par SUSPIRIA » 31 Mai 2010, 20:24
6è long-métrage des Frères Hughes, après les excellents "Menace II society" et "From Hell", sans oublier le superbe hommage à la blaxploitation qu'était "génération sacrifiée" (Dead Presidents), les frères jumeaux originaires de Détroit reviennent après 8 ans d'absence avec ce nouveau long métrage intitulé: "Le Livre d'Eli" et emprunter la voie du post nuke divertissant et métaphysique en y imprégnant un message de paix universel dans sa thématique religieuse emprunt de foi et de catholicisme orthodoxe.
Dans une terre dévastée par la bombe, un voyageur, Eli, sillonne les routes désertées et désincarnées jonchées de cadavres et tôles froissées pour tenter de rejoindre quelques survivants pacifiques auquel il pourra remettre le livre de la Bible pour réinculquer aux hommes les notions essentielles et les valeurs pédagogiques de ces racines ambigues du Bien et du Mal.
A travers un divertissement d'anticipation post apocalyptique sur fond de western musclé et d'emprunt aux films de sabres japonais comme la célèbre série des "Baby Cart" (le début du film avec son combat au sabre filmé en jeu d'ombre en est un bel exemple !), "Le Livre d'Eli" retrace le destin d'un homme singulier, un nègre pacifique aux yeux masqués de lunettes noires, seul contre tous qui aura pour mission de réadapter le fondement d'une société plus harmonieuse et juste avec ses règles de conduites et ces lois à récupérer et réévaluer. Un voyage indéterminé en marche solitaire sur ses routes désséchées vers des rencontres fortuites d'âmes perdues réduites à la bestialité et la violence où la loi du plus fort sera toujours la plus optionnelle à envisager.
Une quête suprême qu'Eli se doit d'accomplir sans s'attarder sur les potentielles victimes sauvagement agressées. Dicté par la voix de Dieu en personne, Eli se lance à la poursuite d'un éventuel citoyen qui saura réélever la foi, l'ordre et la justice dans un monde anéanti au bord de l'agonie.
En y mélant les éléments du cinéma d'action et de l'anticipation pessimiste aux ambiances de désolation les frères Hughes délivrent ici un superbe spectacle fun et excitant, séduisant et envoûtant, atmosphérique dans ces nombreux tableaux de paysages grisés à travers une nature décrêpie sous un ciel pictural dans des images d'une beauté funèbre à couper le souffle. La superbe partition musicale mélodieuse ou de temps à autre classieuse épousera avec une belle harmonie ce climat morose, photogénique dans des teintes visuelles rouillées et grisonnantes où la mort semble planer à chaque recoin suspect.
Durant tout le film "le livre d'Eli" retrace un parcours déterminé d'un homme fuyant les bas instincts de l'humanité vers une voie plus lumineuse et vitale comme la nouvelle contemplation d'un vaste océan et cette ancienne urbanisation destructurée où la voie d'Eli se cloturera enfin vers un célèbre pénitencier réorganisé ironiquement comme havre de paix et de bien-être.
Avant cette quête essentielle pour l'avenir de l'humanité, Eli devra se battre et tenter de survivre contre une horde de fuyards, taulards et autres vagabonds déboussolés, assoiffés de sang, commandité par un dictateur tyranisant une petite ville mortuaire semblable à ces villages fantômes de westerns spaghetti de la belle époque comme "Django" ou "Pour une poignée de dollars". D'ailleurs, un air sifflotant soufflé à 2 reprises par l'un des protagonistes évoquera l'hommage, le clin d'oeil ou l'amour que les Frères Hughes portent à ce genre homogène si viril et violent sous un soleil souvent écrasant.
"Le Livre d'Eli" est un excellent divertissement intelligent dôté d'un solide scénario aux accents humanistes bien exploités dans ces enjeux considérables et fondamentales. Un western contemporain violent parfois impressionnant qui transpire la poussière, le sang et la sueur dominé par la forte présence de deux acteurs innés pour leur rôle respectif: Gary Oldman et Denzel Washington dans un duel intense, palpitant, nerveux mais ne cédant jamais à la facilité ou la gratuité des scènes d'action. Des scènes violentes et spectaculaires superbement chorégraphiées ou remarquablement réalisées aidées une caméra incroyablement fluide, rapide et virtuose (la séquence de la maison criblée de balle est un moment d'anthologie et les scènes de combats sont terriblement funs et jouissives !).
Note: Le parallèle avec la Bible est assez marquant: on retrouve dans la figure d'Eli le prophète Élie de l'Ancien Testament. Plusieurs indices sont intéressants à signaler:
Pour commencer, le désert sans eau fait bien penser aux trois ans de sécheresse que Dieu impose pour punir son peuple dans le Livre des Rois.
La violence du personnage central rappelle aussi le meurtre des 300 prêtres de Baal.
La mort d'Eli correspond avec "l'envoi en mission" de sa compagne, figure qui rappelle Elisée.