Réalisateur: Scott Derrickson
Année: 2012
Origine: U.S.A
Durée: 1h50
Distribution: Ethan Hawke, Juliet Rylance, Clare Foley, Michael Hall d'Addario, Vincent d'Onofrio, Frad Dalton Thompson, James Ransone.
Sortie salles France: 7 Novembre 2012. U.S: 5 Octobre 2012
FILMOGRAPHIE: Scott Derrickson est un réalisateur, scénariste et producteur américain
1995: Love in the Ruins. 2000: Hellraiser V: inferno. 2005: l'Exorcisme d'Emilie Rose. 2008: Le Jour où la terre s'arrêta. 2012: Sinister. 2013: Goliath. 201.: Deux Ex
Hormis l'étonnant (et parfois terrifiant) Exorcisme d'Emilie Rose, on ne peut pas dire que la carrière folichonne de Scott Derrickson soit digne d'éloges (Hellraiser 5 / le remake du Jour où la terre s'arrêta). Et ce n'est pas Sinister, série B horrifique dérivée du found footage, qui pourra nous prouver le contraire. La faute en incombant essentiellement à un coup de marketing prônant son label terrifiant ! Ce qui ne veut pas dire pour autant que Sinister soit aussi périmé qu'un pétard mouillé, bien au contraire !
Un écrivain en quête de reconnaissance décide d'emménager avec sa famille dans une nouvelle demeure pour mieux entreprendre l'écriture de son nouveau livre. Un soir, il découvre dans le grenier un projecteur de cinéma et quelques bobines de films en super 8. En les visionnant, il s'aperçoit avec horreur que le rituel de divers meurtres familiaux ont été perpétrés. Durant l'une des projections, il réussit à entrevoir une silhouette masquée qui pourrait être le potentiel suspect. Au fil des nuits, d'étranges phénomènes vont venir perturber ses nuits de sommeil. Il demande alors l'aide d'un inspecteur de police et d'un spécialiste en phénomènes occultes.
En adoptant le concept mainstream du found footage affilié aux traditionnels thèmes de demeure hantée et de boogeyman revanchard, le réalisateur Scott Derrickson réussit à tirer son épingle du jeu par la dextérité d'une mise en image suggestive fignolant son caractère oppressant. Chargé d'une aura de mystère diaphane dans le cérémonial d'étranges meurtres filmés en mode "super 8", l'impact anxiogène de Sinister est décuplé par cette fonction amateuriste. L'aspect véridique des crimes perpétrés en hors champ est mis en évidence par la texture d'une image ternie par le grain de pellicule.
De prime abord, les victimes réunies nous sont représentées de manière harmonieuse au sein du cocon rassurant de leur cellule familiale. Ce n'est que quelques secondes après avoir observé ses images paisibles du bonheur conjugal que l'horreur et la stupeur vont venir ébranler le spectateur quand ces quidams vont subitement se retrouver drogués et ligotés pour être assassiner de sang froid (pendaison, immolation, noyade, décapitation). Tandis qu'à chaque exaction commise (et pour alimenter le suspense), un survivant infantile est épargné mais jamais retrouvé par les autorités !
En résulte alors un réalisme glauque particulièrement dérangeant dans cette scénographie ritualisée, d'autant plus que le score percutant (parfois en décalage avec ce qui nous est illustré) se révèle saturée de sons déroutants pour mieux nous déstabiliser. Avec une certaine distinction, le réalisateur se réapproprie de stéréotypes usuels (les bruits suspects dans le grenier, les apparitions fantomatiques liées au mutisme, les terreurs nocturnes d'un gamin retrouvé dans une boite à carton) et recompose le portrait torturé d'un écrivain parano épris d'un certain penchant pour l'alcool. Indubitablement, le spectateur se pose les éventuelles questions subsidiaires: Est-il entrain de devenir fou et risque t'il d'assassiner toute sa famille ? En faisant intervenir l'élément occulte du surnaturel et l'icone du boogeyman effrayant, la narration décousue ne cesse d'attiser un suspense lattent en multipliant les errances nocturnes d'un père de famille habité par l'affres de l'inconnu et sa reconquête de notoriété. Tandis qu'au fil de ses investigations entreprises avec l'aide d'un imminent spécialiste et d'un jeune policier, l'homme délibéré à se raviser, va se retrouver confronté à une terrifiante machination sans qu'une ultime issue de sortie ne vienne le secourir. Cette divulgation incongrue se révèle d'autant plus perturbante et insupportable pour le paternel accablé qu'elle met en cause la culpabilité ATTENTION SPOILER !!! de l'enfance galvaudée FIN DU SPOILER.
Avec son intrigue ombrageuse jalonnée de situations anxiogènes particulièrement oppressantes, son climat aussi dérangeant que malsain découlant d'un rituel morbide et l'utilisation du docu-vérité établi par les bobines de super 8, Sinister juxtapose avec une belle efficacité l'académisme de thèmes rebattus et la rationalité du documenteur. Dominé par la présence fébrile d'Ethan Hawke et scandé par une bande son tonitruante, Sinister sort finalement des sentiers battus dans son habileté à mettre à mal le spectateur sans effet de fioriture, et en enfonçant le clou dans un nihilisme radical.
Pour parachever et pour mieux apprécier cette modeste série B lourdement inquiétante, retenez bien que l'aura du climat entretenu se révèle beaucoup plus angoissante que terrifiante alors que sa réflexion sur le pouvoir de l'image désarçonne par son impact irrépressible.