ENTER THE VOID (version alternative, 2H23, non diffusé en salles)
Réalisateur: Gaspard Noé.
Année: 2009.
Durée: 2H23.
Origine: France.
Distribution: Avec Nathaniel Brown, Paz de la Huerta, Ciril Roy, Sara Stockbridge
BIOGRAPHIE: Gaspar Noé, né le 27 décembre 1963 à Buenos Aires en Argentine, est un scénariste, producteur et réalisateur franco-argentin.
* 1998 : Seul contre tous
* 2001 : Irréversible
* 2009 : Enter the Void
Intro à Enter the Void.
" Je me suis aussi beaucoup inspiré dun Livre des morts Tibétain celui dont on parle dans le film, que jai découvert à lâge de 18 ans, à une époque où je lisais beaucoup de choses au sujet de la mort et de la réincarnation. Je me suis vraiment énormément renseigné sur ce livre, apprenant au passage quil avait aussi beaucoup inspiré Philip K. Dick, et jai décidé dadopter sa structure au moment de la mort dOscar. Ce livre parle du voyage de lesprit qui seffectue entre la mort et la réincarnation, un voyage sensé durer 49 jours. Je nai pas été fidèle à 100% au bouquin, mais jai quand même tenu à bien mettre en scène ce voyage astral totalement dis-fonctionnel et lumineux, doù limportance, surtout dans la scène de fin, de ces jeux de lumière lors des scènes de baise à lhôtel, où la lumière émane des corps. "
Gaspard Noé.
2010, L'ODYSSEE DE L'ESPRIT.
Huit ans après son très controversé Irréversible, Gaspard noé nous revient avec un nouveau métrage beaucoup moins provocateur qu'à l'accoutumé et nous livre un trip filmique hallucinogène dont l'objectif premier sera de tenter de nous "transporter".
Un jeune garçon, Oscar, affectivement lié à sa soeur Linda se retrouve à Tokyo en flânant de manière transitoire sous l'emprise de drogue qu'il négocie dans les quartiers nocturnes d'une ville funambule.
Un soir, à l'occasion d'un deal de drogue compromis dans un bar, Oscar se fait coincer par la police. Il se réfugie en désespoir de cause dans les toilettes et meurt quelques secondes plus tard d'une balle dans la poitrine par ses oppresseurs de l'ordre.
En traitant du thème mystique de l'origine humaine et la croyance en la réincarnation, Enter the Void est un un film expérimental atypique qui créé la fascination temporelle, la désolation psychique, la morosité ambiante et la beauté divine grâce au pouvoir spirituel de la conception de la vie.
Enter the Void imagine le personnage d'un jeune junkie visualisé de l'intérieur du sujet, de manière à ce que le spectateur s'indentifie implicitement à travers son corps et son esprit. Comme le fait de pouvoir entendre sa respiration sourde, ses pensées intimes et visualiser de manière sensorielle ce qu'il regarde à chaque moment. Quelques instants de vie prégnants d'un quidam paumé dans la ville de Tokyo, jusqu'à sa fin tragique et au-dela de la mort cérébrale.
Le début totalement psychédélique nous entraine dans un délire visuel fantasque et vertigineux à travers la prise de drogue qu'Oscar va complaisamment inhaler. La réalisation virtuose et ambitieuse endosse des images versicolores et versatiles d'une beauté envoutante. Nous sommes véritablement dans un "ailleurs" hallucinogène, de la même manière que ce que notre héros subi puisque le spectateur s'est introduit en son identité.
Ses moments idylliques provoquent chez nous une véritable sensation palpable d'abandon, un trip sensitif perceptible selon l'implication émotionnelle personnelle auquel le spectateur saura apprivoiser durant la (longue) projection.
Passé ce délire mystique qui permet à travers la drogue une manière potentielle (hallucinatoire) de matérialiser les mystères insondables des origines de la vie, la narration foisonnante et déstructurée va nous emmener dans les moments clef de la vie abrégée d'Oscar.
Comme dans le livre des morts qu'il aura lu auparavant, notre héros va subir entre passé, présent et futur toutes les étapes spirituels décrites dans cette publication. D'une prémisse de son abandon à la vie jusqu'à sa réincarnation dans une prochaine vie naquise.
Parce qu'il refuse de quitter le monde des vivants à cause d'une promesse fidèlement léguée envers sa soeur, Oscar va observer ses protagonistes familiers errer dans la ville de Tokyo.
