Mexique, 1913. Un pilleur de diligences, Juan Miranda, et un Irlandais membre de l'IRA, spécialiste en explosifs, John Mallory (mais dont le véritable prénom est bien Sean, le personnage souhaitant occulter son passé irlandais en dissimulant son identité), font connaissance. Juan voit en John le complice idéal pour braquer la banque d'état qui se révélera plus riche en prisonniers politiques qu'en lingots d'or. Ils vont alors se trouver plongés en plein cur de la tourmente de la révolution mexicaine et ce malgré eux.
Véritable inventeur du sous-genre « western spaghetti », Leone réalisa au sein de sa propre écurie quatre uvres dont la dernière, monumentale, dynamitait tous les codes du western traditionnel et métamorphosait une banale histoire de vengeance en un authentique opéra filmique, une ode à l'outrance, un sommet de cinéma baroque. Il n'est plus guère utile de présenter
Il était une fois dans l'Ouest de nos jours, tant ce summum d'une approche dédaignée par les puristes en son temps gagna au fil des années une aura de classique. Avec
Il était une fois la Révolution, changement de cap. Sergio Leone poursuit dans sa peinture d'un monde en décadence mais remplace cette fois-ci les pionniers, cow-boys et caches-poussière par la révolution mexicaine, les péons, les anarchistes et les rois de la dynamite. En s'armant d'une thématique plus riche, le cinéaste met un frein à l'esbroufe caractéristique de ses précédentes réalisations et signe son film le plus mature et le plus ambitieux avec
Il était une fois en Amérique, tourné quatorze ans plus tard.
Il était une fois la Révolution a beau n'être à la base qu'une uvre de commande pour Leone, il n'en possède pas moins tout le souffle et toute l'ampleur requis afin d'en faire une pièce majeure dans le septième art à part entière.
Dès les premières images, le ton est donné. Ambiance aride, visages en sueur, diligence pillée et bourgeois médisants dépouillés de leurs biens même les plus élémentaires
un univers morbide et pessimiste brossé par un Leone qui ne lésine pourtant pas sur l'humour. La première rencontre entre les personnages respectifs de Rod Steiger et James Coburn tient à ce titre davantage de la comédie burlesque qu'autre chose. Ce parfait équilibre entre drame solennel, virilité et tendre bouffonnerie a toujours été la marque de fabrique du réalisateur et il s'avère encore plus savamment développé dans
Il était une fois la Révolution. Outre la douce drôlerie qui imprègne le métrage, une grande sentimentalité s'y affirme également. Ainsi,
Il était une fois la Révolution est un film d'aventures qui marque moins par sa dimension épique les explosions et séquences de batailles, quoique fort bien réalisées, apparaissent moins impressionnantes que chez Peckinpah, par exemple que par la formidable histoire d'amitié qu'il illustre. La psychologie de ces deux caractères que tout oppose de prime abord bénéficie d'un traitement dorfèvre et Leone trouve en ce sens l'occasion de nous octroyer quelques instants d'émotion à l'authenticité rare. Il est vrai que les prestations livrées par Steiger et Coburn forcent indéniablement l'admiration. L'on retiendra également les superbes flash-back romanesques sur les moments forts entre le personnages de Coburn et son ancien ami, interprété par un étonnant David Warbeck (qui deviendra par la suite un habitué du cinéma d'exploitation italien et jouera notamment sous la houlette de Lucio Fulci), filmés au ralenti sous la divine musique d'Ennio Morricone.
Le cinéaste livre une fois n'est pas coutume un remarquable travail de mise en scène avec
Il était une fois la Révolution. Accumulation de très gros plans sur les visages des protagonistes traduisant n'importe laquelle de leurs expressions, travellings d'une grande ingéniosité mais jamais pédants ou gratuits pour autant, élégance extrême de la photographie (grande profondeur de champ) et du format cinémaScope, montage et découpage au scalpel; tout cela respire l'exactitude technique et démontre un savoir-faire exceptionnel de la part de Leone. Les traditionnels thèmes mélancoliques de Morricone, qui accompagnent ces magnifiques images, se font ici plus entêtants que jamais et participent de manière primordiale à l'émotion véhiculée par l'uvre. Si la densité romanesque d'
Il était une fois la Révolution n'atteint guère celle d'
Il était une fois en Amérique, le point d'orgue absolu de son auteur, celui-là n'en demeure pas moins une vibrante leçon de cinéma, doublée d'une des plus belles fictions traitant de la révolution mexicaine jamais réalisées. Il constitue donc un chef-d'uvre de plus au palmarès de Leone.
On peut dire d'
Il était une fois la Révolution qu'il fait figure de transition entre les deux autres
Il était une fois
, le tout représentant un extraordinaire triptyque sur des périodes fortes de l'histoire américaine sélectionnées par le génial Sergio Leone. Ce crépusculaire film d'aventures mâtiné d'héroïsme, d'amertume, d'amitié virile et même d'humour, dont la mise en images et l'interprétation confinent au sublime, restera l'uvre la plus foisonnante du cinéaste derrière le miraculeux
Once upon a Time in America.
9/10