Si l'on vous dit que ce vénéneux et machiavélique
Hard Candy mord méchamment la peau à
Saw et tous ses ersatz, le croirez-vous ? En réalité, peu importe, l'essentiel est de découvrir sous n'importe quel prétexte cette perle rare de thriller psychologique, las mal distribuée dans nos contrées et encore bien trop méconnue des aficionados du genre, pour s'en convaincre ou non. Cela fait simplement plaisir de constater que des auteurs comme David Slade sachent, à l'heure où le paysage de l'horreur et du thriller se noie dans les recettes rabâchées ainsi que les devises du remake ou de la séquelle, prendre des risques et accoucher d'une uvre à la saveur inédite. Film dérangeant, sinueux, éprouvant et moderne,
Hard Candy ne réserve rien moins que l'un des faces à faces les plus retors et cauchemardesques de l'histoire du cinéma, et se réclame autant de Roman Polanski (
La jeune Fille et la Mort) que de Rob Reiner (
Misery) dans son traitement. Autant affirmer de suite qu'il s'agit là d'un grand coup de maître.
L'intrigue débute à la manière d'une pétillante comédie sentimentale qui relate la rencontre entre une adolescente de quatorze ans d'une impressionnante maturité et un charmant photographe trentenaire après plusieurs mois de dialogues sur un chat Internet. Le courant passe immédiatement entre les deux personnes, si bien que le bougre invite la jeune fille à prendre la pose chez lui. Enthousiasmée par la ravissante demeure high-tech et le mode de vie un brin particulier de l'individu, la gamine va rapidement l'assommer dinnocentes questions sur ses premières amours et la signification des photographies de jeunes femmes (mineures pour certaines d'entre elles) accrochées au mur de son séjour. Suite à cette introduction atypique, maîtrisée et accrocheuse,
Hard Candy bascule dans un univers non moins surprenant mais à la tonalité autrement plus glauque, où manipulations perverses, coups de théâtre palpitants et violence psychologique entretiennent le suspense et la tension dramatique du récit avec une efficacité exceptionnelle. L'originalité principale du scénario qu'il serait stupide de révéler, quand même les plus malins lauront probablement saisi et la stupéfiante crédibilité du duo d'acteurs permettent de maintenir l'intérêt d'une histoire de séquestration au canevas somme toute assez classique. En sus de la grande qualité de son écriture et de son interprétation, le film bénéficie d'une mise en scène délicate et agréable, au plus proche des protagonistes, à laquelle seuls un ou deux effets clipesques pas forcément utiles (du « fast motion » censé procurer le stress au spectateur lors de certaines actions) viennent faire un peu d'ombre. La bande-son, qui mêle chansons pop, techno et orchestrations de base, n'est guère en reste et participe à cette curieuse sensation de fraîcheur que nous prodigue
Hard Candy.
En définitive, cette uvre glacée et roublarde constitue une fort belle surprise en matière de thriller horrifique et rappelle, par son approche clinique et cérébrale, l'excellent
May de Lucky McKee.
Hard Candy démontre par la même occasion qu'un sens de la suggestion et de la violence mentale produit souvent un impact nettement plus fort qu'une multiplication lambda de scènes gore ou sanglantes. Du cinéma percutant, novateur et intelligent, qui fait du bien dans l'industrie corrodée du genre.
9/10
