
LE JOUR DE LA FEMME.
En 1978, dans une mise en scène rugueuse proche du documentaire, I spit on your Grave éclabousse l'écran par son sujet brulant traité avec crudité et immortalise au passage le portrait d'une femme violentée incarnée par l'inoubliable Camille Keaton. Le réalisateur Meir Zarchi s'inspirait à la base d'un drame véridique, quand il fut témoin en 1974 qu'une femme errait nue dans un parc de New York, après s'être faite violée. Le film controversé avait à l'époque tant choqué qu'une poignée de féministes lui intentèrent un procès à tort.
13 ans plus tard, Steven Monroe s'accorde à la tâche récurrente du remake à la mode. Une seconde tentative audacieuse pour tenter de renouer avec l'ambiance malsaine d'un rape and revenge poisseux, comportant l'une des pires scènes de viol de l'histoire du cinéma, et cela même si la seconde partie sous exploitée, était beaucoup moins percutante et crédible dans ce qu'elle souhaitait avant tout dénoncer avec force abrupte et réalisme suffocant.
Une séduisante jeune femme écrivain se réunit dans un chalet en pleine forêt pour se remettre à l'écriture de son nouveau livre. Mais rapidement, une bande de marginaux champêtres qu'elle avait furtivement rencontré sur sa route se décide à lui donner une bonne correction dans un concentré d'ultra violence, d'humiliation et de viol immolé.
Mais ce qui devait aboutir à un meurtre gratuit et crapuleux va se transformer en une ignoble chasse à l'homme vindicative auquel personne ne sortira indemne.
Dans une photographie pastel et désaturée qui laisse transparaitre la clarté ensoleillée des paysages forestiers habilement exploités, ce remake tant redouté va oser se confronter au digne représentant de son modèle dans une mise en forme nécessairement brutale, rêche et sans retenue.
La sobriété de la mise en scène accordée d'une douce partition musicale discrète et craintive s'imprègne furtivement d'un climat insécurisant dans le refuge forestier d'une cabane perdue au milieu de nulle part, abritant une jeune femme brune à la beauté distinguée.
Steven R. Monroe ne va pas s'attarder à présenter un quelconque intérêt coutumier sur la banalité du quotidien paisible d'une jeune écrivain. Il rentre rapidement dans le vif du sujet, à peine 20 mns écoulées d'une potentielle menace extérieure suintant les environs de la demeure et nous entraine dans sa première heure à un éprouvant et interminable moment d'ultra violence centrée sur l'humiliation et le viol de l'héroïne sans restriction aucune.
Autant dire que l'ambiance davantage malsaine va irrémédiablement mettre le spectateur dans un état incommodant de claustrophobie tangible, de malaise déstabilisant face au calvaire enduré de la jeune victime. Tant pour les humiliations inlassablement répétées que la scène de viol durement éprouvée, brutale, difficilement supportable.
Une fois de plus, comme dans le film d'origine de Meir Zarchi, aucune complaisance n'est requise pour tenter éventuellement de se juxtaposer (ou d'en dépasser les limites) au malaise insoutenable éprouvé par le film d'origine.
Alors que la seconde partie accès sur la revanche de la femme ira encore plus loin dans l'horreur inhumaine dépassant largement les débordements sanglants du film de Meir Zarchi.
C'est cette partie habilement mise en scène et exploitée de manière anti conventionnelle qui surprend et étonne. Et cela, même si l'on sent que le tortur'porn dans l'air du temps est passé par là. Ici, les pièges concoctés n'ont heureusement rien de "divertissant", ne rivalisent pas d'ingéniosité machiavélique pour épater la galerie du spectateur voyeuriste mais s'insèrent plutôt dans une mise en forme d'authenticité brute axé sur le sadisme et la crudité pour une vengeance perfide, compromise dans les humiliations relatives intentées aux bourreaux, réciproquement inversées.
