Âpre, sordide, cafardeux, estomaquant, jusqu'au-boutiste. Voilà une poignée de termes qui peuvent résumer Va et Regarde. Elem Klimov a sans nul doute réalisé le film le plus noir, le plus vraisemblable et le plus éprouvant sur la guerre avec cette évocation de la campagne Barbarossa où, durant la Seconde Guerre Mondiale, le Troisième Reich nazi prit possession de l'URSS et mit à feu et à sang des centaines de villages biélorusses. Narrant le parcours effroyable d'un jeune garçon de quinze ans enrôlé de son plein gré par les partisans et qui sera confronté au cours de son itinéraire à tout un tas d'horreurs bien réelles, l'uvre de Klimov se montre à la fois d'une authenticité à couper le souffle et d'une richesse formelle rare. Les travellings virtuoses à la Steady Cam confèrent au tout une ampleur cinématographique inégalable en son genre tandis que l'atrocité des actes commis et des situations qui en découlent, de même que le traumatisme vécu par le personnage principal, nous retournent littéralement les tripes. Ce rôle d'adolescent campé par l'extraordinaire Aleksei Krachvenko fait tout bonnement partie des performances d'acteur les plus prodigieuses du septième art. D'un gamin à l'allure ordinaire, il passe à un être au visage et au mental détériorés par la guerre dont les blessures intérieures ne pourront jamais se refermer. Le coup de théâtre final enragé et symbolique, clou du spectacle, marque lui aussi l'esprit pour toujours. Un formidable drame psychologique, un exercice visuel éblouissant, un film d'horreur dans le sens le plus terre-à-terre du mot et une expérience cinématographique hors du commun. Bouleversant.
10/10