THE CROW
Réalisateur: Alex Proyas.
Année: 1994.
Origine: U.S.A.
Durée: 1h42.
Distribution: Brandon Lee, Ernie Hudson, Michael Wincott, David Patrick Kelly, Angel David, Rochelle Davis, Bai Ling, Laurence Mason, Michael Massee, Bill Raymond.
Sortie salles France: 3 Août 1994. U.S: 11 Mai 1994
FILMOGRAPHIE: Alex Proyas est un réalisateur, producteur et scénariste australien, né le 23 Septembre 1963 en Egypte.
1994: The Crow
1998: Dark City
2002: Garage Days
2004: I, Robot
2009: Prédictions
2012: Paradise Lost
Il y a longtemps, les gens croyaient que quand quelqu'un meurt un corbeau emporte son âme jusqu'au pays des morts. Mais il arrive parfois, quand des choses trop horribles se sont passées, que l'âme emporte avec elle une immense tristesse et qu'elle ne puisse pas retrouver le repos. Quelque fois, et seulement quelque fois, le corbeau peut faire revenir cette âme pour que le bien reprenne ses droits sur le mal.
Inspiré par le comic book de James O'Barr, le débutant Alex Proyas nous gratifie pour son premier long un conte gothique, vertigineux et flamboyant, où la romance déchue déteint à chaque recoin du cadre expressionniste de l'écran. Habité par l'interprétation magnétique de Brandon Lee, ce chef-d'oeuvre funeste à l'aura hermétique s'octroie d'une résonance particulièrement tragique quand le 31 Mars 1993, l'acteur tire sa révérence après avoir été mortellement blessé d'une balle durant une scène du tournage. Un accident d'autant plus trouble et imbitable que son propre père, Bruce Lee, mourut préalablement dans les mêmes circonstances mystérieuses.
La veille de leur mariage et le soir de la toussaint, le chanteur Eric Draven et sa compagne Shelly sont sauvagement assassinés par une bande de malfrats tributaires d'un mafieux occulte. Un an plus tard, par l'entremise d'un corbeau, Eric Draven sort de sa tombe pour venger la mort de sa défunte.
Film maudit par le deuil inéquitable d'un jeune acteur à l'aube d'une potentielle ascension, The Crow semble totalement possédé par l'âme du défunt alors que dans cette chimère, le personnage incarné reviendra d'entre les morts pour réclamer justice auprès des responsables de la mort de sa compagne.
Dans une photographie monochrome contrastant un esthétisme crépusculaire, la quête meurtrière d'Eric Draven (fantôme blême au visage maculé de blanc à la manière d'un polichinelle torturé), nous ait illustré dans un pur esprit gothique destroy. Par son architecture ancestrale héritée de l'époque médiévale mais également par la modernité d'une bande-son rock endiablée !
Sous ses allures de film d'action moderne vigoureusement rythmé par les exactions vindicatives du héros principal, Alex Proyas nous parle de prime abord d'un amour déchu. D'un être fébrile préalablement assassiné mais incapable de retrouver le repos dans l'obscurité de l'éternité. Aujourd'hui voué à la résurrection par le pouvoir occulte d'une corneille, le mort récalcitrant se résout à accomplir sa besogne pour inhiber le Mal infiltré dans une cité urbaine en pleine anarchie.
Lamenté et profondément endeuillé, réfugié dans la réminiscence élégiaque d'un romantisme déchu, Eric Draven nous exprime avec une acuité accablée son désarroi inconsolable. Sa détresse insurmontable, sa souffrance inaltérable d'avoir perdu la femme de sa vie dans des conditions inhumaines, faute des exactions crapuleuses d'un gang de hors la loi à l'idéologie auto-destructrice.
Avec l'assistance de deux de ces fidèles amis, un flic pondéré et une adolescente esseulée par la cause d'une mère indigne, le vengeur d'outre-tombe perpétue sa destinée mortuaire mais énonce tout autant ses valeurs spirituelles. Exprimer à ceux qu'il chérit encore sa piété dévouée de daigner préserver la vie par la grâce de l'amour.
Dans un rôle iconique de mort vivant excentrique plus frondeur et invincible que sous son apparence de simple mortel, Brandon Lee endosse le rôle de sa vie avec une prestance surnaturelle particulièrement troublante. Le fait de savoir que l'acteur trépassa accidentellement pendant le tournage de l'entreprise exacerbe cette aura mystique imprégnant tout le climat du film. Une interprétation substantielle qui va ainsi largement renforcer la fragilité du personnage meurtri, investi dans une traque impitoyable mais dévoué aussi à privilégier l'amour cathartique. Pour incarner la prestance candide de Sarah, Rochelle Davis exprime avec pudeur une tendresse infantile face à sa compassion démunie pour les amants maudits. Ce souvenir prégnant d'avoir connu Eric et Shelly en guise de considération parentale puisque contrainte de tolérer une mère toxicomane incapable de faire face à ses responsabilités. Jusqu'au jour où Eric lui revient sous l'apparence de l'ange de la mort et rappelle à cette maman volage son rôle maternel de choyer et préserver la vie d'une adolescente sans repère.
Si les êtres que nous aimons nous sont arrachés, pour qu'ils vivent longtemps, il ne faut jamais cesser de les aimer.
Les immeubles brûlent, les gens meurent, mais l'amour véritable est éternel...
Soutenu par une envahissante bande-son rock frénétique et renforcé par un parti-pris formel d'un esthétisme macabre à couper le souffle, The Crow est un éternel requiem à tous les romantiques déchus mais aussi à ceux qui honorent l'emblème de l'amour. Un chef-d'oeuvre flamboyant d'une grâce mélancolique transcendée par l'interprétation épurée d'un acteur damné. Un conte torturé mais débordant de virginité où l'alchimie émotive dépasse notre raisonnement. En l'occurrence et après nombre de visionnages récursif, il se révèle à mes yeux comme le poème romantique le plus obsédant jamais inscrit sur pellicule !