À la suite du succès inattendu de
La Nuit des Morts-Vivants, bande fauchée et tournée en noir/blanc qui acquit en quelque temps l'aura d'un véritable film de genre culte, plusieurs démarquages tenteront de renouer avec ces fructueuses recettes en exploitant la veine créée par Romero.
Le Massacre des Morts-Vivants se classe indubitablement dans la catégorie des plus réussis d'entre eux. Cette production italo-hispanique mise en scène par le trop méconnu Jorge Grau, cinéaste ibérique dont la filmographie ne s'est de loin guère limitée au cinéma d'horreur et/ou d'exploitation on parle entre autres de certaines uvres forts intéressantes et marquées par un regard d'une grande acuité sur l'Espagne dépasse même très vite le simple concept du « bis » en s'appropriant un style, une ambiance, une couleur tout à fait personnels et atypiques. Grau ne déroge certes pas aux notions de base établies par Romero, à savoir un détonnant mélange de violence graphique et de critique sociale ainsi qu'une volonté dépurement stylistique, mais les points communs entre les deux films respectifs s'arrêtent là. Et c'est tant mieux, d'ailleurs.
Le Massacre des Morts-Vivants relate l'inquiétante course contre l'échec et la mort de deux jeunes gens ayant découvert que les radiations d'une machine destinée à neutraliser les insectes nuisibles de terres agricoles dans une petite bourgade anglo-saxonne provoquent la résurrection des morts du coin. Ceux-ci, qui se présentent tels des zombies assoiffés de chair et de sang, débutent leur carnage avant même que les forces de l'ordre et la population ne s'en aperçoivent. Malgré tous leurs efforts, les deux personnages ne parviendront pas à mettre un terme à cette « graine de fléau » et seront stoppés par un antipathique inspecteur de police qui voit en eux les coupables des meurtres commis par les morts-vivants. À partir de ce scénario très intéressant, Grau développe une toile de fond sociale aussi évidente que particulièrement incisive et audacieuse. Les altercations entre le policier (Arthur Kennedy) et George (Ray Lovelock) traduisent de manière ostensible la haine d'une génération rigoriste vouée envers une certaine jeunesse doucement baba-cool et plus libre d'esprit. Ce conflit de murs conduira à un final pessimiste et lourd de sens, où les zombies ne se révéleront guère être les véritables méchants de l'histoire. Époque oblige, il y a une forte connotation écologiste dans le contenu du métrage, probablement un brin naïve aujourd'hui, mais qui ne nuit pas à l'efficacité du propos pour autant. L'aspect engagé du
Massacre des Morts-Vivants ne mord heureusement pas la peau à sa dimension horrifique et le film fait également des étincelles en terme d'atmosphère et de scènes-chocs. Jorge Grau instaure un climat glauque et malsain à son uvre, décuplé par la crédibilité des zombies affreux macchabées ambulants au maquillage restreint mais au souffle rauque et au regard fiévreux , l'austérité des décors et la froideur implacable de la mise en scène. Quelques effets Gore relativement osés en regard de l'époque flatteront les amateurs: éviscérations, arrachage de sein, pieu planté dans une gorge, coup de hache dans la tête, le tout filmé sans timidité ou tentative de suggestion. Réalisés par le très bon Giannetto de Rossi (celui-ci signera les meilleurs scènes Gore chez Fulci quelques années plus tard et aura tout au long de sa carrière collaboré avec quelques réalisateurs majeurs du cinéma italien tels que Luchino Visconti), les trucages pourront de nos jours apparaître quelque peu frustes, techniquement parlant, mais ils n'en gardent pas moins un impact sûr dans leur hardiesse et leur cruauté.
Inutile de tergiverser plus longtemps,
Le Massacre des Morts-Vivants est de la trempe d'un zombie movie de Jacques Tourneur, George A. Romero ou encore Lucio Fulci. Grand film d'ambiance mâtiné de satire sociale pas piquée des vers, ce petit ovni trop peu reconnu dans le cinéma de genre et plus particulièrement d'horreur, où il aurait parfaitement sa place parmi certains cadors se doit d'être (re)découvert avec tout le respect qu'il mérite. Un excellent cru.
8.5/10