La poupée qui dévora sa mère
Ramsey Campbell
1976
C'était Clare qui conduisait. Rob était assis à côté d'elle. Soudain, un homme s'engagea sur la chaussée. Elle écrasa la pédale de toutes ses forces, mais c'était celle de l'accélérateur.
Avec l'embardée la portière du passager s'ouvrit, vint heurter le réverbère, puis se referma violemment avec un bruit étrange, inconnu... Rob était silencieux, la tête penchée hors de la vitre brisée, l'épaule pressée contre le rebord. Quelqu'un, là, dehors, le regardait fixement...
Ce n'est que plus tard qu'elle comprit : Rob était mort. Il avait perdu son bras dans l'accident.
Et l'ambulance, la police... Ils cherchaient quelque chose. Ils cherchaient son bras ! Quelqu'un avait volé le bras de Rob
Il n'est vraiment pas évident de parler de ce livre tant il est étrange et semble échapper à toute tentative de résumé ou d'explication...
La poupée qui dévora sa mère est le premier roman de Ramsey Campbell, un des "grands" de la littérature horrifique anglaise. Né à Liverpool en 1946, il est l'auteur d'une dizaine de romans et de plus de deux cents nouvelles. Campbell est injustement méconnu de ce coté de la manche, et c'est dommage car son écriture est riche et efficace. Il excelle dans la création d'atmosphères à la fois étranges et malsaines qui frappent le lecteur dès les premières pages. Ce premier roman en est une excellente preuve.
L'histoire commence de manière originale et inquiétante, avec ce crime absurde et grotesque, le vol du bras dun homme, qui enflamme limagination du lecteur. Mais l'enquête que va mener Clare pour trouver le bras de son frère la conduira très loin de ce à quoi on aurait pu s'attendre, elle ira jusqu'au confins de l'horreur et de la folie. Nous avons ici affaire à une véritable histoire de terreur. La tension monte dès les premières pages et ne cessera de monter au fur et à mesure qu'avance de l'enquête de l'héroïne. Pourtant le roman ne contient pas à proprement parler de scènes terrifiantes, mais il dégage une ambiance qui met le lecteur mal à l'aise, et ce tout au long du roman. Une ambiance étouffante et moite, qui semble coller au lecteur, tant et si bien que même après létrange final du livre, le sentiment de malaise et de gêne persistera encore. Campbell utilise des passages surréalistes, dont le livre regorge, et dhabiles descriptions qui nous présentent les maisons, les briques, la lumière, comme des entités vivantes pour désorienter son lecteur et maintenir un sentiment étrange tout au long du roman. Ainsi, même lorsque rien de terrifiant ne se produit, on est constamment sur nos gardes. Lauteur réutilisera les mêmes techniques narratives pour se sautres livres (notamment pour La secte sans nom (The nameless) un de ses romans les plus étranges, d'ailleurs brillamment adapté au cinéma par Jaume Balaguero), ce qui lui confère un style unique et très déroutant pour ses lecteurs.
Lire un livre de Ramsey Campbell cest toujours sembarquer pour un voyage étrange vers une destination inconnue et terrifiante...