par SUSPIRIA » 03 Septembre 2009, 05:09
Il ny a plus guère de doute possible : Dario Argento a perdu toute sa fierté. Il ne fallait déjà pas en avoir beaucoup pour nommer son dernier navet en date en référence à un genre quil a contribué à populariser dans les années 70. La justification du titre Giallo vaut à elle seule son pesant de cacahuètes : giallo est le mot italien pour jaune, qui en anglais se dit Yellow, qui est le sobriquet du tueur en série du film, nommé ainsi car il a la jaunisse, celle-ci étant à lorigine de sa envie de tuer de belles femmes. Giallo met en parallèle le calvaire dun mannequin séquestré par Yellow et la course-poursuite menée par sa sur obstinée et un inspecteur blessé par la vie. Course-poursuite est un bien grand mot : bien que les heures de la pauvre donzelle soient comptées, personne na lair réellement pressé de la retrouver. Emmanuelle et Adrien préfèrent visiblement aller boire des Campari pour échanger des banalités à propos de leur passé, ou aller saventurer au fin fond dun marché de poissons lorsquils ont besoin de se faire traduire trois mots de japonais. Cest tellement plus classe.
Même en décrivant une à une les innombrables aberrations contenues dans ce quil est difficile de nommer scénario (pas denchaînement dramatique, aucun rebondissement, et une étrange absence de fin), il est impossible de décrire lampleur du massacre. Giallo surpasse aisément en nullité tous les nanars précédemment réalisés par Argento, faisant de la réplique foireuse un sacerdoce et du plan improbable un leitmotiv. Si Elsa Pataky est à peu près potable en scream queen (elle na pas grand-chose dautre à faire que crier), le duo Brody Seigner semble se livrer à un concours de surenchère dans le non-jeu. Difficile de garder son sérieux devant ce festival permanent de répliques gratinées, énoncées par lun ou lautre en regardant lhorizon pour se donner lair triste. On croyait que ça nexistait que dans les parodies et encore, les parodies peu inspirées mais Dario est heureusement là pour remettre ce style délicieux au goût du jour.
La poilade est totale mais le mystère demeure : et si, par perversité ou par dépit, Argento avait délibérément conçu son film comme un massacre absolu, un puits de néant et de bêtise engendré pour faire perdre deux heures de leur vie à des spectateurs désireux de rire un bon coup ? Très sincèrement, on doute quil puisse en être autrement, tant la présence conjointe de Brody (acteur sérieux) et Seigner (actrice discutable mais souvent bien conseillée par son époux) semble indiquer quil ny avait pas que de gros bufs sans cervelle sur le plateau. Il est toujours douloureux de voir des artistes quon aime bien, ou quon a beaucoup aimés à lépoque, se fourvoyer et atteindre dirréversibles et indépassables sommets de ridicule. Il serait donc temps quArgento prenne sa retraite, ou quil avoue enfin que ses dernières uvres, en particulier celle-ci, nétaient que du foutage de gueule volontaire.
0,5 / 5 THOMAS MESSIAS