En cette période relativement creuse de l'industrie cinématographique nipponne, le
senseï Kurosawa mène toujours la barque.
Ran, qui fait office de seconde adaptation du Roi Lear de Shakespeare dans sa filmographie après
Le Château de l'Araignée réalisé près de trente ans plus tôt, se veut une titanesque production franco-japonaise dans laquelle le cadre du Japon féodal du XVIe siècle où une simple querelle familiale aboutissant à une succession de batailles livrées par trois royaumes différents sert de prétexte à une puissante étude psychologique sur la traîtrise des hommes et leur perte de loyauté.
En dépit d'une reconstitution magistrale (mise en scène, décors et costumes sont à couper le souffle),
Ran déçoit par la théâtralité excessive de son interprétation et ses trop nombreuses lenteurs. Kurosawa s'éternise sur des plages de dialogues philosophico-poético-moralisateurs et des plans fixes d'une durée parfois interminable entre deux morceaux de bravoure filmés de manière, il est vrai, pour le moins époustouflante; à ce titre, l'on pourra s'étonner du haut degré de violence graphique de l'uvre, qui n'hésite pas à mettre en évidence de la façon la plus crue qu'il soit la boucherie se déroulant sous nos yeux, malgré un sang évoquant - volontairement ? - un rouge trop vif pour paraître réellement crédible.
L'on ne va pas remettre un tel fait en question:
Ran est objectivement l'un des films les plus importants de son auteur doublé d'un prestigieux classique du cinéma historique japonais au souffle épique sidérant. Seulement, sur ces 2h40 de bobine, un bon tiers se révèle ennuyeux et on ne peut finalement s'empêcher de préférer certains métrages kurosawaiens plus personnels, mineurs, ou moins réputés, d'une valeur moins grande mais davantage dignes de nous procurer du plaisir.
7/10