par SUSPIRIA » 04 Juillet 2010, 18:52
Point de Vue Positif: 2 après son chef-d'oeuvre "Le Sang du Chatiment" et juste avant d'enchainer avec les déceptions "Blue Ship" (ça n'engage peut-etre que moi), "Jade" et "l'enfer du devoir", William Friedkin revient en 1990 au registre de l'épouvante, genre qu'il n'avait pas redoré depuis son mythique "l'Exorciste" en 1973 !
Un jeune couple récemment installé dans une ville de Los-Angeles décide d'engager une nurse pour la naissance de leur bébé. Mais cette jeune dame de prime abord séduisante et rassurante se révèle une adoratrice des forces du mal pour le conte d'un arbre maléfique adepte de nouveaux-nés innocents fraichement cueillis.
Avec une trame aussi intéressante et troublante renvoyant aux contes d'antan comme le précisera un des enfants au tout début du métrage à la lecture de son livre Hansel et Cretel, William Friedkin se charge de nous concocter une série B horrifique sans d'autres ambitions de tenter de nous inquiéter et frissonner avec un scénario linéaire sans revirement particulier. A cause aussi d'une filmographie exceptionnelle d'une richesse imparable tourmenté par sa thématique complexée du Bien et du Mal, peu de gens lui pardonneront à sa sortie ce petit film largement sous-estimé. ce qui se révelera bien dommageable car "La Nurse", aussi mineur soit-il réussi à créer l'inquiétude, la peur et la fascination à travers ce personnage de Gardienne éprise d'un arbre maléfique se nourrissant de nourissons pour pouvoir continuer à exister depuis des millénaires.
C'est la ravissante Jenny Seagrove qui interprètera le rôle de Camilla, la nurse envoûtée.
Un rôle en demi-teinte, d'apparance anodine, tour à tour sensuelle et charnelle, elle accédera insidieusement à l'inquiétude, l'angoisse puis l'horreur à travers ses actes sournois dénués de morale, plongeant davantage dans les racines du Mal pour conclure à un cérémonial satanique régi depuis des siècles. Une interprétation féminine dérangeante qui pourra aussi évoquer la gouvernante de "La Malédiction" de Richard Donner ou de manière plus rapproché la tentatrice du quelque peu sympathique "The Kiss" qui était campé par la sublime Joanna Pacula.
Son regard bleu attirant et son allure concupiscent de femme désirante, docile puis folichonne attire le spectateur charmé et attise sa libido comme cette séquence ou Camilla sort de son bain entièrement dévêtue sous l'oeil fébrilement coquin du mari soudain épris d'un semblant de voyeurisme sexuel.
Le couple vedette interprété par les méconnus Dwier Brown et Carey Lowell se révèlent idéals et convaincants dans le portrait insouciant de jeunes parents amoureux, débordant d'amour et d'attention pour leur nouvelle progéniture mais qui vont ensuite davantage s'apercevoir de l'horrible machination complotée durant toute la venue de Camilla.
Si Friedkin se contentera de livrer un récit limpide peu consistant sans aborder de réfléxion analytique, il se rattrape largement dans sa manière esthétique de filmer les éléments de la nature avec une poésie trouble, sensuelle, constamment désincarnée, ravivée par des éclairages de toute beauté et d'une superbe photographie glacée aux teintes bleutées dégageant de superbes séquences picturales sortis tout droit d'un conte de fée pour adultes (Camilla nue devant son arbre, ses promenades nocturnes fantasmagoriques, les rêves insolites du père de famille et ce dernier plan final où d'un abord de fenêtre on accède à un coin de verdure sur de nombreux feuillages laissant percevoir un hibou nous regarder).
Le final, oppressant et terrifiant nous entrainera durant une bonne demi-heure dans un cauchemar bien trempé et haletant où l'on retrouve la maestria du maitre dans sa manière de filmer avec habileté et savoir-faire des scènes chocs horrifiques étonnantes sans sombrer dans le ridicule comme Camilla volant subitement dans les airs ou l'intense séquence du gars apeuré cloitré dans une maison assiégée par des loups et enfin le final sanglant avec ce combat dantesque à la tronçonneuse contre un immense arbre atypique. Sans oublier de vous évoquer une séquence d'anthologie percutante, gore et violente installée au beau milieu du métrage avec ces trois péquenots violeurs aventurés dans la forêt pour finir méchamment massacrés.
"La nurse" est une oeuvre étrange et angoissante handicapée par un scénario peu ambitieux mais parsemé de séquences esthétiquement magnifiques et sa dernière demi-heure virtuose et maitrisée rachète un film mineur mais néanmoins prenant, à redécouvrir avec le recul et qui laisse en mémoire des images singulières partagées entre un onirisme féérique clairvoyant et une horreur ancestrale ancrée dans la nature aux prises avec les racines terrestres du Mal.