Malgré une réalisation sans relief, téléfilm oblige, cet étonnant
Soupçons de mort s'impose comme l'un des ouvrages les plus fondamentalement insolites, bizarres, foutraques, du maestro.
Le pitch de base s'inspire du fameux conte de
Barbe Bleue, dans lequel un richissime personnage assassine des femmes après les avoir séduites. Ici, il s'agit d'un flambeur invétéré, qui se décide à rembourser ses dettes en s'entichant de veuves aux portefeuilles bien remplis, afin de les occire et de les dépouiller de leur pactole par la suite. Dans la peau du dit bonhomme, le comédien
Brett Halsey tire à merveille son épingle du jeu.
La première partie de
Soupçons de mort recèle d'effets Gore particulièrement crapoteux: cadavre démembré de toutes pièces à la tronçonneuse (et en gros plan, s'il vous plaît) avant d'être transformé en viande hachée puis livré aux porcs, visage d'une femme réduit en bouillie à gros coups de bâton en pleine poire, puis fonte du faciès de la même personne (déjà morte), expédiée dans un four, vagabond écrabouillé avec insistance sous la roue d'une voiture, pour finir par ne demeurer plus qu'un gros pâté sanglant; les trucages n'ont rien à envier à ceux de
Giannetto De Rossi.
Fulci est complètement déchaîné, et ça se voit.
Déchaîné, ou plutôt dérangé, il l'est aussi lorsqu'il filme avec une complaisance maladive la laideur incommensurable de chaque veuve de notre cousin de
Barbe Bleue: l'une est une authentique femme à barbe, aussi ventripotente que repoussante, l'autre se voit affublée d'une abominable cicatrice couronnant sa lèvre supérieure - constamment filmée en gros plan -, pour n'en citer que les deux pires. L'on est en mesure, à la vision de tout cela, de se demander ce qui a bien pu passer par la tête de ce bougre de
Fulci; toujours est-il que le réalisateur semble s'amuser comme un fou parmi cet océan de mauvais goût total, à vous faire grincer des dents.
Pourtant,
Soupçons de mort s'avère souvent drôle, pétri d'un humour noir savoureux, rappelant presque à certains - rares - instants les comédies italiennes des années 50-60 dans leur plus pure tradition. Egalement dépourvu de temps morts, puis accompagné par quelques morceaux de musique classique raffinés, l'ensemble se suit au final avec un plaisir coupable, du moment que l'on ne se pose trop de questions quant à son sens.
Fulci s'attarde sur les pulsions schizophréniques de son héros assassin dans la seconde moitié du métrage, dont la fin très expédiée en déroutera plus d'un. Mieux vaut ne pas en dire davantage.
Ses hallucinants passages de boucherie grand-guignolesque font de
Soupçons de mort l'une des étapes les plus résolument Gore de
Fulci. Par ailleurs, ce solide téléfilm se révèle suffisamment distrayant et rythmé pour en faire une jolie réussite dans la carrière du maestro. Un petit régal.
8/10
