par SUSPIRIA » 16 Mars 2010, 21:54
Réalisateur suédois méconnu en France ayant fait ses premières preuves dans diverses séries TV et 3 premiers longs-métrages, Tomas Alfredson met en scène en 2008 un film fantastique horrifique qui va totalement redéfinir le mythe vampirique à travers l'histoire troublante, tendre, délivrée au sentiment d'un adolescent difficile, réservé, solitaire, refoulé et livré à lui-même et d'une jeune fille marginale de 12 ans, vampire malgré elle, plongée pour l'éternité dans la solitude et l'ennui. Ensemble ils vont apprendre à se connaitre, évoluer à leur manière et s'identifier dans ce monde opaque et glacial où la cruauté de l'humanité enfouie dès le départ de notre tendre et iréelle enfance les réunira à jamais.
De cette histoire touchante et terriblement réaliste au climat particulier, langoureux et douceureusement pénétrant, magnifié par une photographie lumineuse qui reflète la paleur des âmes, "Morse" nous transporte sans notre consentement dans un univers enneigé étrange, inquiétant, destabilisant sali par le sang mais mêlé de forme de pureté de la nature et de l'amour, modifiant nos sens et bousculant nos émotions pour les diriger vers une ligne biscornue indéfinie où l'on ne peut pas connaitre d'avance son issue. Nous ne sommes pas en terrain connu dans "Morse" car le vampirisme brut et maladif possède ici sa propre ligne de conduite dans cette réalité viscérale et nous devenons durant ces 2 heures les témoins d'une relation amicale puis amoureuse de 2 adolescents qui vont modifier leur destin et changer la donne grâce au contact humain, charnel de l'attention mutuelle, sa pureté de l'affectation et de l'attendrissement, le caractère profond de l'amour et son addiction alimentaire incontrôlée qu'ils n'avaient pas tous deux prévu. Tomas Alfredson filme leur trajet déroutant et indéfini avec un refus catégorique et absolu de la grandiloquence, des effets convenus et orthodoxes dans une mise en scène difficile, anti spectaculaire, au rythme lent et d'une maitrise estomaquante, constament à la recherche de la nouveauté, de la recréation de l'image pure et la recherche renouvellée de reconstruire un mythe, réinterprètant à sa manière le vampirisme à l'écran. Une maladie, un fardeau, une sécheresse de l'existence terne, le vampirisme est une malédiction, une souffrance quotidienne où le devoir de meurtre n'épouse aucune autre solution, à moins de se laisser consumer sous un soleil brûlant.
"Morse" est une oeuvre d'auteur singulière, un poème troublant sur les tourments de l'adolescence et sa cruelle raison d'être qui laisse peu de place à la compassion et la compréhension, où la démission parentale ne peut percevoir l'extrême fragilité de ces petits êtres en simple apprentissage. Oskar et Eli, amants maudits n'ont alors plus que leur âme et leur coeur pour se laisser embarquer ensemble main dans la main sur une destination inconnue. La scène finale dans le train possède quelque chose de profondément triste, pessimiste mais aussi réconfortant et précieux dans les sentiments: les 2 êtres respectueux l'un envers l'autre (Eli refusant coûte que coûte de le contaminer), décidés et restant liés, soudés quoiqu'il en adviendra...
Le couple formé par ces 2 jeunes intérprètes possède un sens inné de la composition, ils habitent totalement leur rôle, ils vivent plus qu'ils ne jouent et c'est aussi ce qui rend si puissant cette histoire vampirique d'une sensibilité écorchée et froide qui refuse à tous prix les niaiseraies et autres mièvreries conventionnelles dans les histoires d'amour type. Une profonde histoire humaine ressentie à vif, bouleversante, atypique qui reste ancrée dans notre mémoire bien après la projection. La véritable définition du mot chef-d'oeuvre reprend alors ici tous son sens.