WILLARD
Titre Original: Willard
Réalisateur: Daniel Mann.
Année: 1971.
Origine: U.S.A.
Durée: 1H35.
Distribution: Bruce Davison, Elsa Lanchester, Ernest Borgnine, Sondra Locke, Michael Dante.
* Date de sortie : 18 juin 1971
FILMOGRAPHIE: Daniel Mann est un réalisateur américain né le 8 août 1912 à Brooklyn, New York (États-Unis) et décédé le 21 novembre 1991 à Los Angeles des suites d'une insuffisance cardiaque.
1952 : Reviens petite Sheba , 1954 : About Mrs. Leslie, 1955 : La Rose tatouée, 1955 : Une femme en enfer, 1956 : La Petite maison de thé, 1958 : Vague de chaleur, 1959 : The Last Angry Man, 1960 : The Mountain Road, 1960 : La Vénus au vison, 1961 : Le troisième homme était une femme, 1962 : Five Finger Exercise, 1962 : L'Inconnu du gang des jeux, 1963 : Who's Been Sleeping in My Bed?, 1966 : Our Man Flint, 1966 : Judith, 1968 : For Love of Ivy, 1969 : A Dream of Kings, 1971 : Willard, 1972 : La Poursuite sauvage, 1973 : Interval, 1973 : Maurie, 1974 : Lost in the Stars, 1975 : Le Voyage de la peur, 1978 : Matilda
A l'origine du projet, il y a un roman, Ratman's Notebooks de Stephen Gilbert, paru en 1968 aux Etats Unis.
Trois ans plus tard, le réalisateur Daniel Mann s'entache de le transposer à l'écran en prenant pour vedette le débutant Bruce Davison, ELsa Lanchester (La Fiancée de Frankenstein), Sondra Locke et Ernest Borgnine pour les rôles principaux.
A sa sortie en salles, le film récolte un joli succès et une suite beaucoup moins réussie sera rapidement mise en chantier un an plus tard. Cette nouvelle resucée portera pour titre Ben mis en scène par Phil Karlson.
Willard est un jeune employé d'une entreprise, timide et introverti, ayant des rapports constamment conflictuels et orageux avec son patron tyrannique dénué de moralité et d'une reconnaissance équitable.
Après le travail, l'homme solitaire se retrouve seul avec sa mère âgée dans une vieille demeure gothique auquel quelques vieillards familiers viennent parfois leur rendre visite. Un jour, Willard fait la rencontre d'un rat dans le jardin. Le début d'une étonnante et étrange histoire d'amitié va se nouer entre l'homme et le rongeur.
Pour ceux qui ont vécu leur jeunesse à l'époque charnière des fameuses années 80 n'ont jamais pu oublier la première diffusion à la télévision de Willard, dans le cadre de l'émission l'Avenir du futur, transmis un certain lundi soir.
Alors que le lendemain matin, pendant la récréation des cours d'école, on s'empressait avec fougue à relater le fameux film d'horreur vu à la TV, décrivant l'incroyable histoire de Willard et ses deux meilleurs amis, Ben et Socrate !
Quarante ans plus tard, que reste-t'il de ce célèbre film des années 70 après qu'un excellent remake de Glenn Morgan soit passé par là en 2003 !? Histoire de remettre au goût du jour une trame horrifique allouée au touchant portrait d'un jeune marginal sombrant peu à peu dans la folie meurtrière après avoir dompté une armée de rats !
On ne peut pas dire que la réalisation de Daniel Mann soit particulièrement ambitieuse ou personnelle et le poids des années ne va pas lui porter une éventuelle faveur même si son charme désuet contentera aujourd'hui les nostalgiques qui auront "vécu" le film à son époque charnière.
Je pense que le point le plus répréhensible concerne l'ambiance dénuée d'étrangeté, handicapée par une bande musicale tout à fait datée et vieillotte, presque en décalage avec l'époque dans lequel le film se situe. On jurerait d'ailleurs que le métrage aurait été tourné dans les années 50 !
