par BRUNO MATEI » 15 Décembre 2011, 07:31
Tiré d'une nouvelle de Tolstoi, déjà adaptée à l'écran par Mario Bava avec l'un des fameux sketchs des 3 visages de la peur, Giorgio Ferroni renoue avec l'épouvante gothique, 12 ans après nous avoir envoûté avec son magnifique poème mélodieux le Moulin des Supplices. Le réalisateur reprend ici la même thématique dans sa romance morbide teintée de désespoir : aimer au-delà de la mort pour contrecarrer la nonchalance de sa solitude !
Nicolas est un quidam énigmatique retrouvé dans un état traumatique aux abords d'une forêt. Emmené et soigné en institut psychiatrique, l'homme se révèle incapable de se souvenir du moindre évènement antécédent. Epris de panique incontrôlée, il semble effrayée à l'idée que la lumière du jour s'obscurcit pour laisser place à la nuit froide. Son état de marasme va s'exacerber quand une jeune femme du nom de Sdenka vient lui rendre visite dans sa propre chambre. Petit à petit, Nicolas se remémore ce qui l'a amené à se retrouver dans un état pathologique si déficient.
Le réalisateur prolifique Giorgio Ferroni renoue ici avec l'épouvante gothique dans cette intrigue originale faisant intervenir le folklore du vampirisme et du mort-vivant avec un parfum de romantisme désincarné. La première partie du film s'attribue à nous distiller un climat forestier inquiétant quand un médecin égaré se voit contraint de se réfugier auprès d'une famille interlope après avoir failli renverser une inconnue avec son véhicule. Le portrait asséné à cette étrange communauté de fermiers nous ait particulièrement bien retranscrite grâce au sentiment anxiogène émanant de leur comportement suspicieux. En effet, ces derniers héritiers d'un village autrefois expansif se barricadent dès la tombée de la nuit (21H00 pétante !) pour se protéger d'une sorcière délétère, communément surnommée "vourdalak". Cette créature errante rode chaque soir aux alentours de la demeure pour contaminer chaque membre uni par la filiation en leur suçant abondamment leur sang. Nicolas, décontenancé par cet improbable récit fantaisiste va peu à peu se rendre l'évidence que la malédiction de la sorcière n'est en rien un simulacre depuis que le patriarche parti à sa recherche pour l'annihiler n'est pas rentré au foyer. Si par malheur, il revenait après 18H, c'est à dire après la tombée de la nuit, il serait à son tour devenu un "vourdalak" tributaire de sa condition de mort spectrale pour aller contaminer ses descendants barricadés dans leur chaumière.
Avec un soin esthétique baroque, Giorgio Ferroni apporte un soin particulier à nous illustrer un climat étrange découlant de cet environnement champêtre rempli de bruits intrigants, de sangliers sauvages égarés et de hurlements de loups pleurant à la veillée nocturne.
La seconde partie accentue son caractère macabre dans les vicissitudes accordées à cette famille effrayée à l'idée de succomber aux maléfices de la sorcière. Avec quelques effets gores ostentatoires dont les italiens ont le secret, La Nuit des Diables exacerbe son rythme oppressant dans une succession de scènes paniquantes quand la famille se voit peu à peu infectée par les méfaits des "vourdalaks" jusqu'à ce que Nicolas et Sdenka semblent être les uniques survivants. Visages blêmes de porcelaine pour nos fantômes transis, cadavres subitement putréfiés au contact d'une mort violente, rire sataniques de gosses diabolisés éclipsés dans la noirceur nocturne sont les images marquantes d'une succession de rixes interposées entre Nicolas et la confrérie des "vourdalaks" !
Le point d'orgue révélateur reprend la trame du préambule psychotique quand notre protagoniste se retrouve à nouveau réuni dans sa chambre hospitalière avec comme seule compagnie équivoque la femme dont il était épris d'affection amoureuse. Un épilogue quelque peu ironique qui a de quoi surprendre dans son nihilisme infortuné !
Baignant dans un perpétuel climat trouble émanant d'une forêt opaque et hermétique, La Nuit des Diables réussit amplement à nous immerger dans un récit d'épouvante au parfum macabre d'un romantisme envoûtant. Par une lascivité ensorcelée, ces créatures démoniaques condamnées à errer sur terre ne peuvent tolérer une existence ancrée dans la solitude et se voient donc contraint de dégoter une idylle amoureuse en tentant de vampiriser un mortel persécuté. Davantage obscur et oppressant dans sa seconde partie échevelée, La Nuit des Diables culmine son potentiel effrayant dans une course poursuite heurtée à travers bois, d'autant plus que son caractère sanglant va venir renforcer sa dimension morbide. Un classique transalpin à débusquer au plus vite !
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