par SUSPIRIA » 12 Octobre 2010, 11:57
D'après la célèbre nouvelle de Oscar Wilde, maintes fois adaptée à l'écran dont le chef-d'oeuvre d'Albert Lewin sorti en 1945 restera l'ultime référence sous celluloïd, Dorian Gray version 2009 est une réactualisation sortie dans une totale indifférence après avoir été privée d'une distribution en salles.
A cause de l'influence de son ami Lord Henry Wotton, le jeune adulé Dorian Gray va se laisser charmer par une vie de débauche et de luxure après le suicide d'une jeune fille désespérée dont ils étaient l'un et l'autre tombés amoureux.
Quelques jours plus tard, Dorian décide de se laisser peindre le portrait avec l'accord d'un peintre fasciné par la beauté juvénile du sujet. Mais le jeune homme attiré par l'idée de ne plus vieillir dans son enveloppe physique accepte une connivence avec le diable. La résultante du portrait dessiné par le peintre vieillira à la place du séduisant dandy victime d'une éternelle jeunesse putassière.
Avec une narration aussi fascinante, trouble, singulière et passionnante, ce nouveau Dorian Gray soigneusement mis en image et conté avec noirceur nous entraine dans un étrange conte horrifique d'une saveur opaque et poisseuse.
En y associant la beauté voluptueuse d'un séducteur rajeuni désireux de plaire pour l'éternité à la gent féminine et l'horreur cachée de son portrait morbide mis en exergue sur une toile de peinture, suintant et puant l'odeur exsangue de la chair décomposée.
Un portrait indocile que notre cynique personnage va honteusement cacher dans l'environnement insalubre d'un grenier fermé à clef.
Par la grâce de sa jeunesse immaculée, le jeune Dorian Gray se laisse lentement envahir par les plaisirs interdits les plus charnels de sa nouvelle raison d'être dans ses formes les plus effrontées et masochistes.
Par son arrogance hautaine de se prendre pour un nouveau Dieu intemporel, il ira même jusqu'à commettre le crime sordide contre celui qui tentera de découvrir la supercherie enfouie dans un tableau occulté par un drap noir dans un grenier oppressant laissant planer les soupirs démoniaques d'une entité malveillante.
C'est à cause des décennies écoulées que Dorian s'attire les réflexions troublées et questionnements sans assistance de ces amis de longue date ainsi que ses nombreuses conquêtes féminines aujourd'hui déconcertées. Des bourgeois sinistrés, affaiblis par l'âge, portant sur leur corps les stigmates du temps révolu, devenus des vieillards envieux tout aussi suspicieux envers l'éclatante beauté picturale de Dorian.
A travers une trame fantastique au pouvoir de fascination trouble pour son thème universel sur l'éternelle quête de la beauté juvénile trop vite expirée, Oliver Parker n'oublie pas de traiter une réflexion sur le manichéisme équivoque et sur le pouvoir mesquin de l'apparence physique qui hypnotise les êtres de leur regard envieux et désireux, fascinés et contemplatifs de l'architecture de la chair composée avant d'ausculter le fort intérieur de l'âme qui y était camouflée. Oscar Wilde semble nous dire à travers un argument fantastique que l'être humain continuellement rajeunit dans la forme aurait tendance à se soumettre aux valeurs ambivalentes du Bien et du Mal avant peut-être une ultime remise en question d'une vie débauchée en lassitude de tant de libertés entreprises avec l'influence accordée du Mal.
C'est l'épatant Ben Barnes qui prête son physique enjôleur et son orgueil au portrait dissous de Dorian Gray. Il interprète avec une conviction probante un personnage perfide, pernicieux sous son apparence vertueuse avant de tenter de se repentir dans un ultime retranchement avec une jeune fille insoupçonnée et délicate.
Par son physique trouble d'une peau rendue immaculée à la texture d'un nourrisson, Ben Barnes envoute le spectateur par sa prestance magnétique et son regard noir insidieux davantage soumis aux forces du Mal.
NIP / TUCK.
Soigneusement réalisé dans des décors classieux de l'époque victorienne et parfaitement interprété par des comédiens chevronnés, Dorian Gray se révèle une nouvelle adaptation surprenante par son inspiration renouée sans prétention avec toutefois un ton plus glauque et une imagerie déployée dans une saveur quelque peu moribonde.
Des séquences parfois couillues dans certaines dérives sanguinolentes assez crues et réalistes, baignant dans une atmosphère lugubre où plane l'inconfort autant qu'un effet de fascination / répulsion attractif.
Un diabolique récit ancré dans la séduction des sexes opposés au service des instincts les plus alimentaires dans la jouissance éphémère et transitoire du corps charnel, dispensée d'une acuité affective.