Titre d'Origine: Operazione Paura
Réalisateur: Mario Bava
Année: 1966
Origine: Italie
Durée: 1h25
Distribution: Giacomo Rossi-Stuart, Erika Blanc, Fabienne Dali, Piero Lulli, Luciano Catenacci.
Inédit en salles en France. U.S: 8 Octobre 1968
FILMOGRAPHIE: Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie).
Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo.
1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1972: Lisa et le Diable, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).
Inédit en salles françaises mais déterré de l'oubli quelques décennies plus tard par la faveur d'une émission TV sollicitée par Jean Pierre Dionnet (Quartier Interdit), Operation Peur est une clef de voûte mortifère du gothisme transalpin. Sous prétexte d'une histoire de fantôme infantile terrorisant les villageois d'un quartier maudit, Mario Bava s'investit en artiste prodige pour façonner un florilège d'images picturales tout droits sorties d'un cauchemar surnaturel.
Dans un village reculé du Nord de l'Italie, le médecin Eswai est recruté par l'inspecteur Kruger afin de tenter d'éclaircir une succession de morts inexpliquées. Effrayés par l'apparence spectrale d'une fillette, les villageois semblent à la merci de son emprise diabolique. Dénué de croyance spirituelle, Eswai va tenter de découvrir l'horrible vérité.
A partir d'un pitch conventionnel érigé sur le thème de la sorcellerie et la hantise spectrale, notre éminent réalisateur livre ici une oeuvre formelle à l'esthétisme macabre étourdissant. Véritable déclaration d'amour au gothisme baroque d'une époque séculaire, Mario Bava envoûte les sens du spectateur, délicieusement embarqué dans un chassé croisé incessant avec la mort. Ou plus précisément avec le revenant d'une fillette exsangue, délibérée à soutirer la vie superstitieuse des paysans par l'entremise de l'hypnose et des forces occultes. D'une efficacité sans égale, les vicissitudes allouées à chacun des protagonistes est une partie de cache-cache parmi la présence faussement candide de cette gamine revancharde. Avec sa photographie sépia aux éclairages polychromes de vert, de rouge et d'azur, le réalisateur transcende l'illusion de ces décors gothiques (cimetière et forêt brumeux, chapelle, ossuaire et demeures lugubres) dans une architecture picturale (à l'image de ses sculptures ornementales longeant le jardin). Alors qu'au sein d'une demeure familiale poussiéreuse, d'étranges poupées de porcelaines, de vieux cadres de défunts, des chandeliers emmêlés de toiles d'araignées et des rideaux usés par la froideur du vent ornent l'ameublement !
Sans provoquer une terreur implacable à daigner exhumer les morts (en dehors de son intense point d'orgue fertile en déconvenues !), Mario Bava insuffle un climat anxiogène sous-jacent au travers de son énigme suspicieuse. L'ambiance feutrée qui émane du village clairsemé plonge le spectateur dans une sorte de cauchemar ésotérique où la temporalité est altérée par l'emprise maléfique. A la manière irréelle de cette séquence déroutante illustrant le parcours récursif du médecin coursant la fillette réfugiée vers une chambre. Ouvrant la porte pour pouvoir y pénétrer, il tente d'appréhender la gamine qui réussit in extremis à s'échapper par le portillon de sortie. Après avoir également quitter la salle, le médecin continue sa course effrénée pour se retrouver au même point de départ, c'est à dire devant la première porte d'entrée ! Il continuera sa poursuite sans relâche jusqu'à ce qu'il croise son propre double qu'il finit par rattraper par l'épaule !
Une autre séquence intemporelle montre également Monica dévalant des escaliers circulaires sans jamais pouvoir réussir à atteindre la dernière marche !
Si le scénario part donc d'un pitch classique avec l'archétype du fantôme persécuteur, Mario Bava est suffisamment habile pour broder une perfide histoire de vengeance à l'aura insolite, pourvue d'idées débridées.
Avec sa poésie macabre prédominante et envoûtante, Mario Bava agrémente une mécanique d'angoisse diffuse, traversée de visions d'effroi à travers la posture impassible d'une fillette mesquine. Exacerbé d'une bande son bourdonnante libérant parfois des gloussements railleurs, Opération Peur se confine au chef-d'oeuvre formel par sa persuasion innée à matérialiser un univers parallèle dénué de raison. D'une série B triviale, le maître du gothique en cristallise finalement une authentique oeuvre d'art littéralement ensorcelante.