Titre d'origine: The Hunger
Réalisateur: Tony Scott
Année: 1983
Origine: U.S.A./Angleterre
Durée: 1h36
Distribution: Catherine Deneuve, David Bowie, Susan Sarandon, Cliff De Young, Beth Ehlers, Dan Hedaya, Rufus Collins, Suzanne Bertish, James Aubrey, Ann Magnuson...
Sortie salles France: 13 juillet 1983 U.S.A: 29 avril 1983
FILMOGRAPHIE: Tony Scott (né le 21 juillet 1944 à Stockton-on-Tees, Royaume-Uni - ) est un réalisateur, producteur, producteur délégué, directeur de la photographie, monteur et acteur britannique. 1983 : Les Prédateurs, 1986 : Top Gun, 1987 : Le Flic de Beverly Hills 2, 1990 : Vengeance,1990 : Jours de tonnerre, 1991 : Le Dernier Samaritain,1993 : True Romance, 1995 : USS Alabama,1996 : Le Fan,1998 : Ennemi d'État, 2001 : Spy Game, 2004 : Man on Fire, 2005 : Domino, 2006 : Déjà Vu, 2009 : L'Attaque du métro 123, 2010 : Unstoppable.
Premier essai derrière la caméra de Tony Scott, Les Prédateurs marqua toute une génération de spectateurs, principalement grâce à l'épure de son parti-pris formel scandant un requiem d'amour et de mort autour de l'avarice du vampire avide d'éternelle jeunesse. Novateur s'il en est dans son refus hétérodoxe du thème éculé, Tony Scott ose également confronter à l'écran deux illustres stars du cinéma que le duo inopiné David Bowie / Catherine Deneuve transfigure avec une dimension romanesque élégiaque. A New-York, John et Myriam sont des vampires vivant communément d'un amour passionnel depuis des millénaires. Jusqu'au jour ou celui-ci est atteint d'une étrange maladie (peut-être la progéria !) l'incitant à vieillir prématurément. Condamné à une mort certaine, Myriam accepte difficilement ce fardeau avant de se réconforter auprès de Sarah, une doctoresse spécialisée dans la recherche sur la longévité que John avait contacté en désespoir de cause.
La vie, l'amour, le néant.
Echec public lors de sa sortie, peut-être à cause de son rythme languissant entièrement dédié à la beauté des images graciles et à la caractérisation fragile des personnages en perdition, Les Prédateurs est une oeuvre atypique dans le paysage vampirique. Ce que souligne illico son prologue musical, clip new-wave appliqué dans une boite punk où John et Myriam, affublés de pantalon en cuir et lunettes noires, surveillent leur proie pour les attirer dans leur appartement en guise d'étreinte sanglante. Une séquence vertigineuse que le célèbre tube Bela Lugosi's Dead de Bauhaus intensifie parmi la variation d'exactions sanglantes. Celle de suivre en montage parallèle la sauvagerie d'un singe dévorant son compagnon dans sa cage avec les échanges sexuels que John et Myriam pratiquent avant leur sacrifice humain. Ces derniers utilisant un Ankh (pendentif égyptien) dissimulant une petite lame afin d'égorger leurs victimes. Passé cet interlude expérimental, brusque revirement de ton avec l'entrée en scène d'une mélodie classique afin de nous immerger dans l'appartement victorien du duo d'amants. La première partie, anxiogène et véritablement poignante, nous retrace avec rigueur la lente dégénérescence de John dans son état de vieillissement prématuré. A ce titre, les maquillages hyper réalistes de Dick Smith méritent toutes les ovations pour son talent perfectionniste à décatir Bowie dans de multiples étapes de vieillissement graduel, quand bien même les macchabées du dénouement macabre nous saisissent de stupeur dans leur morphologie putrescente. C'est dans une salle d'attente du cabinet médical de Sarah que John s'aperçoit subitement de sa pathologie déclinante. Spoil ! Confiné ensuite dans la quiétude de son pavillon familier, puisque conscient de sa mort prochaine, c'est là qu'il décide de rendre l'âme pour agoniser dans les bras de sa dulcinée qui lui avait pourtant promis un pacte amoureux pour l'éternité. Fin du Spoil ! Ces séquences intimes de poésie prude provoquent une émouvante empathie pour la condition meurtrie du vampire sclérosé. Il en émane une émotion particulièrement élégiaque dans l'impuissance des amants de braver la mort et dans leur dernière étreinte d'adieu que Tony Scott transcende avec souci d'esthétisme épuré !
A la manière d'un opéra funèbre, les Prédateurs met donc en exergue la fatalité de la mort sous couvert de l'injustice du temps s'effritant inexorablement jusqu'à ce que notre cadavre redevienne poussière. Mais du point de vue du vampire, pas de repos éternel ni de rédemption par leur condition damnée, ces derniers étant contraints de survivre dans l'opacité du néant avec comme seuls soutiens des ancêtres parcheminés pleurant leur condition d'immortel. La seconde partie se focalise ensuite vers l'attirance que Sarah éprouve pour Myriam lors d'une expérience saphique, cette dernière l'ayant choisi comme nouvelle héritière conjugale. De par leurs ébats amoureux s'y dégage un érotisme lascif dans l'environnement douillet d'un appartement orné de sculptures, linceuls et draps de soie afin que Sarah se laisse mieux attendrir par sa vénéneuse compagne ! Ce qui l'amènera à suppléer l'amant de Myriam dans sa nouvelle fonction de vampire gagné par le remord et la perplexité. En ce qui concerne nos têtes d'affiche, qui aurait pu prétendre qu'une de nos illustres stars françaises de l'époque aurait pu partager l'écran avec un chanteur/acteur américain dans un film dit de genre fantastique ? Avec pudeur, fourberie et aplomb, Catherine Deneuve endosse la fonction distinguée d'une vampire de charme briseuse de rêves (elle accumule les amants depuis des millénaires !) car délaissée depuis l'usure de leur vieillesse. David Bowie lui prête la vedette avec une intensité parfois bouleversante dans sa posture moribonde de vampire en phase terminale s'efforçant contre toute attente de se raccrocher au fil de sa vie avant de sacrifier une dernière victime ! Enfin, Susan Sarandon parvient autant à s'affirmer pour prendre la relève de la postérité malgré sa fonction indécise de vampire en quête éperdue de rédemption !
Jusqu'à ce que la mort aborde le néant.
Réflexion sur l'atavisme de la vieillesse engendrant l'injustice de la mort et sur l'usure du temps estompant les souvenirs, quand bien même l'amour éternel est ici détourné au profit de la désillusion du maléfice, Les Prédateurs s'édifie en poème funèbre où l'obscurité du néant s'avère l'unique échappatoire. Avec sa fulgurance d'une photo picturale inscrite dans un classicisme sophistiqué et le score électro baroque de Rubini et Jaeger, ce chef-d'oeuvre sur le dépit amoureux distille une aura aussi trouble que gracieuse en la présence déchue des couples Deneuve/Bowie, Deneuve/Sarandon.