Dans un futur indéterminé, à la suite de ce qui semblerait être un cataclysme, l'Humanité a presque totalement disparu de la surface de la Terre. Dans une ferme isolée du Sud-ouest, Philippe et Suzanne, un couple de trentenaires vivant dans linsouciance, survit et vit des produits de ses récoltes et des provisions quil est allé ravir dans les supermarchés de la grande ville la plus proche. Mais voilà, le bonheur sera de courte durée, puisquun groupe de pillards trouve leur refuge de fortune et assassine Suzanne, laissant Philippe complètement désemparé. Ce dernier retrouvera le sourire dès lors quune bande de gamins, muets en apparence, viendra élire domicile en face de chez lui. Toutefois, des questions commencent à poindre dans le cerveau de ladulte au fur et à mesure quil souvre aux enfants : qui sont-ils vraiment et surtout que veulent-ils ?
A linstar de "Malevil" (une autre rarissime incursion française dans le cinéma dit "post-apocalyptique"), "Demain les mômes" fait partie du genre de la fiction spéculative. Autrement dit, on part dune situation de départ intégrant un élément danticipation (ici, la quasi disparition de toute vie humaine sur la Terre à quelques exceptions près à la suite dune catastrophe, source de chaos) et on va plutôt développer des axes de réflexion plus philosophiques, politiques ou encore de société, sans faire de lélément fantastique le sujet principal de lhistoire. Le film explore ainsi le thème de la survivance de lindividu et par extension de la société en général, dans un monde laissé à labandon, mais aussi questionne sur la place de lenfant dans cet univers dévasté et son rôle à venir. En effet, dans le métrage de Jean Pourtalé, dont la filmographie sarrête en 1980 avec le policier "5% de risques", le thème de la survie est abordé au niveau individuel puisque les quelques rescapés s'entretuent pour survivre ou sans raison apparente, peut-être pour se prouver à eux-mêmes quils vivent encore, qui sait ? Mais ce sujet est également approché du point de vue de Philippe, notre héros, qui cherche désespérément à rejoindre un groupe dhumains afin de ne pas sombrer dans la folie et davoir quelquun à qui parler, dautant que sa compagne a été assassinée sous ses yeux par des rôdeurs et que depuis, il se sent définitivement seul. Son unique espoir de vie sociale est ainsi de localiser lendroit doù proviennent les lointaines émissions de radio quil arrive encore à capter afin de rejoindre les personnes émettant sur les ondes. Et cest justement au moment où il va se mettre en route que les "autres" arrivent. Mais qui sont-ils ?
Ces derniers ne sont ni anormaux, ni monstrueux, au contraire : ce sont des enfants blonds, quon dirait tout droit sortis dun classique de lhorreur : "Le village des damnés". Ils sont gentils en apparence et acceptent tous les dons de Philippe (de la nourriture notamment), mais également apprennent de lui à se servir de différents outils, à conduire, à tirer Malgré cela, ils se refusent obstinément à lui adresser la parole. Peu à peu une angoisse quasi palpable sinstalle : ces enfants sont assurément "autres". Et Philippe na plus quà seffacer
Faute de moyens pharaoniques, et sappuyant sur une hypothèse classique de la science-fiction, Jean Pourtalé a su construire un film étonnant, poignant, évitant volontairement lécueil des effets spéciaux "exagérés" où se sont enlisés bien des réalisateurs attirés par le genre. Et il sen sort bien le bougre puisque "Demain les mômes", dans un style anti spectaculaire, instille un vrai malaise tant il est nihiliste au possible et tant les silences des enfants font froid dans le dos en nous signifiant quil ny a pas de rémission possible et que le monde est voué à se déshumaniser progressivement.
Cette fable danticipation pour le moins pessimiste repose finalement sur des sujets déjà évoqués au cinéma : la survie de lHomme dans un monde en ruines (vu notamment dans "Je suis une légende" de 1964) et la place des enfants livrés à eux-mêmes (que lon peut voir dans "Sa majesté les mouches" de 1965). Pourtant, ce métrage semble aller plus loin et ne cesse de sinterroger sur les desseins de chacun, sur leur devenir : les hommes dhier, et les nouveaux, nés du désastre, quelles sont leurs réelles motivations ? Dans cet univers ravagé, les enfants ne descendent plus de leurs parents, mais ils constituent leur propre groupe, avec ses codes, son organisation et son langage dont ladulte est exclu. Cette même hostilité des gamins face aux personnes majeures est dailleurs également présente dans le film ibérique "Les révoltés de lan 2000" sorti la même année. Même climax angoissant, même mépris de ladulte jugé responsable de tous les maux de la Terre, ces deux perles se complètent et ont pour dénominateur commun laptitude des enfants à sorganiser sans les adultes désormais bannis. Le score efficace et tout en nuances dEric Demarsan vient en plus renforcer le sentiment de la perte dinnocence de ces gosses face à un Niels Arestrup symbole du dernier souffle de lHumanité.