Dès lors, nous allons découvrir la raison des liens d'amour fusionnels qui unissent un frère et une soeur perturbés par un drame familial brutal et tragique.
En effet, durant leur tendre enfance, ils auront été témoins de la mort inopinée de leur parent dans un accident de voiture. Installés à l'arrière passager du véhicule, Oscar et Linda auront été fortement éprouvés de vivre en direct la sauvage devise impromptue de la faucheuse, s'appropriant ignoblement chaque vie de leur géniteur.
La séquence choc est extrêmement brutale et réaliste, à la limite du supportable. Essentiellement dans les travers implacables de la réaction émotionnelle intense de la petite Linda, directement témoin face à l'abomination.
Cette vision d'horreur va venir hanter l'écran à plusieurs endroits intermittents du récit pour rappeler l'aspect traumatique irrémédiable d'un tel évènement morbide envers l'innocence de deux enfants .
La suite de la narration nous entraine dans l'amertume inconsolable de sa soeur meurtrie, dans les brefs instants de culpabilité d'un jeune dealer (qui éprouvait une grande rancune envers Oscar, coupable d'avoir entretenu des relations sexuels avec sa mère) et enfin de l'errance de Victor, l'ami le plus proche du défunt, davantage épris de compassion pour Linda.
Dans un maelström d'images oniriques incessantes, entêtées par un score musical hybride omniprésent qui varie les genres et les ambiances, Gaspar Noé filme et autopsie de manière tentaculaire la ville de tokyo en caméra subjective. Il emploit de manière discontinue des moyens techniques étourdissants à travers des plans séquences aériens inconcevables, la caméra traversant continuellement les murs pour accéder à l'autre décor voisin.
Il étudie à travers l'entité invisible d'un esprit flottant dans l'espace le cheminement continu, académique d'être humains marginaux face à une société anxiogène. Des personnages lambdas perdus entre la morosité de cicatriser les plaies d'un décès soudain et le défi de continuer à avancer, avant d'enfanter le prodige un nouvel avènement.
A ce titre, le final exutoire dans un hôtel d'amour où des personnages s'accouplent langoureusement, dégageant des fluides lumineux mis en cause par l'émanation des corps chauds et transi se révèle d'une beauté séminale insolite.
Alors qu'il fallait oser filmer en gros plan, de manière inédite, l'acte sexuel d'un pénis pénétré dans l'orifice vaginal de l'héroïne sans une once de vulgarité ou de racolage !
Ce happy-end annoncé, clôturant un acte d'altruisme suprême fondé sur la promesse d'une fidélité entre un frère et une soeur (liés à jamais) s'avère bouleversant d'humanité dans son amour immodéré. Jusque dans l'infini biologique des premières larmes d'un nouveau-né.
LE LIVRE DES MORTS.
En s'adressant au mystère insondable des forces vitales tout en suggérant une potentielle croyance en la réincarnation, Enter The Void est un ovni filmique extraordinaire de virtuosité technique et de beauté esthétique dans ces décors de néons versicolores surchauffés et ces stroboscopes hypnotiques en rythme de techno.
Une expérience psychique émotionnelle indéfinissable qui prend le pari risqué de nous faire voyager dans l'espace temps comme aucun cinéaste visionnaire ne l'avait fantasmé (au risque d'ennuyer par moments futilement pesants).
Le trip ambitieux et pertinent peut aussi se voir comme un hymne à l'enfantement, au pouvoir divin de la création biologique avec tout ce que cela comporte de compromis. Un assemblage irréversible d'iniquité, douleur et fatalité juxtaposées à la dépendance addictive de l'épanouissement, du bonheur et de l'amour salvateur.
Un tableau labyrinthique d'une ville transie autour duquel nos héros, semblables à des fourmis, semblent survivre dans ce monde dérangé. Un univers destiné à obliquer sur lui même, duquel sommes nous même condamnés à errer sur terre pour se reproduire à l'infini.
Fantasque, bouillonnant et pénétrant.
RECOMPENSES:
* Festival international du film de Catalogne 2009
o Meilleure photographie (Benoît Debie)
o Prix spécial du Jury (Gaspar Noé)
"Narcisse du meilleur film au Festival International du film fantastique de Neuchatel.
QUESTION évoquant la potentielle prise de drogue sur le tournage.
Pour la drogue, cétait open bar sur le tournage ?
G. N. : Si tu te drogues sur un film, tu ne peux pas bosser correctement. Sur le tournage, personne ne se droguait, même pas un joint. Cétait la condition sine qua non.