
L'univers angoissant et surnaturel de Stephen King s'imbrique ici avec celui, morbide et glacé, de Cronenberg, pour une uvre de genre majeure dont le script aura sans nul doute inspiré entre autres la saga Destination Finale. Pareil propos (un homme se découvre des dons extra-lucides à la suite d'un choc accidentel) aurait facilement pu se casser les dents, or il se révèle servi avec une intelligence et une maestria telles qu'on ne peut nier l'évidence: The Dead Zone est un coup de maître. Un film noir, froid, inquiétant et passionnant à la fois, qui bénéficie en outre de la remarquable interprétation de Christopher Walken, très crédible dans le rôle principal. David Cronenberg est l'auteur de bon nombre de métrages forts intéressants, mais celui-ci s'avère incontestablement, en incluant La Mouche, le meilleur accomplissement de sa carrière. Tout y est parfait, millimétré, traité sans la moindre faille, un peu à la manière du Halloween de Carpenter, la richesse et la complexité du scénario en prime. Dans The Dead Zone, tout contribue à susciter le malaise: les pouvoirs de visions effrayants du héros, la morosité des décors hivernaux, le personnage secondaire joué par un étonnant Martin Sheen, sorte de Hitler des années quatre-vingt, le classicisme rigoureux et «hostile» de la mise en scène, tout cela nous plonge dans une sensation d'inconfort permanente mais en même temps fascinante, née d'une fusion entre les styles respectifs d'un maître de l'écriture horrifique et d'un grand esthète du cinéma fantastique moderne. D'une densité dramatique exceptionnelle, formidablement réalisé et interprété, The Dead Zone est l'un de ces films intemporels dont la thématique audacieuse ne prend guère le pas sur la maturité du traitement, chose suffisamment rare dans le septième art pour le signaler.
10/10
