Oh My Gore ! - Forum

[BRUNO MATEI]

Réalisateur: Jeff Gillen et Alan Ormsby
Année: 1974
Origine: U.S.A.
Durée: 1h24
Distribution: Roberts Blossom, Marion Wardman, Cosette Lee, Mickey Moore, Robert Warner, Pat Orr, Marcia Diamond, Leslie Carlson.

FILMOGRAPHIE: Jeff Gillen est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 2 Novembre 1942, décédé le 27 Juin 1995 en Floride. 1974: Deranged.
Alan Ormsby est un réalisateur et scénariste américain né en 1944.
1973: Artists and models ball. 1974: Deranged. 1991: Popcorn (non crédité).

Tourné la même année que Massacre à la Tronçonneuse, Deranged est également un petit film indépendant plutôt fauché, mais semi amateuriste dans sa réalisation et sa direction d'acteurs. Pourtant, à l'arrivée, notre duo de réalisateurs réussit à transcender ses lacunes en fignolant le côté sordide de la quotidienneté du tueur et en distillant (sans modération) une atmosphère glauque des plus insalubres (on est d'ailleurs pas loin des effluves de Massacre...). D'une certaine manière, on peut aussi suggérer qu'il préfigure une autre perle aussi déviante réalisée au tout début des années 80, le fameux Pyromaniac de Joseph Ellison. Puisqu'on retrouve ici le même rendu morbide pour les cadavres putréfiés installés dans la moiteur d'une cuisine irrespirable. Leur physionomie bleutée rappelant indubitablement les cadavres calcinés que notre pyromane embaumait pour les réserver dans une chambre secrète parmi sa maman momifiée. En l'occurrence, le tueur de Deranged la préserve de la même façon pour la choyer parmi l'intrusion d'hôtes aussi décrépits.

Basé sur la véritable biographie de Ed Gein, Deranged suit donc le train-train quotidien d'un sexagénaire timoré, rendu azimuté depuis la mort de sa maman poule. Avec souci de réalisme pour ausculter sa pathologie schizophrène et un sens du détail adressé à la scénographie de sa vieille bâtisse, le film véhicule une véritable aura mortifère. En sa présence de nécrophile sexuellement refoulé, nous suivons son cheminement de prédateur dans son besoin d'assouvir ses pulsions perverses et de renouer avec l'amour maternel. Sa devise: rechercher des proies féminines pour recomposer l'enveloppe corporelle de sa génitrice à l'aide de leur chair humaine !
Dans le rôle du demeuré déficient, Roberts Blossom n'impose pas vraiment un jeu authentique de serial-killer. Mais épaulé par sa morphologie décatie plutôt décharnée, il réussit toutefois à dégager un réel sentiment d'inquiétude à travers ses petits yeux remplis de vice. Si les meurtres qu'il perpétue sont épargnés du hors-champs, la violence âpre qui en émane s'avère dérangeante car rehaussée de son comportement sadique. L'odeur de la mort semble même s'imprégner dans l'air, à l'instar des murs de sa ferme lorsque un bras coupé fait office d'ornement ! D'ailleurs, une séquence éprouvante a de quoi laisser une trace indélébile dans la conscience du spectateur lorsque notre tueur décide d'arracher l'oeil d'un cadavre à l'aide d'une cuillère ! Qui plus est, il s'empresse ensuite de découper au couteau sa boite crânienne pour extirper avec le même couvert la masse gélatineuse de son cerveau ! Des maquillages crades particulièrement réalistes que l'on doit au tout jeune débutant, Tom Savini !

Grace à la modestie de son faible budget, d'une réalisation approximative et du jeu d'acteurs inconnus, Deranged renforce le côté documentaire de l'entreprise avec une verdeur d'autant plus glauque. La partition lugubre composée à l'orgue monocorde et la présence inquiétante du sénile Roberts Blossom renforcent le malaise que l'on éprouve durant cette macabre reconstitution. Une petite perle de souffre à redécouvrir sans tarder !