolue ! C'est à la presse, et particulièrement à la presse cinéma de sortir de sa torpeur et de commencer à parler clairement de ce scandale. Car les multiplexes ont une vision de plus en plus totalitaire de leur métier : vendre du pop corn avec des films qui n'offensent personne, décider ce que les gens pourront ou ne pourront pas voir, avec, en perspective, une vison exclusivement familiale du cinéma. L'horreur, quoi ! Je le répète, à terme, c'est le retour de la France sous Pompidou et d'une censure qui ne dit pas son nom.

Oh My Gore ! : "Penses-tu au final que quoi qu'il advienne pour "MARTYRS", la censure française reste encore malgré tout une grande frustrée ?"

Encore une fois, en France, la censure, officiellement, ça n'existe pas !

Oh My Gore ! : "Quelle expérience tires-tu du film ?"

C'est encore un peu tôt pour rendre compte... J'ai fini "MARTYRS" il y a quelques semaines seulement... C'était une expérience difficile. Mais je me suis fait peur, c'était très enrichissant.

Oh My Gore ! : "Quelles sont tes attentes désormais ?"

Tourner un troisième film !

Oh My Gore ! : "La sortie salle de "MARTYRS" semble se décaler à Septembre (allusion aux Martyrs de Septembre), était-ce un choix réfléchi suite à l'évaluation de la censure ou pour être mieux soutenu sur le marché international?"

La date de sortie est pour l'instant indéterminée. Ca ne devrait pas tarder. En tout cas je vous jure bien que, contrairement à certaines rumeurs, le film va sortir !

Oh My Gore ! : "Ton dernier film de flippe en date, c'était ?"

"DISCO". Ca m'a vraiment fait très peur...

Oh My Gore ! : "Aurais-tu un projet fantasmagorique ?"

Un film d'horreur ultra-friqué où Paris serait envahi par une horde de créatures rampantes.
Ca s'appellerait : LA FIN

Oh My Gore ! : "Dernier mot, "THE TALL MAN" où en est le projet ?"

Projet abandonné. Ca ressemble trop, de par le sujet, à un film qui est sorti y'a pas très longtemps. Ce sont des choses qui arrivent !

Oh My Gore ! : "Merci Pascal"

Merci encore de votre soutien !


Propos recueillis par Cosmocats (Avril 2008)
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Bédi - 27/07/2009 à 11:01
# 10

Bonjour,
J'ai vu le film "Martyrs" ce we. J'ai cru que je n'arriverais pas à le regarder jusqu'au bout tellement c'est insoutenable. Mais je voulais comprendre...et c'est là que je suis frustrée car je ne suis pas sûre d'avoir compris...Pourquoi la vieille dame se suicide-t-elle à la fin? Qu'est-ce que la "martyr" lui a vraiment révélé? Bon, je suis peut-être pas très fûtée mais pour moi c'est pas très clair...quelqu'un pourrait-il éclairer ma lanterne?
Merci.

ecoban - 14/04/2009 à 14:53
# 9

Et c'est quoi que tu appelles un film lumineux Marteau?? C'est genre "les choristes"? Si tu n'as aimé ou compris pour ne pas dire ressentit Martyrs, ce n'est pas parce que Laugier est un malade, c'est tout simplement parce que tu t'es aventuré tout seul, sans menace n'y rien au cinoche, que tu as choisit tout seul de prendre une place pour Martyrs et que tu n'as pas supporté le choc (qui je te l'accorde est brutal!!). Alors, n'accuse pas un réalisateur de tes choix et assume les. Il me semble que" -16 avec avertissements " aurait du te mettre la puce à l'oreille sur ce que tu risquais voir et que par conséquent, tu ne peut t'en prendre qu'à toi même cher camarade.

Marteau - 31/03/2009 à 15:46
# 8

Je trouve que ce réalisateur est un grand malade.

Au lieu de chercher à contrebalancer la noirceur de notre époque, il contribue à la promouvoir et à la charger d'une idéologie sataniste encore plus grave.

Quelqu'un de "lucide" dans le sens de porteur de lumière aurait fait un film lumineux.

C'est une honte que ce genre de film pervers sorte sur les écrans.

Cedric - 25/03/2009 à 21:01
# 7



Je trouve que ce film, à force de vouloir porter tous les péchés du monde, deviens presque un suicide spirituel.

Si le monde nous écoeure, faut-il automatiquement faire un pacte avec le diable?

Dans la réalité, les gens tombent simplement inconscient lorsqu'ils atteignent une certaine limite de douleur.

ArgentoCorpse - 12/10/2008 à 21:12
# 6

Lorsque l'on défile dans le menu interview, la petite image que l'on voit accompagné de : interview de Pascal Laugier, ne représente pas Laugier, ce n'est pas Laugier sur cette photo... Il serait judicieux de la changer.

d_p - 10/09/2008 à 00:02
# 5

Je viens de sortir de la projection de Martyr. Je suis passé par beaucoup de stades émotionnels et cognitifs. Disons que ça m'a fait gamberger comme un fou. A présent, je suis juste déprimé, profondément. On ne pouvait pas mieux parler de la solitude que de cette façon là.

Je crois que ce qui m'a le plus parlé fut la vision de cette cohorte de vieux croulants venus se repaître des fruits de leur cruauté. Quel cynisme ! Quel nihilisme ! Oui, on parle bien ici de mon pays, de la France.

Si je vais au ciné, c'est pour voir ça, cette ultime goutte de vérité porté à l'écran. Ce film efface les centaines de chiures françaises que j'ai péniblement regarder jusque là, du fond de mon ennui.

Merci à Pascal Laugier.

Travis - 11/06/2008 à 13:41
# 4

Pascal Laugier contribue à un vrai cinéma, un cinéma de références, pour ceux qui aiment le vrai cinéma.

J'espère que Martyrs sortira des griffes de la CENSURE FRANCAISE. Merci à tous les metteur scène (de court, long, en tout genre) qui se battent pour un cinéma différent qui bouscule les foules plutôt que de les faire brouter comme des moutons.

Merci

TM

Rodolphe BONNET - 28/05/2008 à 13:32
# 3

Effectivement une des meilleures interviews du site, ce qui s'explique notamment par le franc parler de Pascal Laugier. Ca fait plaisir !!! Pour le film, wait and see.

Germanico - 24/05/2008 à 19:11
# 2

Merci encore pour l'interview, Il faut défendre Martyrs!

Yann Danh - 23/05/2008 à 23:07
# 1

Tres belle interview! Pascal Laugier est un réalisateur de talent, un réalisateur intelligent et un mec de "coeur" qui, et ca se ressent dans son cinéma, tourne dans cynisme aucun.

A l'heure où le cinéma s'industrialise au point de chercher à toucher le plus petit dénominateur commun, il est bon de savoir qu'il existe encore des explorateurs... des gens qui cherchent encore et encore à réveiller nos sens autant que nos consciences.

Merci à lui ainsi qu'à toutes les personnes (prod, techniciens, acteurs et même financiers) qui participent à ce que ce cinéma là reste en vie.

Yann.

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