LET'S SCARE JESSICA TO DEATH
Réalisateur: John D. Hancock.
Année: 1971.
Origine: U.S.A.
Durée: 1h29.
Distribution: Zohra Lampert, Barton Heyman, Kevin O'Connor, Gretchen Corbett, Alan Manson, Mariclare Costello.
Sortie salles U.S.A: 7 Août 1971
FILMOGRAPHIE: John D. Hancock est un réalisateur, scénariste et producteur américain , né le 12 Février 1939 au Kansas City, Missouri.
1970: Sticky My Fingers... Fleet my feet. 1971: Let's Scare Jessica to Death. 1973: Le Dernier Match. 1976: Baby Blue Marine. 1979: California Dreaming. 1987: Weeds. 1988: Steal the Sky (télé-film). 2000: A Piece of Eden. 2001: Mayhem.
Sorti en Vhs au début des années 80 et honteusement inédit chez nous en salles, Let's scare Jessica to Death est l'ovni par excellence surgi de nulle part, se révélant une expérience schizophrène unique en son genre pour ceux qui auront eu l'opportunité de le découvrir. A l'instar du tout aussi étrange et diaphane, Carnival of Souls, cette série B bien ancrée dans sa facture seventie d'une époque hippie et façonnée par un spécialiste de télé-films ou séries TV, est une oeuvre réfrigérante transcendée par la prestance transie de l'actrice Zohra Lampert (la Fièvre dans le Sang, Alphabet City, l'Exorciste, la suite).
Après un séjour en asile psychiatrique, Jessica emménage dans une bourgade bucolique du Connecticut parmi la présence de son mari et d'un ami. Dans l'enceinte de la demeure, ils découvrent la présence fortuite d'une étrange jeune femme du nom d'Emilie, supposant que l'habitation était abdiquée. Alors qu'ils visitent ensemble le village à proximité, les citadins leur avertissent qu'une légende persistante évoque le fantôme d'une dame blanche, morte noyée dans le lac avant le jour de ses noces. Déambulant près du lac, Jessica semble à nouveau contrarié par d'étranges phénomènes inexpliqués alors que des voix récursives se font entendre dans son psyché torturé.
Climat intimiste d'une contrée champêtre aussi étrange qu'exaltante, Let's Scare Jessica to Death est une expédition latente au sein de l'esprit tourmenté d'une femme désunie. Avec sensibilité prude et anxiété ombrageuse, le réalisateur John D. Hancock érige une persécution introspective auprès de notre héroïne chétive. Une femme exprimant discrètement une tendresse escomptée, fascinée par les sculptures de pierres tombales, désireuse de renouer avec une existence modeste mais inévitablement molestée par des êtres diaboliques. Sa psychologie moralement asservie par ses pensées névrosées mais aussi des chuchotements anonymes se répercute par empathie sur le psyché préoccupé du spectateur, immergé dans une spirale d'angoisse. Au fil de son cheminement, il se révèle donc impossible de savoir si ses évènements pernicieux émanent d'une réalité d'un phénomène surnaturel ou de la folie schizophrène d'une femme mentalement dérangée.
D'apparence calme et sereine mais profondément angoissée par ses visions toujours plus imprudentes, Jessica va se retrouver plonger dans une réalité désincarnée où des paysans balafrés, une jeune fille aguicheuse et une morte noyée vont venir l'importuner de façon toujours plus cinglante. Avec l'utilisation judicieuse de ces décors naturels idylliques mais hostiles et surtout d'une ambiance anxiogène sous jacente (confectionnée avec l'intelligence du pouvoir de suggestion !), Let's Scare Jessica to Death renoue avec les oeuvres singulières où l'envoûtement tangible s'accapare du spectateur à tel point d'oublier sa facture cinématographique d'une oeuvre de fiction.
Si cette série B autonome se révèle à ce point immersive et hermétique, c'est également en partie grâce à la présence équivoque de Zohra Lampert. La comédienne donne chair à son personnage avec une sensibilité intime dans son esprit vacillant entre réalité et déraison. Cette ambivalence comportementale est extériorisé par l'apparence flegme d'un visage hagard alors que l'instant d'après un regard affolé est décuplé par des visions horrifiées d'évènements meurtriers.
Avec l'harmonie funèbre, par moment attendrissante d'un contrepoint musical, le périple de Jessica implique émotionnellement le spectateur, partagé entre le doute et la crainte d'un être démoniaque perceptible mais aussi et surtout l'appréhension de suspecter la rationalité d'une femme à déficience mentale ! C'est cette ambiguïté insoluble, cette intensité d'étrangeté opaque, cette douceur mélodique impartie à une nature végétale mais asservie par l'entité d'une femme vampire qui confinent l'expérience de Jessica vers une issue versatile.
La dame du lac
Quintessence du cinéma fantastique moderne pouvant se targuer de figurer parmi les plus belles réussites du genre, Let's Scare Jessica to Death cultive néanmoins une réputation notoire non usurpée auprès de ses aficionados en dépit de sa rareté éhontée. Avec son final délétère en apothéose décuplant sa terreur ambiante, le spectateur aura participé à une introspection singulière d'une victime dépressive. Cette empathie accordée est scandée par une aura sensitive indescriptible, la lenteur fascinante d'un rythme circonspect et la mélancolie existentielle d'une femme esseulée, isolée au milieu d'un étang tâché de sang.
Pour les surexcités juvéniles du Tortur'porn ou autres slashers lambdas de gaudriole, vous pouvez passez votre chemin... Les autres, préparez vous à l'adopter en étreinte afin de vous confronter personnellement à Jessica et ses démons !