Heureusement, ce qui fait encore la force et l'intérêt de Willard aujourd'hui vient de prime abord dans la densité de son scénario fascinant qui évoque les rapports troubles de domination et d'affection entre l'homme et l'animal. Tout en fustigeant au passage l'exploitation des ouvriers dans le monde du travail avec ce patron d'entreprise exécrable et castrateur, responsable de l'annihilation mentale d'un employé persécuté, constamment vilipendé jusqu'à ce qu'il entreprenne en ultime recours une sentence vindicative.
Willard s'impose alors en une forme de conte horrifique établissant le portrait psychologique d'un jeune garçon taciturne, réservé, désespérément ennuyé d'une vie morne sans aucune vigueur.
La liaison amicale qu'il va entamer de manière bienveillante avec un rongeur (pour en adopter ensuite des centaines d'autres !) va peu à peu le revigorer et lui permettre de retrouver un potentiel intérêt à subir et tolérer son existence esseulée, aseptisée, dénuée d'humanité et de fraternité (en dehors de la nouvelle relation amicale avec sa nouvelle collègue de bureau campée par la charmante et novice Sondra Locke).
Mais sa vie professionnelle rendue impossible par un patron orgueilleux sans aucun scrupule et surtout le fait qu'un de ces rongeurs fétiches va malencontreusement perdre la vie à cause de celui-ci va fortement compromettre les états d'âme de Willard dans une rancune davantage aliénante et revancharde, aux confins de la folie.
L'idée pernicieuse qui accentue l'intensité du récit viendra également du fait que nos aimables rongeurs fidélisés, entièrement voués à la cause humaine vont à leur tour se retourner contre leur maitre par esprit de vengeance, jalousie affectée et complexe de supériorité après que la mort de l'un des leurs se soit étalée au grand jour sans que Willard, impuissant malgré lui, n'ait pu porter une quelconque assistance contre l'un de ses plus fidèles amis quadrupèdes.
Un combat sans merci sera donc livré entre l'homme présomptueux, déloyal et l'animal finaud, perspicace, souhaitant réciproquement rétablir l'ordre et la loi du plus fort !
Bruce Davison compose avec décence le portrait empathique d'un personnage solitaire totalement renfermé sur lui même au charisme chétif, en concordance avec sa personnalité fragile et névrosée. Il lui manque cependant une certaine dimension humaine pour permettre d'accentuer l'impact des évènements dramatiques élucidés.
Le génial Ernest Borgnine, proprement détestable dans le rôle du patron gouailleur dénué d'une moindre compassion envers ses employés excelle dans son caractère irascible et ordurier. Ses prises de bec inlassables et ses attitudes hostiles sont légions dans son environnement professionnel régit par une hiérarchie inflexible après s'être approprié le poste de chef d'entreprise que le père de Willard exerçait antérieurement.
Paradoxalement, on s'étonnera de voir avec surprise non négligeable la célèbre Elsa Lanchester interprétant le rôle maternel de Willard dans celui d'une vieille dame irritable et possessive, constamment entre les pattes de son fils chérissant. La aussi, une prestation sobre et attachante mais auquel il manque une certaine épaisseur humaine pour exacerber les conflits opposés dans leur relation intimiste.
LA NUIT DU RAT.
Nonobstant un montage peu adroit et une musique mielleuse embarrassante, car éludant éventuellement une ambiance inquiétante, Willard reste 40 ans plus tard un sympathique conte horrifique bien mené et attachant même si le poids des années a entaché quelque peu son charme aujourd'hui vieillot et son intensité dramatique rendue beaucoup moins percutante qu'à l'époque de sa sortie.
Mais la force de son scénario évoque également une belle réflexion sur les rapports de force et d'ascendance qu'entretiennent l'homme et l'animal. Une méditation alarmiste mentionnant la question suivante: dans un avenir proche, l'animal est-il en mesure de pouvoir dominer l'homme et le contrôler ?
Par contre, le remake (pour une fois fructueux) réalisé par Glen Morgan en 2003 surpassera son modèle avec beaucoup plus d'adresse, d'émotion et de pertinence dans une mise en scène plus inspirée à la photographie maniérée, génialement interprété par Crispin Glover dans le rôle titre.
NOTE: Il s'agit d'un des premiers rôles de Bruce Davison au cinéma. Dans le remake, réalisé en 2003, il joue le père de Willard.