Cette fresque épique, recueil d'une vaste gamme de styles cinématographiques distincts (kung fu, drame politique, comédie, film historique) confirme - sans doute pour la première fois, il faut le dire - le grand talent de faiseur d'images et de narrateur propre à Tsui Hark. Retraçant une période sombre de la Chine, rendue hostile par l'impérialisme des colons anglais et américains à la fin du XIXe siècle,
Il était une fois en Chine, grand succès populaire aujourd'hui universel, en profite pour illustrer un pan furtif de la carrière de Wong Fei-Hong, médecin adepte du kung fu à la philosophie très sereine ayant réellement existé lors de cette époque. L'acrobatique Jet Li se glisse admirablement dans la peau du personnage; son jeu extrêmement sobre, la classe et l'élégance de son allure, mais surtout la virtuosité de ses performances martiales ne permettent pas de remettre une seconde en doute le choix d'un tel comédien.
La mise en scène scintille de vivacité, de dynamisme et d'exactitude; nous sommes loin des plans tremblotants et du découpage mal assuré du très moyen
L'Enfer des Armes, dieu merci. Toutes les séquences de combats sont filmées avec un remarquable sens de la fluidité et du spectacle, Tsui Hark joue régulièrement sur les effets de ralenti non sans une habileté formelle, tout en nous réservant quelques démonstrations esthétiques à la beauté sidérante (l'on retiendra plus particulièrement à ce titre le passage où Yim, le grand adversaire de Fei-Hong qui affrontera ce dernier lors d'un duel final absolument dantesque, ramasse ses pièces sous la pluie). Le caméléon Jacky Cheung livre quant à lui une délicieuse composition de disciple simplet, bêgue et aux dents avancées, dont la présence sera pourtant indispensable à la victoire des bons, puisqu'il demeure le seul d'entre eux à maîtriser l'anglais.
Ce qui frappe cependant le plus dans
Il était une fois en Chine, c'est son refus à toute surdramatisation et surtout à cet enrobage de solennité souvent excessive qu'on risquerait de trouver facilement dans des uvres occidentales du même genre. Le film prône d'ailleurs à plusieurs reprises les vraies valeurs chinoises et pointe un doigt peu flatteur sur l'occidentalisation malsaine dont le pays subit alors les frais. Ainsi, son idéologie ne paraîtra pas du meilleur goût à tous (les colons se voient dépeints comme de gros beaufs dictateurs presque tous sans exception), mais il serait peu lucide de ne pas reconnaître une part de vérité importante là-dedans.
Il était une fois en Chine manipule ingénieusement les frontières de l'
entertainment traditionnel pur et du film politico-historique pour un résultat des plus aboutis, où les séquences de kung fu époustouflantes fraient avec l'humour burlesque, et la violence avec le nationalisme ostensible (et il en faut bien). Du grand, du très grand cinéma.
10/10