Côté casting, on na pas grand chose à se mettre sous la dent, puisque Niels Arestrup est quasiment le seul acteur parlant à lécran hormis sa femme, Brigitte Rouan, dont lapparition est trop courte pour quon puisse dire quoi que ce soit sur son interprétation. Niels Arestrup fait montre de toute sa palette démotions et prouve encore une fois quil est un grand acteur, malheureusement trop souvent cantonné dans des rôles de second ordre. Il incarne donc à merveille le type lambda qui tente de survivre avec sa compagne et qui du jour au lendemain perd tout. Sa tristesse est alors émouvante. Il retrouvera pourtant lespoir en voyant débarquer des enfants en face de sa ferme. Mais voilà, impuissant face à ce clan soudé, il seffacera peu à peu en voyant bien quen tant quadulte, il na pas sa place dans le monde de demain. On notera également que parmi les enfants, on peut apercevoir Emmanuelle Béart, âgée alors de 13 ans, dans son tout premier rôle et dont elle na plus aucun souvenir selon ses dires.
Grand Prix au 3ème Festival International du Film Fantastique et de Science-fiction, Prix Spécial du Jury au Festival International du Film dEchanges Francophones de la Nouvelle-Orléans, "Demain les mômes" est aujourdhui un objet filmique rarissime qui saventurait courageusement sur le terrain dangereux des films de science-fiction "made in France". Pourtant, en son temps, il a froissé les bien-pensants et divisé la critique alors que paradoxalement il connaissait une sortie en salles des plus anonymes. Si on se replace dans le contexte de lépoque, il fallait tout de même oser faire un long métrage aussi désespéré quant à lavenir de lHomme dans un monde apocalyptique où même les enfants ont perdu toute trace dhumanité. Brûlot contestataire ou film prophétique en avance sur son temps, le film de Jean Pourtalé est alors, pour toutes les raisons évoquées en amont, un authentique chef-duvre à découvrir ou redécouvrir durgence
5/6 - Vincent DUMENIL (HORREUR.COM)
DVDRAMA:
«On ne sait jamais ce quil y a dans la tête dun enfant en dehors de ce que nous y avons mis», dixit Jean Pourtalé, réalisateur de Demain les mômes, une fable danticipation pessimiste qui montre des survivants perdus dans un monde en ruine. Le pauvre Niels Arestrup va comprendre très rapidement que l'homme est un loup pour l'homme. Grand prix au 3e Festival du Film fantastique et de science fiction, un objet rarissime aujourdhui qui s'aventurait non sans audace sur le terrain glissant de la science-fiction made in France.
"Comme lindique le titre, Demain les mômes questionne la place de lindividu, et par extension de la collectivité, dans une société à labandon. Notamment celle de l'enfant, censé devenir l'adulte de demain."
Il fallait oser un film pareil (un récit post-apocalyptique dans une France dévastée) et encore plus d'audace pour mettre en crise les préjugés de l'innocence, la vénération confite de l'état d'enfance, ce genre de choses qu'on voit trop souvent au cinéma. A croire que dans les années 70 les cinéastes de chez nous avaient plus de liberté et moins peur de se faire taper sur les doigts. Repensez à des propositions bizarroïdes comme France société anonyme dAlain Corneau, objet intéressant mais vicieux fomenté par le réalisateur de Série noire, ou encore Le dossier 51, de Michel Deville, réflexion paranoïaque glaçante à souhait. Les cinéastes français daujourdhui qui osent perdurer cette tradition nexistent (quasiment) plus. A moins quil ne faille aller les chercher du côté de la Belgique (suivez mon regard). Revenons à nos moutons: ce très rare et très méconnu Demain les mômes, signé Jean Pourtalé, dont nous n'avons plus eu de nouvelles par la suite, simpose tout d'abord comme lune des vraies tentatives du cinéma de science-fiction dans l'Hexagone. Une tentative qui tient la route et na pas peur de froisser les esprits bien pensants. Les mêmes qui ont tiré à boulets rouges sur nos chefs-duvre reconsidérés sur le tard comme Mais ne nous délivrez pas du mal, de Joel Séria.
Plaire ou ne pas plaire, Pourtalé sen contrefout. Et il a plutôt raison. Pour donner une idée, ce Demain les mômes pourrait être léquivalent français de Terre brûlée, de Cornel Wilde, post-nuke sixties US en avance sur son temps, tant il sy exprime le même désarroi sur l'humanité et le même goût des images marquantes.
Ainsi, Demain les mômes se déroule dans un contexte apocalyptique de fin du monde. Suite à un bombardement, les habitants dune petite ville paumée dans le sud-ouest de la France décèdent tous dans des souffrances horribles. L'explosion atomique est accompagnée d'un bruit strident insupportable qui annihile la moindre résistance. Le lieu se mue en univers décadent où la morale semble bannie du vocabulaire. A quelques kilomètres de là, dans une ferme agreste, vit un couple lové dans la douce insouciance. Lorsque lhomme (Niels Arestrup, complètement déphasé) descend en ville pour se munir de provisions, il retrouve ledit lieu désert décoré de cadavres.
