THE COLD ROOM
Réalisateur: James Dearden.
Année: 1984.
Origine: Angleterre/Allemagne.
Durée: 1h35.
Distribution: Georges Segal, Amanda Pays, Renée Soutendjik, Warren Clarke.
FILMOGRAPHIE: James Dearden est un réalisateur et scénariste britannique né le 14 septembre 1949 à Londres.
1977: The Contraception, 1978: Panic, 1980: Diversion, 1984: The Cold Room, 1987: Liaison Fatale (scénariste), 1988: l'île de Pascali, 1991: Un baiser avant de mourir, 1999: Trader.
Par le scénariste du thriller phénomène (du mois en son temps !) Liaison Fatale, James Dearden réalise en 1984 son meilleur film, The Cold Room, justement récompensé à Avoriaz du Prix Spécial du Jury.
Hallucinations, voyage temporel, réincarnation, folie s'entrecroisent dans une intrigue à l'atmosphère lourde et irréelle, d'où plane le spectre du nazisme.
En relation conflictuelle avec son paternel, la jeune Carla décide malgré tout de partir quelques jours en sa compagnie dans la région allemande de Berlin-Est. Dès leur arrivée, ils prennent une chambre d'hôtel gérée par une vieille dame du nom de Frau Hoffman. Peu à peu, Carla est sujette à d'étranges visions comme ce boucher hostile armé d'un long couteau, réfugié devant son échoppe faisant face à l'hôtel. Bientôt, la jeune fille découvre une pièce secrète en interne de son armoire de chambre.
Voilà un bien étrange petit film totalement dénigré de nos jours, jamais diffusé à la télévision et toujours inédit en dvd. Son prix mérité à Avoriaz n'aura même pas eu l'opportunité d'être reconnu au plus grand nombre d'amateurs de fantastique tout en suggestion.
Car toute la force de The Cold Room réside dans un troublant récit soigneusement narré, laissant planer un doute persistant quand à l'imagination délurée ou le sens de réalité déformée d'une jeune fille instable et insolente, perdant peu à peu tout contrôle avec son existence affective.
Après avoir découvert derrière l'armoire de sa chambre une pièce sordide condamnée, jalonnée de crocs de boucher encastrés sur les murs, Carla va constater qu'un homme prénommé Erich s'y est réfugié depuis deux semaines pour ainsi échapper aux forces de l'ordre.
Chaque jour, elle décide de lui ramener des vivres alimentaires alors qu'une relation amoureuse commence à s'installer entre les deux amants. Rapidement, Erich qui est en fait un insurgé d'origine juive lui demande de trouver l'un de ses amis pour pouvoir s'approprier de pièces d'identité falsifiées et quitter illégalement le pays.
Mais le père de Carla commence sérieusement à douter et s'inquiéter de l'état de santé chétif de sa jeune fille, souvent désorientée, prise de malaise et esseulée à l'intérieur de sa chambre. Leur relation familiale devient de plus en plus contraignante pour se culminer dans un dialogue de sourd et des altercations toujours plus violentes.
Un peu plus tard, le boucher du coin situé en face de sa chambre décide d'agresser Carla pour la violer. Après avoir été ausculté par un médecin, elle se rend compte qu'elle n'a jamais été victime d'agression sexuelle. De surcroît, l'échoppe gérée par ce boucher a fermé les clefs depuis près de 40 ans.
Le nouvel univers dans lequel notre héroïne semble évoluer s'altère toujours un peu plus chaque jour et abouti à un voyage temporel en pleine période funeste de nazisme, durant la seconde guerre mondiale.
Atmosphère, atmosphère ! Tout dans The Cold Room est dédié à un lourd climat ambivalent, celui du Berlin contemporain du début des années 80 et l'autre, vétuste, datant des années 40, en pleine dictature fasciste.
Dans une ambiance funèbre, glauque et oppressante, ce troublant drame fantastique s'octroie de peaufiner un univers dépressif en portant témoignage à une sombre période de l'histoire. Un génocide éhonté commandité par la tyrannie du nazisme délibéré à exterminer la race juive. A travers ce triste épisode compromettant une idylle romantique entre deux amants soumis à la haine et la xénophobie d'un régime despotiste, James Dearden souhaite avant tout exprimer par l'imagerie l'art de raconter une histoire étrange sous la forme d'un cauchemar éveillé. Rêves, hallucinations, réincarnation, folie déficiente s'enchevêtrent et se confondent en deux temporalités parallèles jusqu'à ce que l'une prenne totalement l'emprise de la réalité sur l'autre.
La jeune comédienne méconnue, Amanda Pays, (véritable sosie de Natassia Kinski), apporte un magnétisme charnel et une fraîcheur innocente prégnante dans sa psychologie torturée et tourmentée. Une victime entièrement ascendante à l'emprise transitoire d'une antique personnalité incapable d'avoir pu accepter le deuil d'un être cher. Le film doit en prime beaucoup à la crédibilité sensible de sa prestance spontanée et ombrageuse compromis au thème de la métempsychose.
Série B condamnée à errer dans l'oubli, The Cold Room est pourtant un excellent film fantastique, sobre et envoûtant, dont l'histoire captivante remémore en sous texte social le spectre idéologique de la race aryenne (et ses dix millions de morts décimés dans les camps de concentration et d'extermination nazis, dont une majorité de Juifs). Son atmosphère moite et lugubre, renforcée par une photographie aux teintes désaturées nous entraîne facilement dans un fascinant drame nébuleux d'une persuasive dimension humaine.