Suspiria de Dario Argento, 1977

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Suspiria de Dario Argento, 1977

Messagepar BRUNO MATEI » 19 Juin 2013, 07:40

Réalisateur: Dario Argento.
Année: 1977
Origine: Italie
Durée: 1h39
DIstribution: Jessica Harper, Stefania Casini, Flavio Bucci, Miguel Bosé, Barbara Magnolfi, Susanna Javicoli, Eva Axen, Rudolf Schundler, Udo Kier, Alida Valli, Joan Bennett.

Sortie en salles en France le 18 Mai 1977. U.S: 12 Aout 1977.

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie).
1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975, Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.

"La magie est une chose à laquelle on croit, ou et quand que ce soit, et qui que l'on soit".

Deux ans après son chef-d'oeuvre giallesque, Les Frissons de l'Angoisse, Dario Argento cristallise un coup double avec Suspiria, clef de voûte du Fantastique confrontée à l'univers de la sorcellerie comme aucun cinéaste n'avait su le retranscrire au préalable. Spectacle halluciné de sons et lumières, cet opéra de la mort nous emporte dans un tourbillon d'émotions à la merci de son auteur transi de créativité. Un génie illuminé réussissant à transcender la forme par l'alchimie du 7è art. Ou comment réinventer l'angoisse de l'affres à travers l'existence des sorcières caractérisée ici par la mère des soupirs, Helena Markos.

Susie Benner est une jeune ballerine américaine débarquée à Fribourg sous une nuit pluvieuse. Après avoir pris un taxi pour rejoindre son académie de danse, l'école lui interdit l'accès sans raison équitable. Au même moment, elle aperçoit une jeune fille paniquée quittant brusquement les lieux. Quelques instants après, la mystérieuse inconnue est sauvagement assassinée. Susie va peu à peu comprendre que l'école renferme de troubles secrets alors que d'autres meurtres aussi cinglants vont être perpétrés.

Suspiria débute de manière frontale avec un prologue oppressant. Susie Benner, sort d'un aéroport pour appeler furtivement un taxi, faute d'une pluie incessante. A bord du véhicule conduit par un étrange chauffeur, son trajet nocturne suscite une aura anxiogène quand son regard troublé semble apeuré par l'opacité d'une pluie battante entrevue par la vitre du taxi. L'inquiétude de la jeune fille va un peu plus s'accentuer avec la découverte irréelle d'une présence humaine courant à travers bois d'une forêt clairsemée. Cette silhouette féminine est une jeune apprentie à peine congédiée de l'académie pour mauvaise conduite. Quelques instants avant cette fuite cuisante, Susie avait tenté de comprendre le vocabulaire émis par cette inconnue quand elle s'était adressée à l'interphone de l'établissement. Dario Argento, en pleine possession de ses ambitions formelles créé déjà une ambiance atypique proprement fascinante et magnétique. Le fameux score lancinant façonné par les Goblin, comptine doucereuse violemment percutante dans ses accents choraux, va venir scander ce florilège d'images fantasmagoriques jusqu'au fameux double meurtre. Un moment d'anthologie d'une cruauté hallucinée où l'on ne compte plus les coups de poignards assénés à la victime suppliciée, sans compter ce gros plan incongru d'un coeur battant transpercé par la lame d'un couteau acéré. Autant dire que les 20 premières minutes sont déjà pour le spectateur une épreuve horrifique jamais vécue de manière aussi sensitive et incongrue sur un écran de cinéma ! L'expérience virtuose (la caméra, sagace et véloce, multiplie les angles et cadrages alambiqués !) est un véritable concerto funèbre alliant les hurlements d'une victime moribonde à la frénésie féerique d'images épiques.

La suite narrative nous borde par la main de Susie dans l'antre d'un mystère lattent régi au sein d'une académie de danse. Un établissement d'une beauté baroque irréelle variant à l'infini les décors picturaux érigés sous une architecture hétéroclite, avec ses teintes criardes et polychromes. Une splendeur esthétique désincarnée agencée à l'intérieur du moindre plan, où les quelconques objets, symboles et détails les plus anodins sont contrastés par une caméra en quête expérimentale. Les différentes loges accordées aux apprenties danseuses et les pièces secrètes qui environnent les alentours sont une excursion hermétique où l'occultisme du Mal domine instinctivement ceux qui y ont trouvé refuge. Quand à leur hiérarchie réglementaire, elle est gouvernée par des femmes autoritaires compromises par des secrets inavouables.
Cet irrésistible sentiment de perte des sens avec la réalité nous est exacerbé par l'acte morbide du meurtre gratuit. Celui d'un aveugle égaré autour d'un palais historique, subitement égorgé par son propre chien, et celui de la ballerine un peu trop curieuse, pris au piège dans des mailles de filet métalliques. Argento, plus que jamais déguisé en alchimiste perfide, nous hypnotise la vue et l'ouïe à travers ces séquences inédites où l'horreur surnaturelle frappe brutalement sans prévenir (zooms audacieux à l'appui pour venir ausculter les plaies entaillées). Cette combinaison de gore outrancier et de beauté raffinée est filmée d'une manière si épidermique qu'elle nous fascine avec une anxiété irrésistible !

Quand l'histoire de la reine noire, Helena Markos, est évoquée à travers la culture d'un illustre psychiatre, plus de doute n'est alors imposé à l'héroïne (et au spectateur !), préalablement indécise. Le monde des sorcière existe bel et bien, et Argento souhaite rationaliser ce sentiment absurde du Mal surnaturel tyrannisant notre monde dans l'unique but de nous faire souffrir afin d'accéder au pouvoir. Mais les sorcières ne peuvent obtenir cette divinité qu'en exerçant le mal pour le soumettre aux êtres humains (par la maladie, la souffrance et fatalement la mort). Cette doctrine mécréante fondée sur l'annihilation par la magie va culminer sa danse funeste vers une antichambre de l'enfer en connivence avec la candeur d'une fleur d'Iris. Ce code secret finalement déchiffré est notamment une quête initiatique pour la jeune Susie, ici éprise de vaillance audacieuse pour accéder à l'horrible vérité ! La fascination exercée par cette confrérie véreuse atteint son apothéose dans un point d'orgue de terreur crispante et d'explosions incendiaires.

La Danse des Sorcières
Conte de fée pour adultes auquel Blanche Neige se serait égarée au pays des merveilles, Suspiria est une ultime expérience avec la peur de l'inconnu, initiée à la beauté de l'horreur érotique. Argento, hanté par ses ambitions occultes, a créé ici l'opéra anxiogène le plus scintillant car oscillant inlassablement avec l'élégance épurée et l'horreur forcenée d'une mère des soupirs. Illuminé par la douceur chétive de Jessica Harper, aussi engourdie par son environnement fantasmatique qu'étourdie par le concerto déchaîné des Goblin, Suspiria s'érige en ballet cabalistique ! Une danse de sorcières la plus ensorcelante de l'histoire du cinéma.
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BRUNO MATEI
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