par SUSPIRIA » 29 Septembre 2010, 21:00
NOSFERATU, FANTOME DE LA NUIT
Totre original: Nosferatu: Phantom der Nacht
Réalisateur: Werner Herzog.
Année: 1979.
Origine: France / Allemagne.
Durée: 1H47.
Distribution: Klaus Kinski, Isabelle Adjani, Bruno Ganz, Roland Topor, Walter Ladengast, Dan van Husen, Jan Groth, Carsten Bodinus, Martje Grohmann, Rijk de Gooyer...
BIO: Werner Herzog, de son vrai nom Werner Stipetic, est un réalisateur, acteur et metteur en scène d'opéra allemand né le 05.09.42 à Munich (Allemagne). Il aura réalisé 18 longs-métrages entre 1968 et 2009 à travers de grandes réussites comme Les nains aussi ont commencé petits, L'Énigme de Kaspar Hauser, Fitzcarraldo, La Ballade de Bruno, Nosferatu, fantome de la nuit et surtout Aguirre, la colère de Dieu.Il sera parfois surnommé par certains critiques comme le "cinéaste de l'impossible" en raison de ses tournages risqués et chaotiques, sans compter l'irritabilité légendaire et les crises de colère de son acteur fétiche Klaus Kinski.
L'ARGUMENT: Au XIXè siècle, Joanathan Harker se rend dans les Carpathes rencontrer Dracula pour négocier la vente d'une maison. Mais l'homme est loin de se douter que sous le nom de ce noble comte se cache un misérable vampire.
SONGE INTIME DU VAMPIRE.
Remake d'un chef-d'oeuvre du fantastique muet du 7è art marqué au fer forgé par l'interprétation hallucinée de Max Schreck, Werner Herzog ose entreprendre avec Nosferatu une nouvelle version dont l'ambition virtuose tient à peine du miracle au vu du résultat singulier dont il a su faire preuve ! Ou quand la marque d'un génie réactulise, voir surpasse une oeuvre fondamentale d'une figure mythique du fantastique puriste.
Dès la scène d'intro, macabre et atypique, nous sommes interpellés par cette caricature de la mort fossilisée. Une galerie caverneuse de momies nues, desséchées, à peine vêtues, laissant place à des expressions horrifiées et torturées sur les visages décrépis, tous âge confondus (enfants, femmes et vieillards) ! Des regards morbides vidés de leur essence vitale observés sous une musique funèbre de Popol Vuh. Cette ambiance mortuaire qui s'y dégage irrémédiablement va inexorablement nous parcourir l'échine dans un pouvoir de fascination hypnotique et sensoriel.
La suite fait furtivement intervenir le départ de Jonathan Harker parti à la recherche de la demeure du vampire, parcourant à pied des paysages naturels d'une aube matinale. De longues rangées de sapins verdoyants communément effilées, parfois nappées de brumes, accueillant les fluides de rivières vertigineuses sous des obstacles rocailleux parmi l'écho résonnant de quelques grottes assoupies.
Place ensuite au lieu symptomatique de l'antre du vampire après cet itinéraire mélodieux et contemplatif.
Un chateau lugubre clairsemé, abritant des pièces froides et blêmes dans la blancheur d'un calcaire polissé et crémeux. Labyrinthe architectural nimbé de mystère à travers ses longs couloirs silencieux éclairés de jeux d'ombres inquiétants.
La présentation entre l'hôte et le comte de la nuit nous soumet à un jeu de pouvoir et d'intimidation entre l'oppresseur et la victime.
Quelques moments intimistes, sinistres et désolés de toute vie humaine extérieure, bercés par la musique des enfants de la nuit. Des loups pleurant dans la tiédeur nocturne d'une lune sans clarté en exergue sur le coin d'un ciel opaque sans étoiles.
Et de comprendre que ce fantôme de la nuit, solitaire et moribond, ne fera que communiquer sa détresse anxiogène à son invité de marque. Lui transmettre sa douleur affective de ne pouvoir mourir pour l'éternité d'un repos méritoire. Sa lassitude aigrie de revivre inlassablement les mêmes nuits sans fidèle épouse rajeunie par les vertus immortelles de l'amour.
Jonathan Harker décontenancé mais aussi fasciné par l'apparence spectrale du mort éveillé ne pourra échapper au pouvoir irrépressible du vampire lamenté. Avant que ne lui survienne la sève addictive de l'amour grâce au portrait de Lucy Harker mis en oeuvre sur le médaillon de notre invité d'honneur ! Dracula mordra sans plus attendre sa victime pour s'en aller rejoindre la femme transie et apporter la peste au beau milieu des rats après l'embarcation d'un bateau meurtri naviguant aveuglément au beau milieu d'un vaste océan !
Tandis que Lucy, impatiente et attentive aux moindres nouvelles des lettres écrites par son fidèle époux attendra langoureusement dans une promenade matinale sur une plage blafarde communiée à la plénitude d'un ciel voilé sans nuage, tel un fantome clairvoyant errant entre la vie et la mort.
Cette séquence fantasmagorique d'une beauté imparable dans son immensité indéfinie pourra rappeler aux amateurs le même pouvoir d'envoutement, la même ambiance insolite créé avec l'apparition d'une aveugle et de son berger allemand au beau milieu d'une route déserte dans l'Au-dela de Lucio Fulci !
Il faut impérativement saluer l'interprétation habitée d'un des plus grands acteurs au monde: Klaus Kinski ! Vampire noble singulièrement triste, malade de son accoutumance au sang vampirisé et de sa nonchalance à ne pas connaitre le bonheur d'être en vie. Sous cet incroyable maquillage dégarni et exsangue, Klaus Kinski offre avec un souci d'authenticité un personnage immortel cadavérique. De sa présence humaine il matérialise le reflet de la mort maladive dans son regard morbide imprégné de douceur des ténèbres.
La radieuse Isabelle Adjani, frêle et fantomatique impose de sa beauté funeste, sa demi-teinte de parcourir l'errance d'entre les morts, sa prémonition cauchemardesque craintive et sa persistance à souder l'amour jusqu'au destin mortuaire de sa triste torpeur.
REQUIEM POUR UN VAMPIRE.
Dans une superbe photographie blême et lumineuse, imprégnée d'un florilège de décors picturaux, d'images fortes noyées dans la liqueur d'une poésie macabre exaltante, Werner Herzog nous invite avec Nosferatu, fantome de la nuit à sa version personnalisée dans une virtuosité qui a autant de labeur, d'honneur et de respect que l'enivrante partition musicale de Popol Vuh.
Une invitation avec la mort sous la domination d'un comte des ténèbres semant le chaos parmi la peste et les rats. Un fantôme anémique malade de son existence éreintée et l'ennui incommensurable qu'il traine depuis des siècles sans pouvoir subvenir à la soumission, l'autorité, le besoin alimentaire de l'amour. Et si au final il finit enfin à renouer avec les sentiments amoureux, c'est pour se soustraire à un acte suicidaire avant son dernier baiser empoisonné et avant que la luminosité du soleil ne le ramène à la raison ! S'éteindre pour toujours...
Et comme le Mal ne meurt jamais, son dernier complice infecté de prendre la relève et de partir vers l'étendue de contrées lointaines sur un cheval galopant fuyant la réalité.
Un chef-d'oeuvre envouté au rythme lancinant, un rêve noir flottant entre deux mondes: celui des morts et des vivants.
Une nouvelle relecture plus fragile et délicate aussi immortelle que la mythologie de son personnage adulé depuis des siècles.
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