Fameux chanteur dans le groupe de metal industriel White Zombie, Rob Zombie avait démontré qu'il pouvait également uvrer dans le cinéma de genre en réalisant House of 1000 Corpses. Ce n'est pourtant qu'avec The Devil's Rejects, concentré explosif de violence extrême, d'humour noir et de mauvais goût, qu'il apporta réellement sa pierre à l'édifice du film d'horreur. Alors que les pétards mouillés Wolf Creek ou La Colline a des Yeux 2006 comblaient les salles obscures, The Devil's Rejects ne bénéficiait pas d'une exploitation commerciale digne de ce qu'il valait et a montré le bout de son nez sur le tard, au moment où le public commençait à jouer sérieusement les blasés. Il n'aura ainsi guère eu droit au même succès que certains de ses homologues au demeurant beaucoup moins intéressants sur un plan purement qualitatif, à moins que l'on ne finisse par (re)découvrir ce diamant noir comme il se devait au départ. Mais désintéressons-nous du mauvais sort commercial du film pour nous pencher sur lui-même. Qu'est-ce que The Devil's Rejects, au
juste ? Un survival de plus bricolé par un hard rocker nourri à Massacre à la Tronçonneuse ou Tueur nés ? Pas le moins du monde. Rob Zombie se lâche complètement, il balance au cur d'une industrie bouffie et usée l'un des plus beaux exemples de décomplexion jamais mis en scène, à tel point qu'il fait de ce Devil's Rejects un film d'auteur à part entière. Derrière l'étalage de brutalité hardcore, d'obscénité malsaine et d'hystérie achevée qui caractérise le tout - et le hisse à un stade de jubilation coupable rare -, il y a là-dedans des audaces scénaristiques et visuelles incontestables: Rob Zombie fait des bourreaux les victimes, les héros d'un survival où le véritable mauvais rôle est endossé par un sheriff impitoyable et revanchard. La réalisation, que l'on pourra juger hasardeuse, maladroite et approximative, sert en fait à décupler ce climat de folie, de morbidité et de sauvagerie pourtant loin de se prendre au sérieux, comme le témoigne cette généreuse dose de cynisme et d'humour noir qui occasionne à The Devil's Rejects de friser la parodie. Avec ses quelques vieilles bouilles bien connues (Sid Haig, Bill Moseley, Ken Foree, Geoffrey Lewis, Michael Berryman), le casting flatte l'amateur en règle, mais l'on retiendra surtout dans ce rayon-là l'impressionnante composition de William Forsythe en sheriff vengeur ainsi que la sublime plastique d'une Sheri Moon pour le moins déchaînée.
Toujours à la frontière entre le survival glauque et éprouvant et la comédie macabre (John Waters ou Russ Meyer ne sont jamais loin), The Devil's Rejects pulvérise la concurrence et nous administre une belle grosse claque dans la figure. À l'heure où l'on farfouille désespérément un intérêt dans la plupart des productions du genre de ces dernières années, Rob Zombie et son jouissif bébé sont parmi les rares à nous convaincre que le cinéma d'horreur n'a pas encore entièrement dépéri. Une bombe dévastatrice.
9/10