
Réalisation: Wes Craven
Scénario: Wes Craven
Casting: John Saxon, Ronee Blakley, Heather Langenkamp, Robert Englund, Amanda Wyss, Johnny Depp, Jsu Garcia.
Production: Robert Shaye
Musique: Charles Bernstein

Les nuits de plusieurs adolescents sont hantées par le même personnage dont l'une des mains est dotée de longues griffes en métal. Une nuit, Tina est assassinée dans son sommeil. Alors que la police soupçonne son petit ami, Nancy entrevoit une réalité nettement plus sinistre, où un certain Freddy Krueger, le meurtrier qui terrorisa jadis Elm Street, signe dans le sang chacune de ses visites nocturnes...

Wes Craven n'aura guère marqué le genre de beaucoup d'uvres. Si l'on excepte quelques tours de forces visiblement dus à un talent très passager, sa filmographie demeure peu honorable, oscillant entre la série B passable et le navet insignifiant. En pleine décennie quatre-vingt, le cinéaste va pourtant faire des étincelles en réalisant A Nightmare on Elm Street, ce film d'épouvante pour le moins génial dans lequel il donne naissance à l'un des croquemitaines - si ce n'est LE croquemitaine - les plus célèbres du septième art: Freddy Krueger. Totalement hérité de l'imagination de Craven (ce dernier lui attribua son nom en référence à celui d'un camarade de classe qui le persécutait), ce boogeyman affublé d'énormes griffes en acier, d'un visage calciné et d'un vieux pull rayé s'est forgé une réputation si considérable qu'il semble aujourd'hui difficile de ne pas avoir au moins une fois entendu parler de Freddy Krueger. Seul hic: au fil de suites pour la plupart médiocres et purement mercantiles, le personnage a perdu de son aura terrifiante et s'est gentiment transformé en un sinistre bouffon plus ou moins drôle.

Pourtant, dans A Nightmare on Elm Street, Freddy ne prête guère à rire, il en va de soi. Wes Craven a parfaitement su teinter le premier degré de cynisme, tout en conservant un réel potentiel d'angoisse et de terreur. A Nightmare on Elm Street tient d'ailleurs une bonne dose du secret de sa réussite dans la judicieuse alliance entre le film d'horreur popcorn et le vrai film d'atmosphère, de la même sorte qu'Halloween de John Carpenter. L'épouvante et le grand-guignolesque se veulent ludiques sans pour autant virer à la pantalonnade grotesque, une recette miraculeuse qui semble souvent échapper au films de genre actuels.

Produit pour la fort modeste somme de 1,8 millions de dollars, A Nightmare on Elm Street narre ainsi le calvaire d'une bande d'étudiants bouleversés par des cauchemars récurrents, mettant en scène le personnage de Freddy Krueger, un serial killer autrefois brûlé par des mères d'enfants vengeresses, qui se sert de la dimension onirique pour effrayer puis assassiner ses victimes. À partir de ce concept ingénieux, le film se joue des frontières entre le rêve et la réalité, faisant régner un climat d'inquiétude omniprésent tout en relevant son intrigue de séquences-chocs assurément cultes à l'heure actuelle, comme le meurtre de Tina, l'attaque dans le bain ou la mise à mort d'un Johnny Depp encore bien jeune. Wes Craven fait montre d'une maestria incontestable dans la façon de ménager les effets de terreur, mais sait également instaurer une véritable ambiance, épaulé par Charles Bernstein et sa tonitruante musique, dont certains thèmes font toujours aussi froid dans le dos, d'autres devant sonner très avant-gardiste dans le contexte de leur époque. Moins expérimentale que chez Carpenter, la façon de mettre en scène de Craven n'en démérite point pour autant, privilégiant la fluidité et la rigueur des cadres à l'esbroufe pédante. Les effets spéciaux se révèlent quant à eux empreints d'une certaine nostalgie, ou lorsque les délirants trucages en latex avaient leurs grandes heures, durant les années quatre-vingt.

Le fait de voir et revoir A Nightmare on Elm Street ne gâte en rien ce plaisir coupable éprouvé, même si l'impact de terreur du film s'amoindrit forcément lorsqu'on le connaît comme sa poche. Quoiqu'il en soit, Wes Craven a embrassé le panthéon du cinéma d'horreur avec ce chef-d'uvre increvable, grand cador de tout un genre avec quelques autres références intouchables, trésor du popcorn movie et superbe film d'atmosphère à la fois. Qu'il en soit gracié !
10/10
