Réalisateur: William Friedkin
Année: 2012
Origine: U.S.A
Durée: 1h43
Distribution: Matthew McConaughey, Emile Hirsch, Thomas Haden Church, Gina Gershon, Juno Temple, Marc Macaulay.
Sortie salles France: 2 Septembre 2012. U.S: 27 Juillet 2012
Récompense: Souris d'or à la Mostra de Venise, 2011
FILMOGRAPHIE: William Friedkin est un réalisateur, scénariste et producteur de film américain, né le 29 août 1935 à Chicago (Illinois, États-Unis). Il débute sa carrière en 1967 avec une comédie musicale, Good Times. C'est en 1971 et 1973 qu'il connaîtra la consécration du public et de la critique avec French Connection et L'Exorciste, tous deux récompensés à la cérémonie des Oscars d'Hollywood.
1967: Good Times. 1968: l'Anniversaire. 1968: The Night they Raided Minsky's. 1970: Les Garçons de la bande. 1971: French Connection. 1973: l'Exorciste. 1977: Le Convoi de la peur. 1978: Têtes vides cherchent coffres pleins. 1980: The Cruising. 1983: Le Coup du Siècle. 1985: Police Fédérale Los Angeles. 1988: Le Sang du Châtiment. 1990: La Nurse. 1994: Blue Chips. 1995: Jade. 2000: l'Enfer du Devoir. 2003: Traqué. 2006: Bug. 2012: Killer Joe.
Depuis Traqué et Bug, William Friedkin semble retrouver son insolence et sa verve subversive pour nous replonger avec masochisme dans l'univers insondable d'antagonistes névrosés. Et son p'tit dernier, Killer Joe, ne déroge pas à la règle. Il enfonce même le clou dans la putasserie crapuleuse pour mieux parfaire une intrigue criminelle au vitriol. Une famille de péquenots ricains décident de se débarrasser de l'ex mégère maternelle afin de toucher la prime d'assurance vie qu'ils se partageront entre eux. Pour cela, il demandent l'aide de Joe, un flic tellement véreux qu'il accomplit parfois de sales besognes meurtrières en guise de gain. Mais rien ne se déroulera comme prévu...
Farce macabre fustigeant une famille de pieds nickelés sous l'allégeance d'un flicard psychopathe, Killer Joe est un chemin de croix que l'on ne voit pas venir de prime abord par son classicisme éprouvé. Illustrant avec une dérision caustique une galerie de personnages tous plus méprisables, lâches et ridicules, William Friedkin nous entraîne dans une drôle de sarabande autour d'une conjuration sordide. Un amant flâneur, un fiston dealer de drogue à la petite semaine, une belle mère infidèle et une soeur rétrograde représentent la famille éhontée dans toute son ignominie pour le compte de leur cupidité. Avec l'entraide d'un flic malhonnête plutôt flegmatique et adroit, William Friedkin se prend un malin plaisir à nous décrire cet antagoniste d'une façon ordinaire de prime abord. Jusqu'au moment où cet individu d'allure élégante décide de courtiser la soeur potiche en guide de compensation, puisque la famille fauchée ne peut se résoudre à lui payer d'avance la somme de 25 000 dollars. S'ensuit une séquence de drague aménagée sous l'influence tranquille de Joe, totalement fasciné par la beauté pastel d'une jeune vierge étourdie. L'étrange malaise sous-jacent, entretenu pendant la séquence de streap nous est pourtant décrite d'une manière presque sereine dans les échanges de regards timorés et fascinés. Mais la prestance hermétique de Joe semble nous suggérer que cet homme sans scrupule est capable de se complaire dans une perversité délétère, d'autant plus que la jeune fille docile est en l'occurrence ramollie du ciboulot.
Faisons place ensuite aux déconvenues avec une bande de dealers revanchards. Chris, démuni du moindre gain, semble sombrer dans une impasse et envisage peut-être de faire marche arrière pour le sort inévitable de sa mère. C'est à ce moment irréversible que les revirements saugrenus vont fulminer au sein de la famille quand un subterfuge dérisoire va finalement tout remettre en question. Cette dernière partie intempestive culmine sa déchéance morale dans un bain de sang grotesque à la folie paroxystique contagieuse. Les séquences de violence et d'humiliations atteignant ici des sommets d'intensité dramatique franchement insupportables. D'autant plus que l'ambiance nauséeuse est décuplée par un réalisme sordide découlant de la présence castratrice d'un Joe étrangement peinard. Et on peut dire qu'à ce niveau, l'interprétation incisive de Matthew McConaughey atteint des sommets de perversité explicite tant le comédien insuffle à son personnage désaxé une aura hermétique glaciale. On se demande d'ailleurs comment une oeuvre aussi abrupte dans son point d'orgue prolixe ait pu écoper d'une interdiction aux mineurs de moins de 12 ans (même avec avertissement !) tant le malaise éprouvé est à teneur psychique et viscérale.
Caustique, étrangement déstabilisant et profondément nihiliste dans sa description déshumanisée d'une famille de nigauds couards, Killer Joe est un bad trip venimeux. Un film noir tentaculaire compromis à la provocation d'un Friedkin plus indocile que jamais dans son état d'esprit forcené. Le climat hermétique profondément trouble et sournois qui en émane nous entraîne sans avertir vers une descente aux enfers où la bassesse humaine atteint des sommets de cynisme égocentrique.