French Connection peut s'interpréter comme quelque quintessence du polar seventies « à l'améri-
caine », dérogeant pourtant avec force au classicisme établi par l'école à laquelle il appartient malgré lui. Par son style extrêmement terre-à-terre, proche du documentaire, sa violence explicite et sa mise en scène chaotique, cette bande préfigurerait davantage le « poliziotteschi » thriller italien de série B à son apogée, l'idéologie douteuse en moins. William Friedkin, que l'on dénigre souvent pour l'inégalité de son travail ainsi que les ambiguïtés inhérentes à certains de ses métrages (
La Chasse), est à même de se targuer d'avoir réalisé, avec ce film et
L'Exorciste, deux des uvres les plus intéressantes du cinéma de genre américain des années soixante-dix. Passionnant, couillu et novateur,
French Connection se regarde non sans un plaisir parfaitement intact plus de trente-cinq ans après sa sortie. Rien que par ces faits, Friedkin se doit d'être considéré en tant qu'auteur majeur de son époque et mérite la reconnaissance de tout vrai cinéphile qui se respecte.
L'uvre se présente sous la forme d'une difficile enquête visant à neutraliser des trafiquants de drogue d'origines française et italienne traitant en plein cur de Brooklyn. Tout compétent qu'il soit, le tandem de la brigade des stupéfiants chargé de la tâche connaîtra bien des déboires dans l'exécution de celle-ci. Saluons en premier lieu la performance remarquable de Gene Hackman, plus crédible et attachant que jamais dans son rôle de flic au caractère d'ours mal léché, mais si sympathique dans le fond. Le personnage du sobre aussi bien que convaincant Roy Scheider lui sert de co-équipier et tous deux forment une association du tonnerre. Dans leur collimateur, des truands interprétés avec savoir-faire par Fernando Rey, Tony Lo Bianco et Marcel Bozzuffi.
French Connection se divise en deux parties plus ou moins distinctes: la première illustre la phase « espionnage » de l'enquête, entrecoupée de plusieurs tentatives d'appréhension ratées; la seconde nous plonge dans le feu de l'action, réservant de passionnantes puis grandioses courses-poursuites filmées par un Friedkin rien moins que génial. Le clou de cette deuxième moitié plus mouvementée réside dans une séquence opposant Gene Hackman bravant tant bien que mal le trafic automobile avec une Pontiac conduite à deux-cents à l'heure et Marcel Bozzuffi qui a pris refuge dans le métro. Une scène d'action fort en avance sur son temps, qui inspirera par ailleurs certains jeux vidéo tels que
Driver ou encore
Grand Theft Auto. Au-delà de son caractère spectaculaire,
French Connection dispose d'une réalisation nerveuse, mobile et terriblement efficace, dont le montage quelque peu hasardeux et les nombreux plans tournés caméra à l'épaule ne font qu'en renforcer le réalisme. Autre élément-clé jouant en faveur de l'uvre: sa musique, signée Don Ellis, dans un style soul, voire jazzy. Une bande-son riche et captivante, au délicieux parfum seventies, que n'aurait probablement guère renié un metteur en scène de blaxploitation movie.
Vigoureux film policier, brut et stylisé à la fois,
French Connection imposa William Friedkin comme un maître du genre, deux ans tout juste avant
L'Exorciste et son effrayante histoire de possession qui adjoignaient par la même occasion l'épouvante aux « disciplines » du cinéaste. Une uvre forte et marquante, qui n'a pas fini de surprendre, charmer et captiver ses admirateurs.
9/10