par SUSPIRIA » 25 Juin 2010, 16:41
Acteur, producteur, réalisateur et scénariste américain, Stuart Gordon continue sur sa lancée horrifique avec son 3è film, "Dolls", série B d'horreur emprunt de merveilleux et conte enfantin cauchemardesque un brin volontairement naif qui se veut une fable sur le droit à la part d'enfance enfouie en chacun de nous, sur la sauvegarde du rêve et de l'évasion dans un monde si orgueilleux, putassier et mal entendu !
Pendant une nuit d'orage, un couple et une fillette trouvent refuge dans une vieille demeure auprès de deux personnes âgées dont le mari est un collectionneur, fabriquant de poupée de porcelaine.
Ces visiteurs inopinés ainsi que trois autres voyageurs égarés ne savent pas encore qu'ils vont passer la plus longue nuit du monde dans ce lugubre refuge aussi diabolique qu'enchanteur !
Après l'immense succès surprise de son chef-d'oeuvre "Re-Animator" ainsi qu'un second long moins pertinent mais tout aussi barré du bulbe intitulé "From Beyond", Stuart Gordon nous narre ici une petite et limpide histoire d'épouvante à la manière d'un véritable conte d'horreur que l'on feuillète dans notre plus tendre enfance comme les classiques intemporels de Charles Perrault.
Dans une ambiance gothique consciencieusement établie, le réalisateur peaufine et soigne une trame classique sans surprise mais peu souvent abordée dans le cinéma d'horreur: des poupées douées de vie qui se mettent à décimer les êtres humains. Il choisit ici le classicisme de l'époque lointaine à travers le look et la représentation de chaque poupée embellie finement détaillée, toutes plus différentes les unes que les autres. La belle réussite du métrage est avant tout d'avoir réussi à retranscrire devant nos yeux le côté étrange, insolite, baroque, destabilisant mais tout aussi fascinant et séduisant d'un simple petit jouet fabriqué à la main par un étrange hôte indéfinissable. Il faut les voir s'agiter, se mouvoir subitement, vivre, respirer, ricaner ou se mettre à crier !
Les FX réalisés en partie image par image et concocté par lanimateur David Allen, (les poupées mécaniques étant de John Carl Buechler) sont particulièrement réussis et envoutent, excitent l'esprit du spectateur amusé, intrigué par cette démoniaque sarabande bien organisée qui ne supprimera que ceux qui ont perdu leur âme d'enfant. Il faut ajouter aussi que l'une des séquences finales où l'on subi en direct la métamorphose d'un homme en polichinelle est soigneusement réalisée, possédant son petit effet de surprise dans ses effets mécaniques préparés à l'ancienne, beaucoup plus efficaces et crédibles que de simples effets modernes numériques.
Les meurtres inventifs peu avares en détails sanguinolents se révèlent aussi plutôt impressionnants et rivalisent de cruauté dans les nombreux ustensiles que nos chers poupées vont déployer.
Le couple formé par nos 2 vieillards sorti tout droit d'une adaptation d'Edgar Allan Poe ajoute au charme macabre et fantastique où la narration ne cesse de côtoyer le sens du merveilleux et l'horreur brutale sardonique.
Quand à nos gentils héros, la fillette et l'homme solitaire qui n'arrive pas à grandir, ils sont attachants et touchants dans leur naiveté enfantine, leur regrêt de devoir passer au cap de l'âge adulte en étant effrayé à l'idée de perdre à tout jamais cette part d'innocence et de magie qui alimente généreusement chaque coeur et son esprit imaginaire.
La partition musicale de Fuzzbee Morse et Victor Spiegel enveloppe le métrage d'une connotation douce, merveilleuse, tendre et mélancolique à la manière d'une comptine sournoise doucereusement angoissante.
"Dolls" est un délicieux petit moment frissonnant et merveilleux, un conte macabre en demi-teinte sur la valeur de l'innocence et le pouvoir du rêve indispensable à notre moralité.
Peut-être le meilleur Puppet Killer à ce jour, du moins le plus soigné et sincère dans sa démarche de talent de conteur qui tend à nous rappeler que l'amour du fantastique est aussi une question de part d'enfance ancrée en chacun de nous. Du moins pour les amateurs ou les passionnés qui auront sû la préserver.
NOTE: Récompenses : Meilleurs effets spéciaux au Fantafestival de 1987.
Nomination au Young Artist Award de la meilleure jeune actrice dans un film d'horreur pour Carrie Lorraine en 1988.