.: L'HISTOIRE :.
Alors que l'extrême droite est sur le point d'arriver au pouvoir, de jeunes banlieusards commettent un braquage. Poursuivis par des flics hargneux, les membres de la bande dépassent la "frontière" de leur propre violence. Ils s'enfuient en voiture et débarquent dans une auberge perdue en pleine forêt, à la limite de la "frontière" luxembourgeoise.
Les tenanciers de cet étrange établissement, accueillants dans un premier temps, vont peu à peu montrer leurs vrais visages : celui de la folie et de la mort ! Crochets de boucher purificateurs, porcs agressifs, coups de flingue mal placés, armes blanches aiguisées à l'extrême, cannibalisme déjanté, néo-nazi sur le retour : les potes vont devoir affronter la douleur absolue et dépasser la "frontière" de l'horreur la plus extrême. Tout ça dans un seul et unique but : survivre. Ou mourir vite !
.: LA CRITIQUE :.
Enfin, le premier film de Xavier Gens débarque dans nos salles, à tel point qu'on a pu, fait rarissime, découvrir son second long, "HITMAN", pur produit de commande, quelques semaines auparavant. Production difficile (toute léquipe sest mise en quatre et ne comptait plus ses heures supplémentaires), réputation de film hardcore (gore + retard de sortie française = serait-ce un film tellement choquant que... ?), voilà bien une genèse éprouvante qui convient finalement parfaitement à une uvre détonante.
Oui, "FRONTIERE(S)" est un putain de bon film dhorreur viscérale, dune puissance émotionnelle rare ce qui ne lempêche pas dêtre nuancé. Malgré ses nombreuses qualités, "FRONTIERE(S)" souffre dun scénario minimaliste et dune caractérisation des personnages succincts. Un bémol qui na finalement que peu dimportance dans la mesure où Xavier Gens pensait avant tout son film comme un hommage visuel et sensitif au "MASSACRE A LA TRONCONNEUSE" de Tobe Hooper et aux films hardcores qui ont baigné son enfance, en somme toute la vague horrifique des années 70. On sent vraiment que Xavier Gens est un amoureux du film de genre, et que l'hommage est beaucoup plus subtil que la simple représentation d'un patchwork de scènes-choc recrachées les unes derrière les autres comme beaucoup de films l'ont fait auparavant. Un hommage qui séprend même dune charge politique (Gens suivant la démarche de Romero) contre les dérives dun état policier qui lui a valu son accroche hallucinante imposée sur laffiche.
«Ce film accumule des scènes de boucheries particulièrement réalistes et éprouvantes » message ordonné par le comité de censure.
Certains penseront à un coup marketing ? Mais, non. En première instance le film obtenu une interdiction aux moins de 18 ans, le comité de censure ordonna alors à la production dinscrire sur chaque affiche ce message davertissement pour ainsi classifier le film de Xavier Gens comme interdit aux moins de 16 ans. En clair, le film dérange sur le fait quil narre une bande de jeunes de banlieue coursée par des flics en pleine émeute, avec pour couronner le tout un insert sur un poste de télévision allumé présentant une émission où un politicien parle de karscheriser les cités. Métaphore dune société française faite certes de manière basique et frontale, pas très fine par moment, mais évidente.
Ce qui revient à mettre en cause la liberté dexpression dans notre cher et beau pays.
Narrant comment des jeunes de banlieues poursuivit par la police vont se réfugier dans une auberge tenue par des néo nazis psychopathes mais surtout cannibales, "FRONTIERE(S)" sinscrit donc dans la tradition des survivals radicaux à lintrigue prétexte où la mise en scène est seule vectrice de sens et/ou le devenir primale des protagonistes victimes alarme la moralité vacillante du spectateur. En cela, "FRONTIERE(S)" est pour le moins le récit dune survie violente, métaphore dune société qui octroie ses minorités en confondant politique et répression(s) que lallégorie dune véritable souffrance sociétale.
Ce qui frappe à la vision de "FRONTIERE(S)", est avant tout létouffement et loppression que le film suscite. A travers les épreuves douloureuses de protagoniste de fonction, transcendée par une mise en scène certes violente mais chargée démotion pure. "FRONTIERE(S)" distille, et cest sa plus grande force, un sentiment dasphyxie sociale et nous confronte à notre responsabilité danimal politique.
Film humaniste avant tout pour qui acceptera de prendre de la hauteur une fois passé le choc, "FRONTIERE(S)" nous dépeint un monde finissant, gangrené, délabré, mais qui porte toujours en son sein la pureté de l'enfantement, avec pour promesse un avenir différent. À ce titre les deux personnages principaux féminins (interprétés par Karina Testa et Maud Forget (qui avait déjà travaillé avec le cinéaste sur le segment "FOTOGRAFIK" pour "SABLE NOIR")) sont remarquablement imaginés, et incarnés. Elles font ressortir un message formidable, celui de l'idéalisme. Idéalisme renforcé par le personnage du père nazi qui est surjoué, puissant, caricaturé à l'extrême et assumé dans ce sens, pari osé et réussi car cette surenchère ne fait que mettre en lumière le grotesque social ambiant, les monstres que l'humanité a pu engendrer et contre lesquels nous devons lutter pour offrir à des enfants la possibilité d'un ailleurs...
"FRONTIERE(S)" est un film de genre rare et unique en France. Le film nous pousse dans nos ultimes retranchements émotionnels, il transcende le genre quil investit et perturbe notre éthique pour nous renvoyer à la gueule le désenchantement du monde dans lequel nous vivons. Une vague horrifique et captivante se déverse actuellement dans le paysage des productions françaises, ce serait un préjudice de bouder le film surtout quand le spectacle est garantit le tout porté par un talentueux et jeune réalisateur passionné mais surtout sincère dans sa démarche de satisfaire et dimposer son empreinte dans le cinéma de genre tout court.
Note de cendrillon is dead : 8 sur 10
Critique de FRONTIERE(S) sur Oh My Gore !