Premier film de Wong Kar-Wai, ce drame urbain intense, sorte de
Mean Streets transposé dans le Kowloon des années 80, impose d'emblée la virtuosité stylistique de son auteur, qui dépeint ici le quotidien de petites frappes sans avenir avec une grande linéarité, pour mieux souligner l'aspect sentimental de son film (une histoire d'amour et une autre d'amitié, toutes deux très fortes), tout en utilisant pléthore d'effets visuels et esthétiques techniquement remarquables.
Au-delà de sa dimension romantique, tragique et fraternelle,
As tears go by regorge de séquences de combats à mains nues d'une violence bien souvent à la limite du soutenable, quoiqu'assez stylisée, dont le jusqu'au-boutisme déplut à la critique occidentale lors de la projection du métrage à Cannes.
Les trois protagonistes sont interprétés par Andy Lau, Maggie Cheung et Jacky Cheung, comédiens déjà reconnus dans le cinéma chinois de l'époque; celui qui émerge en l'occurrence plus particulièrement du trio est sans contexte Jacky Cheung, dans la peau d'un jeune chien fou mais naïf à la personnalité exubérante. L'on a beau sans cesse reprocher à l'acteur son jeu outré, force est d'avouer que ce dernier crève continuellement l'écran de par toute l'émotion, la nervosité et la candeur qu'il dégage.
La musique se veut quant à elle magnifique: nappes synthétiques typiquement
eighties envoûtantes à souhait et superbe reprise de
Take my breathe away (à la base un fameux thème de
Top Gun composé par Giorgio Moroder) en cantonais, révélant l'admiration de Wong Kar-Wai pour la culture pop américaine qui faisait alors fureur un peu partout.
Même si sa narration tourne un tantinet en rond,
As tears go by demeure un jalon important dans le cinéma hongkongais pré-rétrocessionnel, grâce à sa beauté plastique incontestable, sa réalisation sans failles ainsi que l'épaisseur accordée à ses personnages. Premier film, premier petit coup de maître.
8/10