Titre d'Origine: The Night of the Hunter
Réalisateur: Charles Laughton
Année: 1954
Origine: U.S.A
Durée: 1h33
Distribution: Robert Mitchum, Shelley Winters, Lillian Gish, Billy Chapin, Sally Jane Bruce, James Gleason.
Sortie salles France: 11 Mai 1956. U.S: 29 Septembre 1955
FILMOGRAPHIE: Charles Laughton est un réalisateur et acteur britannique, né le 1er Juillet 1899 à Scarborough (Yorkshire, Royaume-Uni), naturalisé américain en 1950. Il décède le 15 Décembre 1962 à Hollywood (Californie) des suites d'un cancer.
1954: La Nuit du Chasseur
Unique réalisation de l'acteur Charles Laughton, La Nuit du Chasseur aura été dès sa sortie officielle une oeuvre maudite dépréciée par la critique et boudée par un public qui n'était pas préparé à tant d'exubérance. Reconnu au fil des ans comme l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma, ce conte hypnotique sur l'innocence bafouée resplendit de mille feux dans son noir et blanc étincelant, transcendé par le support du blu-ray !
Après avoir caché un butin que leur père aura légué juste avant d'être condamné pour assassinat, deux enfants sont persécutés par son ancien compagnon de cellule. Un pasteur machiavélique obnubilé à l'idée de mettre la main sur le fameux magot.
Poème livide sur l'enfance maltraitée durant une période historique de grande dépression, suspense haletant d'une traque incessante impartie entre un pasteur démoniaque et deux bambins candides, la Nuit du Chasseur est une oeuvre ineffable. Un diamant noir, à mi-chemin entre l'onirisme du conte de fée et l'icone horrifique de l'ogre surgi de la forêt. Dans une photo expressionniste en clair-obscur, Charles Laughton nous compose avec une folie créatrice un florilège d'images saisissantes et baroques aux inspirations hybrides (western, film noir, fantastique et horreur se télescopent sous l'esthétisme du cinéma muet). Que ce soit la fuite crépusculaire sur la rivière des deux gamins à bord d'une barque, le meurtre mystique de Willa Harper dans sa chambre tamisée d'éclairages ciselés, ou encore la découverte macabre qui s'ensuit pour son cadavre flottant au fond de l'eau parmi les algues marins.
Dans une ambiance opaque insaisissable, La Nuit du Chasseur nous propose notamment de transcender l'un des plus glaçants portraits de serial-killer à la perversité insatiable. Sous l'allégeance du diabolique Harry Powell, Robert Mitchum livre sans nul doute l'interprétation de sa carrière tant il retranscrit avec une froideur terrifiante le profil véreux d'un révérend bafouant le bien-fondé de Dieu. Pleinement conscient des valeurs manichéennes du Bien et du Mal, Harry Powell aura décidé de régir sa vie sans vergogne, dans le cynisme le plus insidieux. Pour tromper une veuve puritaine, quoi de plus cruel et couard que de molester l'innocence infantile au profit d'un butin considérable, sachant que seuls les gamins connaissent la véritable planque. A travers cette sombre traque où deux orphelins fuient leur bourreau à travers champs d'une nature étrangement sereine, Charles Laughton nous énonce l'influence sournoise que le Mal peut exercer chez l'être humain avide d'amour et de reconnaissance (Willa Harper et l'adolescente timorée sont assujetties à l'emprise charnelle de Powell). Il dénonce aussi clairement le fanatisme religieux chez les personnes superstitieuses et démunies, se rabattant à une divinité puritaine pour apaiser leur déveine et culpabilité. Enfin, il met en exergue les valeurs et les principes moraux de la bienséance impartis à l'éducation parentale quand les enfants fragilisés sont destitués de leur propre famille.
Conte obscur nappé de cynisme horrifique et d'onirisme enchanteur, récit initiatique confronté à la perte de l'innocence, la Nuit du Chasseur ne cesse de surprendre et d'éblouir un spectateur impliqué dans une structure narrative déconcertante. La puissance formelle de ces images aussi limpides qu'insolites, l'originalité de sa mise en scène pragmatique, le jeu gouailleur d'un Robert Mitchum glaçant d'austérité (le diable en personne j'vous dit !!!) ainsi que la prestance attachante du jeune Billy Chapin laissent en mémoire un chef-d'oeuvre d'une troublante modernité !