LE SPECTRE DU PROFESSEUR HICHCOCK.
Titre original: The Ghoul / Lo Spettro.
Réalisateur: Riccardo Freda.
Année: 1963.
Origine: Italie.
Durée: 1H38.
Distribution: Barbara Steele, Peter Baldwin , Elio Jotta, Harriet Medin, Carol Bennet, Carlo Kechler, Reginald Price Anderson.
BIO: Riccardo Freda (24.02.09 - 20/12/99) est un réalisateur, scénariste et acteur italien à l'origine de 27 longs-métrages réalisés entre 1942 et 1989. Il sera surtout reconnu auprès des amateurs de cinéma fantastique avec Les Vampires, Caltiki, le monstre immortel, Maciste en Enfer ainsi que ses fausses suites l'Effroyable secret du Dr Hichcock, le Spectre du professeur Hichcock.
L'un de ses plus beaux fleurons qui aura marqué toute une génération de cinéphiles restera également Le Chateau des amants maudits (Béatrice Cenci), fresque historique romantique dont Argento s'en serait particulièrement inspiré pour sa poésie visuelle versicolore avec sa pièce maitresse Suspiria (ex: la fille courant dans les bois sous une pluie battante en scène d'intro)
L'ARGUMENT: Le professeur Hichcock vit dans une vieille maison isolée en compagnie de sa jeune épouse, Margaret, et de sa fidèle gouvernante Catherine.
Gravement malade, il est soigné par son collègue le Docteur Livingston. Mais un odieux complot semble se tisser autour de son état de santé davantage compromis.
LE CHATEAU DES AMANTS MAUDITS.
Un an après le succès de son chef-d'oeuvre L'Effroyable secret du Dr Hichcock, Riccardo Freda reprend sous son aile sa célèbre actrice fétiche Barbara Steele qui accepte furtivement le nouveau rôle et renouer avec un second bijou d'épouvante antique pour une durée de tournage qui totalisera 12 jours inflexibles.
Cette fausse suite dont le titre original est Le Spectre se réapproprie d'une ambiance gothique raffinée qui comblera les amateurs à travers une narration machiavélique qui fait la part belle aux personnages perfides sans morale ni états d'âme.
Pour info, ce sont les français qui vont reprendre le célèbre terme du nom Hichcock dans leur titre remanié du film. Un caractère conventionnel uniquement à but lucratif à cause de son succès considérable dans les divers pays où il fut projeté.
Deux amants épris l'un pour l'autre vont comploter un plan machiavélique pour supprimer le mari moribond et s'investir de son immense fortune mise en exergue pour l'héritage.
Mais les sinistres amants ne sont pas au bout de leur peine et de leur surprise quand ils seront témoins du spectre du professeur hantant les nuits lugubres de la demeure maudite.
Dans une bâtisse gothique d'une beauté funèbre imparable à travers ses éclairages bleutés, Riccardo Freda nous entraine dans un sombre et funeste huis-clos malsain pour un stratagème jubilatoire où les nombreux revirements et un suspense habilement entretenu ne pourront relâcher prise face à un spectateur attentif et fasciné par la texture macabre du récit parfaitement structuré.
En dehors de son aspect visuel flamboyant qui ne pourra que pâmer de bonheur les amateurs d'ambiance gothique à base de chandeliers dégoulinants de cire consumée, crane humain, costumes victoriens, caveau vétuste et autres tableaux picturaux, Le Spectre est un passionnant jeu de pouvoir entre des personnages insidieux tous plus négatifs les uns que les autres.
LES TEMOINS DU MAL.
C'est de prime abord la divine et hypnotique Barbara Steele qui interprète avec perversité le rôle déchu de la maitresse, Margaret. Elle hypnotise de son regard noir abyssal une trame méthodique où chaque invité est soumis à la supercherie et au complot du mensonge.
Un personnage orgueilleux de femme sournoise dénuée de sentiments, induite dans l'hypocrisie, habitée par le simple désir de posséder sans restriction ses amants assouvis par son charme vénéneux, sa présence démoniaque, la plénitude ténébreuse de ses yeux occultes envahis par l'idéologie du Mal ! Notre actrice fétiche littéralement habitée par son rôle subversif crève l'écran à chacune de ses apparitions dantesques !
L'amant complice, le docteur Livingston joué avec autorité par Peter Baldwin est un homme plutôt séduisant, discrètement condescendant qui sait contenir ses émotions défaitistes face aux malencontreuses révélations qui parsèment le récit. Un être mesquin sans scrupule qui osera accomplir l'ultime fardeau criminel pour l'amour de sa vorace dulcinée.
Le docteur Hichcock campé par Ellio Jotta est tout aussi surprenant dans son jeu en demi-teinte d'époux trahi et vindicatif. Son physique cadavérique, son teint blafard et sa mine anxiogène sied à merveille dans sa photogénie italienne avant de pouvoir rivaliser d'ingéniosité dans son final révélateur et nihiliste. Un cinquantenaire aigri qui impose de sa prestance maladive, ce qui permet aussi d'anticiper à l'ambiance sombre du film et qui pourrait rappeler aux amateurs un acteur de la trempe de Howard Vernon.
La gouvernante campée par l'impressionnante Harriet Madin impose un jeu inné dans son allure froide et mortuaire, vêtue d'une sinistre robe noire et d'un chignon étiré de manière exacerbée. Derrière la porte, elle pose un regard complice à peine indocile quand elle entend dans la pièce voisine les sauvages coups de rasoirs perpétrés par une Margaret déchainée face à sa proie démunie, désorientée, rendue aveugle par son propre sang liquéfié s'échappant de son visage lapidé !
Cette unique séquence choc remarquablement découpée, brutale, gore et assez pénible dans les coups répétés assénés sur le visage de la victime reste un moment d'anthologie qui garde encore aujourd'hui un effet émotionnel éprouvant, plutôt couillu pour l'épôque.
D'ailleurs, dans l'un des bonus du dvd, on apprendra que cette unique séquence sanglante aura énormément choqué en son temps un public qui n'était pas habitué à un tel degré de violence graphique.
LE FANTOME VIVANT.
Le Spectre du professeur Hichcock est à nouveau l'une des merveilles de l'horreur gothique chère au maitre Riccardo Freda, et cela même s'il n'égalisera pas son premier coup de maître tourné un an auparavant.
Le choix de ses décors richement fournis et gothiques, la photo caverneuse bleutée, la science du suspense, la galerie pathétique de ces personnages tous plus sournois les uns que les autres et la mise en scène parfaitement maitrisée renvoient à une oeuvre angoissée, fascinante, aussi belle que malsaine et profondément funèbre.
Sans oublier d'évoquer en intermittence cette magnifique comptine musicale, une boite à musique lancinante, étrange et mélancolique, invoquée dans la tristesse et le désenchantement. Un écho résonant dans la nuit, témoin ironique d'un jeu de massacre sans échappatoire, où nos anti-héros n'auront droit à aucune potentielle rédemption salvatrice.