par SUSPIRIA » 08 Mai 2010, 22:59
4è long-métrage de John Hillcoat, "La Route", tiré du roman éponyme écrit par Cormac McCarthy nous décrit un monde post apocalyptique (c'est ce qu'on laisse sous entendre en séquence d'intro au vu du commentaire narré par le père évoquant un gigantesque éclair aveuglant traversé dans le ciel) enduit dans la grisaille et la morosité à travers un climat fortement anxiogène, voir dépressif d'où plane à chaque recoin une contemplation de l'horreur terrestre, une menace invisible souvent camouflée dans des taudis où chaque être humain regroupé en clan ou en individualité en sont réduits à se battre indépendamment. C'est la loi du plus fort qui restera la seule règle de conduite à établir dans le but primitif de se nourrir à tous prix.
A travers ce long et éprouvant périple désolé de terres dévastées, amplifié par le pouvoir visuel poétiquement sinistre de la nonchalance d'un ciel orageux noircit par l'odeur de la mort, un père et son fils vont tenter d'y survivre.
Une Terre aride décomposée, tristement dévastée dans une déliquescente fin d'agonie où toute la faune animalière, les cultures, la végétation et le peu de nourriture restante auront disparue. Sur leur route désertique et désséchée nimbée d'amertume le père et son fils vont rencontrer divers personnages en détresse tous réduits à l'état de vagabond faiblard ou vieillard morne affamé (méconnaissable Robert Duvall dans un court rôle marquant !) emplis de désespoir dans leur quête inespérée de nourriture ou de vêtement rafistolé pour se protéger du froid davantage en chute libre.
En exemple il faut voir de quelle manière le père et le fils vont s'approprier d'une vieille canette de coca jamais décapsulée pour la déguster goulument, savourant chaque bulle pétillante et piquante dévalant gentiment la pente d'un gosier déshydraté.
Tout le récit de John Hillcoat est orienté sur l'ambiance immersive, mélancolique d'une fin d'un monde anéanti magnifiquement mis en lumière dans une photographie obscure picturale. Ambiance de décripitude sans aucune esbrouffe ni effets spectaculaires rendue crédible et rehaussée par la psychologie de ces personnages. En particulier sur la relation étroitement liée, profondément humaine d'un père et de sa progéniture constamment sur le fil du rasoir, à deux doigts de se sauter la cervelle du fait du profond pessimisme environnemental et d'un danger permanent imprévisible de devoir peut-être affronter une prochaine horde de cannibales réduits à manger la propre chair humaine ou d'autres nomades solitaires égarés aux cimes de leur folie humaine. La scène de la rencontre du Black est l'un des moments les plus durs où l'on perçoit pleinement la déshumanisation de l'être humain dans une circonstance aussi nihiliste, égoiste ou la notion du Bien et du Mal ne feront plus qu'un. A moins qu'un adolescent encore receptif à la compassion et la pitié rappellera à l'ordre l'impitoyable vengeance d'un père en colère au bord de l'épuisement physique.
S'ensuit un enchainement de scènes intimistes et dures débordant de tendresse pour l'amour d'un père prêt à offrir sa vie pour celui de son fils innocemment témoin de ce nouveau monde équivoque que l'on pourra aussi définir comme un équivalent à une représentation de l'enfer sur Terre.
"La Route" est un film d'anticipation fort et parfaitement rendu crédible, un drame humain réaliste et puissant sans aucun artifice, une histoire d'amour bouleversante d'une belle intensité dramatique et un voyage au bout de l'enfer qu'on n'aimerait jamais envisageable dans un avenir prochain...