par BRUNO MATEI » 24 Avril 2012, 07:22
Un an après l'Enfer des zombies, Lucio Fulci continue d'attribuer sa touche singulière avec Frayeurs, second volet d'une quadrilogie érigée sur le mythe du zombie purulent. Véritable poème putride où les morts tourmentent les vivants par l'entremise de la peur, cette clef de voûte du cinéma transalpin insuffle un sentiment perpétuel de peur tangible au point d'obséder son spectateur. D'ailleurs, le public du festival du Rex ne s'y est pas trompé en attribuant personnellement son Grand Prix à Paris !
A Dunwich, le père Thomas se pend dans un cimetière. Depuis ce suicide improbable, un climat de peur s'empare des habitants convaincus que les morts se relèvent de leur tombe pour venir les persécuter. Une médium, un journaliste, un psychiatre et l'une des ses patientes décident de retrouver la tombe du prêtre avant la veillée de la toussaint et avant que les morts s'emparent de notre monde.
En 1979, l'Enfer des Zombies avait déjà conquis le public du monde entier dans son alliage d'horreur exotique et de gore subversif. Un an plus tard, Lucio Fulci va transcender son ambition majeure de provoquer l'effroi chez le spectateur avec Frayeurs. Sa pièce maîtresse indéfectible souvent collationnée avec l'Au-delà, l'autre chef-d'oeuvre pictural lié au destin maudit d'un peintre immolé !
La trame toujours aussi simpliste reste quasi inchangée ! Un quatuor de comparses se retrouvent réunis pour enrayer la menace toujours plus hostile de morts-vivants en pleine ascension. Les zombies s'exhument de leur tombe par la faute du suicide blasphématoire d'un prêtre mécréant. Nos protagonistes sont donc contraints de retrouver le caveau du prêtre pour pouvoir refermer la porte de l'enfer avant l'aube de la toussaint.
Un script linéaire vite emballé, prétexte à émailler un florilège d'évènements sanglants estomaquants et surtout de distiller une ambiance de peur qui va littéralement plaqué le spectateur à son fauteuil. L'incroyable efficience qui se dégage de ce canevas coutumier vient du talent inné de son réalisateur à façonner un véritable climat de trouille et une aura d'onirisme macabre !
A la manière d'un cauchemar éveillé, nous assistons durant ce cheminement mortuaire à une succession d'épisodes cinglants conçus pour nous prouver l'existence de morts revenus de l'au-delà. Sous l'autorité d'un prêtre reniant sa foi religieuse, ces charognes de l'enfer sont destinées à revenir sur terre pour déverser leur immondice. A la manière de fantômes illusoires, ces zombies se jouent de leur présence immatérielle pour apparaître et disparaître à leur guise devant les humains paralysés d'effroi.
L'atmosphère mortifère qui émane de la réalisation assidue de Fulci nous immerge totalement de son pouvoir d'étrangeté. Et à ce niveau, le poète du macabre nous élabore un florilège d'images horrifiantes ancrées dans un morbide révulsif (les apparitions saisissantes d'Emilie, du prêtre et de la grand-mère, la pluie d'asticots déversée sur nos héros ou encore le lyrisme du point d'orgue onirique confiné dans les souterrains bleutés d'un caveau séculaire).
Les scènes gores concoctées par l'artisan Gianetto De Rossi (la femme pleurant des larmes de sang puis dégobillant ses viscères par la bouche, ou l'illettré transpercé au tympan par une perceuse) nous éprouvent de leur impact réaliste aussi incisif qu'innovant. Avec la fidélité d'une équipe de techniciens factuels, il est impossible d'occulter l'incroyable partition funèbre de Fabio Frizzi. Une mélodie brutale et percutante, parfois même chorégraphiée pour valoriser des séquences flamboyantes (le ballet final régi sous la grotte des damnés). Sans oublier l'utilisation judicieuse d'une bande son inquiétante exacerbant les râles agonisants de lépreux anémiques. Des présences latentes camouflées derrière le grincement strident de portes et placards défaillants.
Danse Macabre
Faisant preuve d'ambition formelle dans son imagerie macabro flamboyante et redoublant de virtuosité à extérioriser le sentiment prédominant de peur, Frayeurs nous retransmet de plein fouet son atmosphère intrinsèque de mort purulente. A la manière d'un ballet spectral, les fantômes insidieux de Fulci ont envahi la terre pour propager la mort et contaminer les vivants, étourdis par l'emprise de la hantise.
Pour parachever, s'il y avait un conseil à préconiser au spectateur afin de mieux savourer l'essence suprême de l'affres fulcienne, ce serait de le voir seul, en pleine nuit, avec le volume sonore bien majoré ! Frayeur assurée !