

Demonia ou la découverte d'un authentique maelström fulcien, dans lequel la virtuosité technique et visuelle si caractéristique du maestro del horror le dispute sérieusement à la médiocrité absolue découlant d'un indéniable manque de budget.
Ainsi, la photographie de cette oeuvre singulière, visiblement filmée en video, conférerait presque à l'amateurisme, ou du moins à la série Z insignifiante, à moins que cela ne vienne d'un transfert lamentable de mon DVD, de surcroît aggravé par un doublage germanique atrocement mauvais (je n'avais d'autre choix). Le script se révèle en outre abscons au possible, piochant également à tout-va dans certains éléments scénaristiques clés des chefs-d'oeuvre L'au-delà et Frayeurs. Et que dire de ces nombreux passages à vides, de ces dialogues parfois interminables et pathétiques, où la monotonie s'avère le maître mot ?
Et pourtant, et pourtant, si l'on sait faire abstraction de ses maladresses, il se dégage durant les séquences fortes de Demonia une atmosphère profondément morbide, si morbide d'ailleurs qu'on pourrait avouer que L'au-delà n'est plus très loin. On retrouve ce fantastique ésotérique on ne peut plus mystérieux et troublant que Fulci avait perdu depuis près de dix ans, se vautrant entre temps dans les gialli insipides (L'éventreur de New York, Murderock), la SF bon marché (Conquest, 2072, Les mercenaires du futur) et d'autres produits commerciaux au rabais.
Des décors isolés prenant pour lieu des ruines ainsi qu'un petit village de Sicile vétuste, dotés d'un inévitable potentiel d'angoisse pour qui sait le maîtriser (hum, on ne discute pas sur ce point-là avec Lucio), une musique kitsch mais superbe et magnifiée de par son minimalisme, des plans emprunts d'une poésie macabre comme on n'en distillerait jamais ailleurs (la vision des cadavres décomposés de nonnes crucifiées deux siècles plus tôt), autant de points forts qui font de Demonia une réussite flagrante dans l'inégale filmographie de son réalisateur.
Venons-en au Gore; même avec trois bouts de ficelle, Fulci se complait dans le jusqu'au-boutisme d'une violence graphique paroxysmique, une fois n'étant pas coutume. Parfois au détriment de la crédibilité de certains trucages, nous avons donc droit plus particulièrement à un trio de séquences Gore dégénérées et crapoteuses à l'extrême: une femme énigmatique se fait mutiler et énucléer dans les règles de l'art par ses chats (on notera non sans un certain amusement l'utilisation de faux-chats ainsi que d'une marionnette humaine lors de l'attaque en action, mais qu'est-ce qu'on s'en fout, c'est fun, malsain et dégueulasse, c'est Fulci !), un boucher voit ses quartiers de bidoches et ses crochets s'animer contre lui dans sa chambre froide, avant qu'on ne lui cloue douloureusement la langue (et en gros plan, s'il-vous-plaît !), enfin, un père, après avoir essayé d'enlever son petit garçon de la main d'une nonne-fantôme lors du dénouement, est victime d'un écartèlement encore plus atroce et osé que celui d'Amazonia, la jungle blanche de Ruggero Deodato. Choc !
Ne reste plus qu'à traiter l'interprétation, où les comédiens de moyen augure assurent ma foi le minimum syndical. L'actrice principale rappelle par moment certaines expressions de la grande Catriona McColl, sans pour autant égaler cette dernière, mais l'on retiendra surtout la prestation mémorable de Fulci himself dans le rôle d'un inspecteur de police se gratouillant sans cesse la barbe !
Tour à tour petite production de série Z tenant d'une médiocrité toute relative, authentique trésor fulcien à l'ambiance sordide et étouffante, ou bien encore petit recueil d'effets Gore bien trashy, ce curieux Demonia demeure un film à voir absolument, surtout pour qui parvient à se laisser envoûter par l'univers du maestro del horror.

Note: 7/10
