par BRUNO MATEI » 14 Septembre 2012, 09:57
En 1998, John Carpenter s'entreprend de dépoussiérer la mythologie du vampire dans un western crépusculaire où James Woods et ses mercenaires ont décidé de foutre le zouc chez les goules du maître Valek ! Et de nous pondre une série B flamboyante au design probant, là où les créatures de la nuit n'ont jamais été aussi persuasives dans leur charisme séculaire !
Jack Crow, chasseur de vampires des temps modernes, travaille pour le compte du Vatican. Avec ses acolytes, il réussit de nouveau à débusquer un nid de goules dans une maison abandonnée, mais leur maître Valek réussit à prendre la fuite. Le vampire décide alors de se venger et décime la quasi totalité de l'équipe de Jack. Avec l'aide de son compagnon Montoya, du prêtre Adam Guiteau et de Katrina, une prostituée infectée, Jack décide de livrer une guerre sans merci contre Valek et ses sbires, et par la même occasion retrouver une croix intangible avant que le Mal domine le monde.
Photo saturée flamboyante, décors arides d'une nature clairsemée sous un soleil écrasant et mise en scène au cordeau d'un Carpenter en pleine possession de ses moyens, Vampires est une nouvelle odyssée virile d'un western horrifique transcendé par ses personnages belliqueux. Que ce soit l'opiniâtre Jack Crow (James Woods, magistral de machisme primaire en anti-héros intraitable !) et son équipe de recrues, ou Valek, maître en règne des vampires et ses goules exhumées des profondeurs terrestres. Avec l'entremise d'un scénario astucieux érigé sous la hiérarchie du catholicisme corrompu par l'entreprise du Mal, privilégiant ainsi nos créatures d'accéder à une ultime victoire pour vaincre la lumière solaire, John Carpenter renouvelle l'iconographie du vampire avec ambition personnelle et lyrisme crépusculaire. Les codes traditionnels du genre sont ici habilement réinterprétés afin de donner un sang neuf au folklore dans une facture somme toute vintage. Les décors sporadiques de cabanons, motel et monastère enfouis dans une contrée reculée participent à l'ambiance surnaturelle d'un ouest américain où des créatures démoniaques sont tapies dans l'ombre de logements abdiqués. Avec l'artillerie lourde d'arbalètes, fusils à pompe, haches et pieux affûtés, les nouveaux chasseurs de vampires se parent d'un nouveau look de cow-boy à lunettes noires sous l'allégeance d'un leader impassible. Tandis que nos créatures mégalos, assoiffés de sang et affublés de soutane sont vêtus comme de véritables prêtres sataniques ! Là où l'exorcisme antécédent avait finalement échoué !
John Carpenter n'oublie pas de véhiculer une charge érotique par la caractérisation de la jeune Katrina, (Sheryl Lee, divine de beauté ardente dans ses désirs incontrôlés !) prostituée infectée irrésistiblement transie d'extase quand la morsure charnelle du maître Valek a pénétré sa chair. Par l'imagerie extatique d'une donzelle en état de jouissance, la séquence éculée peut ainsi renaître de ces cendres afin de réinterpréter de façon viscérale une poésie sulfureuse ! En prime, une romance assez touchante est illustrée parmi cette contaminée et Montaya, tous deux secrètement amoureux mais finalement contraints de s'exiler durant deux jours pour profiter de leur ultime moment. Emaillé de séquences d'action à la fois terrifiantes et homériques pour contrecarrer les forces du Mal et s'emparer de la croix de Bezier, John Carpenter multiplie les péripéties spectaculaires au service narratif (le prologue explosif dans le cabanon, le massacre dans le motel et celui du monastère, les altercations successives dans l'ascenseur). Il n'oublie pas pour autant de susciter angoisse, suspense et revirement (l'appréhension dans les galeries souterraines, l'exorcisme final et les véritables motivations du Vatican) afin de transcender une série B inventive à l'esthétisme formel. A l'icône funeste de l'exhumation des maîtres, s'extirpant l'un après l'autre des entrailles du terreau sous un crépuscule nuageux !
Superbement incarné par une poignée de protagonistes farouches et misanthropes n'hésitant pas à railler l'église catholique (sans daigner la renier !) par l'intermédiaire d'un prêtre couillu, Vampires est une ardente battue au sein du crépuscule des damnés. Mis en scène avec une maîtrise indéfectible et un sens du rythme sans faille, son pouvoir de fascination véhiculé par Valek et ces hordes de goules plus vraies que nature rend l'aventure d'autant plus jouissive qu'ils font sans doute partis des plus beaux spécimens gothiques contemplés au cinéma.