Chaque meurtre exécuté par Jennifer est imposé à sa manière sournoisement perverse et horriblement cruelle comme le bain d'acide, l'arrachage de dents, la sodomisation au fusil à pompe ou les yeux gardés grands ouverts, faisant écho à une scène anthologique dans Opéra d'Argento.
Une réactualisation du vice permettant à la femme haineuse de commettre les mêmes brimades antécédemment perpétrés à son égard pour chacun des agresseurs qui lui auront fait subir un florilège de jeux sordides d'avilissement et de perversion.
C'est Sarah Butler (A Couple of White Chicks at the Hairdresser, Flu bird Horror) qui s'impose en digne successeur de l'inoubliable femme violée revancharde, interprétée antécédemment par Camille Keaton. Un jeu habilement mesuré et déférent fondé sur la réalité de son calvaire souillé et violenté, retranscrit avec abomination et refus de concession rédemptrice. Son regard futilement sournois dénué d'aucune compassion et ses actes tous plus barbares les uns que les autres nous rend totalement désoeuvré, déconcerté, écoeuré, voir attristé d'un tel acharnement lapidaire sur ses tortionnaires réduits à l'état de chair dépravée. Car ici, les victimes terrifiées en état de marasme, agonisent, hurlent, supplient, pissent dans leur froc, vomissent et transpirent la sueur ocre.
Ces protagonistes mâles se sortent honorablement de leur prestance virile dans ce défilé de brutes sanguinaires sans aucun état d'âme voués à la bassesse humaine de la femme, l'esprit de révolte et de soumission puis enfin la perversité sexuelle.
Mention spéciale au shérif imposé par Andrew Howard, commanditaire le plus répréhensible du fait de son autorité castratrice envers ses acolytes mais aussi doublement insidieux dans son rôle presque vertueux de père de famille aimant, épris d'attention et d'affection pour sa femme ainsi que sa petite fille.
Chad Linberg dans le rôle d'attardé peut de prime abord laisser le spectateur dubitatif dans son physique stéréotypé mais sa véracité à vouloir convaincre avec dimension psychologique finit rapidement par emporter notre adhésion.
Il parvient même à retranscrire une éventuelle compassion auprès du spectateur dans sa repentance désespérée clamée devant son bourreau inflexible au dernier acte souscrit.
L'ANGE DU MAL.
Poisseux, glauque, insupportable, brutal, gore et craspec, I Spit on your Grave détonne, secoue et convoque la nausée dans son traitement radical, jusqu'au boutiste sur l'instinct bestial qui sommeille en chacun de nous.
Sa réflexion judicieuse sur la violence vindicative auquel une victime avilie se révèle encore plus monstrueuse que ses odieux agresseurs dénonce sans complaisance le caractère pitoyablement gratuit et inutile de tels actes aussi abjectes fondés sur la rancoeur et l'annihilation. Des séquences chocs radicales décrites avec une rare crudité, à contre emploi des films gores grands-guignols auquel nous n'éprouverons ici jamais un quelconque plaisir ludique à la manière des tortur'porn de Saw et consorts. Autant dire que I spit on your grave est, tout comme son modèle, le genre de film que l'on ne souhaitera pas revoir et subir de manière récurrente.
On pardonnera par contre quelques futiles facilités (la musique parfois pompeuse souhaitant souligner l'horreur du danger inopiné ou la facilité de Jennifer à s'accaparer de ces bourreaux tombant comme des mouches dans les mailles du filet) et approuver la qualité d'un remake aussi couillu, dépassant même son modèle dans une seconde partie beaucoup plus percutante qui stigmatise et boycotte les monstrueux actes décrits en dessinant le portrait éprouvé d'une justicière pathétique, définitivement engluée dans les racines du mal.
C'est vers sa présence de marbre que la caméra va s'attarder et clôturer I spit on your grave pour une image finale glaciale, mise en exergue longtemps dans notre mémoire après le générique de fin.