THE WOMAN
Réalisateur: Lucky McKee.
Année: 2011.
Origine: U.S.A.
Durée: 1h47.
Distribution: Avec Angela Bettis, Pollyanna McIntosh, Sean Bridgers. Sélectionné au Festival de Sundance 2011.
Filmographie: Lucky McKee est un réalisateur, scénariste et acteur américain né le 1er Novembre 1975 à Jenny Lind (Californie).
2002: All Cheerleaders Die (Dtv, co-réalisateur), May.
2006: Master of Horror (1 épisode), The Woods.
2008: Red, Blue Like You.
2011: The Woman
Après un bouleversant coup de maître sublimant le portrait chétif d'une jeune schizophrène (May) et un conte onirique inspiré par Suspiria mais inachevé dans ces ambitieuses intentions (The Woods), Lucky McKee revient avec un nouveau métrage sulfureux qui secoua une partie du public durant sa projection sélectionnée au festival de Sundance. Réputé pour son extrême violence, The Woman est une collaboration avec le romancier Jack Ketchum qui ont tous deux pris soin de façonner leur scénario en traitant des rapports conjugaux, de la place de la femme dans notre société évoluant ici dans un climat tendu hautement dérangeant et malsain.
Christopher Cleek est un avocat marié à une épouse modèle et père de trois enfants. Un jour, alors qu'il part à la chasse, il rencontre une femme subsistant à l'état primitif en plein coeur d'une forêt sauvage. Il décide de la kidnapper pour la ramener à la maison et l'éduquer à sa manière.
Après moults rumeurs sur sa violence réputée extrême et son caractère misogyne décrié par certains, The Woman aura réussi à engendrer un véritable buzz et continue de faire fantasmer les fans les plus avides qui n'ont pas encore eu l'aubaine de le découvrir.
Mettons tout de suite un terme à cette violence si diffamée au festival de Sundance car s'il y a bien une verdeur particulièrement dérangeante qui en résulte, elle est avant tout d'ordre psychologique dans les mentalités refoulées. Ici, nous sommes loin d'être face à un tortur' porn mercantile célébré par Saw ou autres dérivés redondants façon DTV pour contenter un public passif d'ados excités. Lucky McKee, plus furieux que jamais, souhaite indubitablement choquer et provoquer le malaise mais l'horreur qu'il dépeint durant la quasi totalité du métrage est avant tout dédiée à l'humanité propre des personnages, lourdement accablante.
En prenant comme idée de départ le kidnapping incongru d'une sauvageonne esseulée vivant recluse dans une nature sauvage, le réalisateur décrit son ravisseur comme un aimable avocat d'apparence tolérant et respectable, malgré l'audace insensée de son rapt. "La femme" est donc brutalement destituée de sa liberté, enlevée par les ambitions conformistes d'un homme dit civilisé pour se retrouver vulgairement enchaînée au fond d'une cave, tel un animal de foire qu'il va tenter de dompter avec virile autorité. Durant cet endoctrinement à l'allégeance et la docilité, Lucky McKee ausculte de façon très réaliste et saugrenue le portrait en interne d'une cellule familiale américaine d'apparence commode et orthodoxe. Mais en y regardant de plus près, cette famille modèle si idéalisée par l'hypocrisie d'une société puritaine est ici complètement dissoute dans un bain d'acide parce que chaque personnage refoulé ou inhibé se morfondent depuis trop longtemps dans un mutisme répréhensible.
ATTENTION SPOILER !!! Comme leur fille aînée profondément introvertie et taciturne, réfugiée dans une solitude accablée. Ses résultats scolaires en forte baisse et son comportement versatile en cours vont sérieusement inquiéter une jeune professeur éprouvant une empathie attendrie face à la détresse d'une adolescente tourmentée et désoeuvrée. Tandis que son frère interlope semble épris d'un certain penchant pour la perversité à l'encontre de la gente féminine par des regards troubles et pathologiques. Son esprit tendancieux va d'ailleurs largement s'exacerber depuis qu'il va être témoin d'un viol commis par son propre père envers "la femme" enchaînée au fond de leur cave. En attendant la crise d'une mère de famille endoctrinée depuis les liens du mariage par un mari drastique obsédé par la discipline pédagogique, la professeur scolaire va s'engager finalement à rencontrer les parents, responsables du comportement fébrile de leur adolescente. Tapie dans l'ombre et après qu'une nouvelle humiliation physique est octroyé par le fils perverti, "la femme", plus que jamais déshonorée et violée, est motivée par ses instincts vindicatifs dans une rage sous-jacente incontrôlée. FIN DU SPOILER.
Ce tableau macabre et caustique d'une famille en lente dégénérescence va malencontreusement culminer son point d'orgue exutoire dans un déchaînement de violence sanglante, à la limite du supportable. Parce que le sentiment haineux de l'iniquité trop longtemps intériorisée va exploser de façon frontale, jusqu'au-boutiste, pour mieux extérioriser les conséquences désastreuses d'une famille pervertie par l'homme égocentrique, engluée dans un simulacre de doctrine bien pensante.
Il faut saluer la performance de l'impressionnante Pollyanna McIntosh, saisissante d'instinct bestial irascible dans sa grande posture ombrageuse privilégiée par une carrure robuste de garçon manqué. Son regard sombre et insidieux de louve enchainée, à la rage contenue par la claustration, magnétise l'esprit du spectateur. Un public déstabilisé pourtant épris d'une véritable empathie à sa soumission contraignante, réduite à l'état d'esclave pour le compte d'un époux misogyne. C'est l'épatant Sean Bridgers qui endosse ce rôle de patriarche sournois inscrit dans la déchéance la plus licencieuse pour le compte de la gente féminine. Un personnage perfide sidérant d'autorité sadienne et de perversité lattente auquel son jeune fils influent semble lui aussi suivre les mêmes voies pathologiques.
PORTRAIT CRACHE D'UNE FAMILLE MODELE.
Dans un climat malsain probant davantage incommodant et insinueusement dérangeant, The Woman est un éprouvant pamphlet sur la bourgeoisie enlisée dans les conventions des valeurs américaines et morales. Une satire incisive sur la société bien pensante qui démontre avec force et réalisme cuisant que l'être humain primitif est beaucoup plus autonome et bienfaisant que l'homme érudit rattaché à sa civilisation contemporaine. Lucky McKee illustre également avec sensibilité le malaise d'une jeunesse désoeuvrée, livrée à elle même, faute d'une démission parentale catéchisée par une discipline dépréciante. The Woman est tout autant une ode à l'indépendance de la femme pour le respect de leur dignité et de l'égalité des sexes contre l'autorité castratrice de certains machistes égotistes. Son explosion de violence radicale, quasi insoutenable, découlant dans son épilogue paroxystique peut certainement choquer les plus sensibles mais il ne représente en aucun cas un spectacle grand-guignolesque, gratuitement putassier dans le but d'impressionner. ATTENTION SPOILER !!!! Il démontre au contraire que la résultante de ce carnage présagé aura pu favoriser l'éducation préventive d'une jeune orpheline adoptée par une femme primitive, moralement saine et sauve. FIN DU SPOILER.
Scandé par une BO rock alternatif, le dernier McKee est un grand film malade sur l'implosion de la cellule familiale et l'enfance galvaudée, lourdement éprouvant et difficilement digérable. Le bouche à oreille est relancé !