Sans doute l'un des films de Kitano les plus connus - si ce n'est le plus connu - par chez nous, ce
Zatoichi situe son intrigue dans le Japon du XIXe siècle, à la grande époque des paysans, des ronins et des bourgeois peu scrupuleux. Kitano lui-même se met dans la peau d'un masseur aveugle qui manie le sabre comme sa poche et résiste par conséquent à n'importe quel coup bas tenté par quelque quidam malintentionné. Nomade, il va atterrir dans une bourgade de montagne sous le joug d'un gang à la cruauté facile, qu'épaule un samouraï aussi fauché que surdoué (Tadanobu Asano, le sadomaso timbré d'
Ichi the Killer). Les choses ne continueront pas à se passer ainsi: Zatoichi va se charger de nettoyer la racaille du village à grands coups de sabre plus rapides que l'éclair.
Le premier élément qui interpelle le fan de Kitano, c'est l'esthétique du film: on constate bien vite que
Zatoichi a bénéficié de moyens techniques honorables (photographie luxueuse), mais l'on remarque également que Kitano laisse ici tomber les plans fixes de ses uvres antécédentes en optant pour une mise en scène nettement plus mobile. Autre changement par ailleurs, au rayon de la bande-son: Hisaichi cède sa place à Keiichi Suzuki, qui compose là de très intéressants thèmes au synthétiseur, à la tonalité sombre, loin des partitions lyriques du premier. Ce renouveau artistique n'est pas un mal en soi, car il démontre que le cinéaste sait évoluer ou modifier son style sans peine, passant d'un métrage très intimiste et audacieux à un autre plus accessible. Les inconditionnels de la première heure pourront regretter cette absence de poésie mélancolique et d'humour absurde qui caractérisaient la plupart des autres films de Kitano, mais difficile de ne pas bouder son plaisir à l'arrivée, tant
Zatoichi recèle de bonnes scènes.
Si le récit tend parfois à traîner la patte - et aussi qu'un justicier blond platine au XIXe siècle, ça le fait pas des masses -, de jouissives séquences de massacres au sabre compensent ces petits écueils. Les trucages numériques et le sang artificiel ont beau ne pas toujours s'avérer crédibles, on nage en plein
manga style et le tout se veut tellement décomplexé qu'on jubile franchement à la vision de ces carnages peu avares en hémoglobine. Mais le plus essentiel encore réside dans le fait que
Zatoichi n'est rien d'autre qu'une formidable invitation au rythme, culminant lors d'un extraordinaire final où des danses de claquettes, remarquablement chorégraphiées par The Stripes, donnent l'issue au film. On ne connaissait pas Kitano en tant qu'adepte des rythmes fous, mais l'on ne regrette pas cette découverte !
8/10