

Gilbert Montagné apprenti-balayeur ??? Mais non, bande d'imbéciles !
Cody est un jeune mécanicien qui vit au cur de la campagne texane avec sa mère. Fascinée par les discours télévisés d'un évangile de pacotille, cette dernière s'imagine que le cancer dont elle est victime va disparaître comme par magie suite aux « belles actions » de cette andouille de Brotherfogg. Chose promise, chose faite. Après avoir posé sa main sur l'écran du téléviseur, elle recrache la tumeur. Celle-ci se présente sous la forme d'une boule rougeâtre et visqueuse et s'immerge dans le corps de Cody durant la nuit, le temps de le posséder. Peu à peu, le parasite grossit et donne lieu à un duo d'énormes monstres aux dents acérées qui vont prendre possession des placards de la cuisine, parallèlement à la métamorphose du jeune homme, qui passe du stade de gentil plouc très niais à celui de véritable machine à tuer. Il doit nourrir cette bête avide de chair et de sang il doit nourrir THE ABOMINATION!

La belle série Z que voilà !
Tourné dans la brousse texane avec un budget inexistant et très peu distribué, The Abomination! ne connaîtrait sans doute aucun second souffle aujourd'hui si certains amateurs de raretés méprisées ne lui avaient pas rendu justice. Pour peu que l'on apprécie le gore sous toutes ses formes y compris donc la formule du gore de dernière zone, où les mannequins de latex et de papier mâché ainsi que le sirop de groseille vont bon train et pour peu que l'on puisse digérer toutes sortes de navet cinématographique, ce film ne représente rien moins qu'un incontournable du genre. Bret McCormick, qui signe ce succulent ovni sous le pseudonyme de Max Raven, accumules les bourdes de réalisation avec entrain et il faut s'armer de courage pour ne pas désespérer ou au contraire pouffer de rire lorsqu'il n'hésite pas à réintégrer de longues séquences dans l'intrigue, voire à nous concocter dès les premières secondes une présentation exhaustive de toutes les scènes gore que l'on retrouvera dans le déroulement du récit. Et nul besoin de décrire ces longs plans d'une prodigieuse inutilité et d'un formidable ennui qui apparaissent çà et là, à moins que le fait de regarder une femme vieillissante scotchée à son post de TV, un cheval immobile dans un pré ou encore un homme qui lave machinalement sa voiture soient susceptibles d'intéresser l'un d'entre vous, surtout lorsqu'l n'y a pas Jacques Tati derrière la caméra.
De plus, comment ne pas grincer des dents face à une telle interprétation ? L'acteur principal, probablement ramolli par les joints, récite tant bien que mal son texte et nous exhibe son faciès de jeune plouc yankee simple d'esprit avant de se parer d'une paire de lunettes noires pour commettre ses méfaits, ce qui arrange bien les choses. La comédienne qui joue le rôle de la mère a une voix et un accent texan totalement insupportables; sa mort prend d'ailleurs des allures de libération aux yeux du spectateur. Le reste de la distribution est d'une parfaite insignifiance.
Enfin, le film pâtit d'une qualité d'image franchement dégueulasse et de décors on ne peut plus laids. La mise en scène, outre les grosses aberrations de montage citées plus haut, suinte de mollesse et de platitude.
Tout ou presque concourt ainsi à la médiocrité abyssale dans The Abomination!, et pourtant, une bonne partie de ces défauts plus un degré relativement élevé d'effets gore lui confèrent un attrait et un charme indéniables. La plupart des trucages sont forcément ratés au plus haut point et le réalisateur s'arrange souvent pour limiter les scènes de meurtres dans leur action en procédant à des ellipses de montage, manque de moyens oblige. Pourtant, la boucherie reste bel et bien présente: mutilations diverses, égorgements au couteau (dont l'un avec gros plan interminable sur la gorge ouverte), décapitation à la tronçonneuse et vive les pastèques fourrées à la salade de homard ! , tripaille abondante de quoi rassasier l'amateur durablement.
Un autre bon point, particulièrement fun: les bestioles. Leur design renvoie clairement à celui de la créature de Deadly Spawn, autre fleuron de la série Z horrifique US des années quatre-vingt sauf que celles de The Abomination! s'avèrent encore bien plus cheap. Voyez plutôt en images:

The Abomination!

The Deadly Spawn
Ces deux grosses masses rougeâtres enfin, la plus imposante, surtout, on se demande encore à quoi a servi la plus petite dévorent donc goulûment tout ce qui entre dans leur bouche, et lorsque ce n'est pas le plouc à lunettes noires qui leur fournit leur pâtée, elles s'arrangent pour attraper elles-mêmes les proies à proximité. Indubitablement jouissifs, ces carnages et ces festins où le latex et la boyasse de cochon achetée à bas prix à la boucherie du coin se mêlent joyeusement font de The Abomination! une petite perle de gore « maison » que l'on peut savourer sans honte.
Dans une moindre mesure, la musique, quoique datée et pas toujours du meilleur goût, réserve un ou deux thèmes au synthétiseur efficaces et parfois même un brin expérimentaux. Rien de bien exceptionnel, mais un petit intérêt supplémentaire au palmarès de ce fort sympathique navet.

Ce qu'il y a d'étrange avec The Abomination!, c'est que l'on ignore où se trouvent précisément les limites entre la débilité involontaire et volontaire qui le caractérise. En effet, une seule scène suffit à justifier réellement ce doute: Brotherfogg, l'évangile de fond de bar, qui lâche de violentes flatulences en hors-champ et épuise son rouleau de papier de toilette. Et si ce film était plus roué qu'on ne le pense ? À méditer.

En conclusion, cette bande gore vaut le détour, ne serait-ce que pour le fait de l'assimiler à une collaboration entre Herschell Gordon Lewis, Olaf Ittenbach, Ed Wood, Greydon Clarke et Bruno Mattei. Encore que c'est mal définir The Abomination!, tant il possède son propre style et ne ressemble à aucun autre navet en particulier. Pas d'argent, pas ou peu de talent, des maladresses incommensurables et un film pourtant bien jubilatoire.
6/10