Un anonyme essaye de lui tirer dessus, il comprend alors quil nest pas seul au monde. Ayant réussi à prendre la fuite, il lance des appels radios pour tenter de joindre des survivants. Mauvaise nouvelle: lesdits survivants sont des pillards qui vont violer et tuer sa femme (Brigitte Rouan, toujours aussi courageuse). Complètement démoli, il tombe sur des enfants qui vivent en face de la ferme. Des enfants sauvages aussi adorables et innocents que ceux du Village des Damnés: ils ne parlent pas et qui vont très vite faire mine dêtre tout gentils lorsque le père Arestrup va leur apprendre à tirer avec des armes. Bonne ou mauvaise nouvelle? Mauvaise, bien entendu. Les enfants se transforment en envahisseurs sans scrupule dépourvus de la moindre humanité. Mais qui sont-ils?
Comme lindique le titre, Demain les mômes questionne la place de lindividu, et par extension de la collectivité, dans une société à labandon. Notamment la place de l'enfant, censé devenir les adultes de demain. Cela aurait a priori pu constituer un excellent film à thèse pour Les dossiers de l'écran dont le débat serait "nos marmots sont-ils dangereux?" mais le résultat ne caresse pas assez dans le sens du poil pour rassurer l'ancienne ménagère de moins de 50 ans. Comprendre que ça se termine mal et triste. Le fait que le film soit français - sans compter son relatif anonymat à sa sortie en salles - a largement contribué à sa singularité même si en substance il repose finalement sur deux sujets déjà exploités en littérature comme au cinéma: le survivant confronté à une catastrophe et les enfants livrés à eux-mêmes. A chaque fois, le déterminisme qui en découle est implacable (environnement âpre, comportement âpre).
Dans Demain les mômes, les enfants ont crée une nouvelle organisation qui implique une dimension ludique absconse pour un adulte. C'est un nouveau mode de communication clanique qui bannit la parole et exacerbe lhostilité. Le même qui faisait flipper dans Les révoltés de lan 2000, film espagnol très angoissant de Chicho Ibanez-Serrador, réalisé la même année, où les petits n'enfants assassinaient avec le sourire papa, maman et leurs semblables. Comme sil sagissait dun jeu. D'ailleurs, avec les points communs et les correspondances, lespagnol pourrait presque être la suite du français. Dans Demain les mômes, les enfants ne sont pas encore des assassins, ils vont le devenir. Alors que dans Les révoltés de lan 2000, la démarche est plus insidieuse, renforcée par le contexte insulaire: ils ont déjà tués des adultes.
Le protagoniste Arestrup incarne par son regard le gâchis de l'innocence et le dernier souffle de l'humanité. A travers lui, c'est l'adulte qui en prend un coup: les enfants ne sont pas des êtres purs et sont bien capables de ressentir des choses extrêmement fortes - on ne remerciera jamais assez Lucile Hadzihalilovic d'avoir dépoussiéré avec son sublime Innocence les préjugés gnangnans et ainsi perduré cette tradition seventies. Ses efforts sont désespérés: se dessine devant lui le portrait dune génération moderne, rapide mais perdue, qui préfigure la révolte. On peut voir la même inquiétude de Sa majesté les mouches à If, de La révolte des enfants jusquau récent Battle Royale, des films qui partagent le même dénominateur commun que Demain les mômes. A savoir la capacité des têtes blondes à sorganiser sans les adultes. La tonalité anxiogène est renforcée par la bande-son efficiente de Eric Demarsan, toute en nuances subliminales.
Parmi les enfants, on note la présence dune Emmanuelle Béart qui accompagnée des gamins de son village venait davoir 12 ans et qui, selon ses propres mots, ne se souvient plus du tout du tournage. Fabrice du Welz, lui, sen est certainement souvenu puisquil lui a proposé un rôle dans Vivyan dans lequel elle joue une mère qui part en Thailande à la recherche dun enfant disparu et tombe sur une colonie d'enfants livrés à eux-mêmes. A bien des égards, il serait intéressant de voir sil existe un lien entre les deux films et si la présence de Béart est si hasardeuse que ça. Faute de moyens colossaux, Jean Pourtalé ne pouvait pas se permettre d'images "spectaculaires" et cest un mal pour un bien. Gangrené jusqu'à l'os par le nihilisme (labsence de dialogues contribuant à la déshumanisation patente), Demain les mômes nen instille pas moins un vrai malaise qui perdure longtemps après son visionnage. Jolis mômes donc.
Si après ça Otto tu n'es pas convaincu de la réussite du film je ne peux plus rien pour toi.

Malheureusement je ne peux pas donner mon propre avis du fait que je n'ai pas revu ce film depuis l'age de 15 ans à peu près mais je peux te dire qu'il m'avait fortement marqué à cette époque.