Titre alternatif: Cemetery Man
Réalisateur: Michele Soavi
Année: 1994
Origine: Italie
Durée: 1h44
Distribution: Rupert Everett, François Hadji-Lazaro, Anna Falchi, Mickey Knox.
Distinctions: Prix Spécial du Jury à Gérardmer
Silver Scream Award au Festival du film fantastique d'Amsterdam
Meilleur Acteur pour Rupert Everett au Festival de Fantasporto
Sortie salles France: 10 Mai 1995. U.S: 26 Avril 1996. Toronto: 9 Septembre 1994
FILMOGRAPHIE: Michele Soavi est un réalisateur italien né le 3 Juillet 1957 à Milan, (Italie).
1985: The Valley (vidéo). 1985: Le Monde de l'horreur (Documentaire). 1987: Bloody Bird. 1989: Le Sanctuaire. 1991: La Secte. 1994: Dellamorte Dellamore. 2006: Arrivederci amore, ciao. 2008: Il sangue dei vinti.
En petit maître transalpin de l'horreur, Michele Soavi nous avait enthousiasmé en 1987 avec une première oeuvre prometteuse, un excellent giallo emphatique justement récompensé à Avoriaz, Bloody Bird. Sa carrière se poursuivra ensuite avec deux essais fantastiques maladroits mais intègres et rehaussés d'une atmosphère envoûtante, le Sanctuaire et surtout l'énigmatique La Secte. En 1994, il livre avec Dellamorte Dellamore son ultime chef-d'oeuvre cérébral. Un poème clairsemé d'autant plus personnel dans son lyrisme alloué qu'il semble suggérer une réflexion métaphysique sur la nonchalance de l'existence.
Francesco est le gardien d'un cimetière en compagnie d'un assistant à la déficience attardée. Ensemble, ils fuient l'ennui de l'existence en assassinant les morts récalcitrants au sein de leur nécropole. Un jour, il rencontre une jeune veuve profondément chagrinée par la perte de son mari. Eperdument amoureux, il tente de l'aborder pour entamer une idylle passionnelle. Mais la jeune femme éprise de tendance nécrophile se transforme en zombie sous la morsure de son défunt. Pendant ce temps, un inspecteur enquête sur la vague de meurtres perpétrés dans la région.
Comédie d'horreur décalée au cheminement narratif incontrôlable et irracontable, Dellamorte Dellamore se réapproprie du thème du zombie avec une originalité incongrue. Si la première partie esthétiquement immaculée s'érige en poème nécrophile autour d'un amour éperdu, le second chapitre nous entraîne dans le dédale psychique d'un gardien dépressif, davantage dépité par la dérision de l'existence. Jalonné de situations excentriques aussi cocasses que débridées (la relation infantile de Gnaghi avec une tête putrescente, les multiples déconvenues de Francesco avec les sosies de son égérie nécrophile, l'opération chirurgicale de sa prétendue castration), Michele Soavi se focalise notamment sur les monologues existentiels de son héros déchu, devenu meurtrier malgré lui par indifférence des vivants.
Afin que les morts ne reviennent semer le trouble dans sa sépulture, il décide donc de supprimer les êtres vivants dénués de vergogne, sous les recommandations d'un oracle spectral. Complètement isolé du monde qui l'entoure parmi ces cadavres renfrognés, il tente vainement d'apprivoiser l'amour à trois reprises avec les rencontres aléatoires d'un sex-symbol et ces deux sosies antinomiques. Au fil de ses entretiens avec des quidams imbéciles ou étourdis, notre meurtrier s'évertue sans foi à les convaincre qu'il est le véritable auteur des crimes gratuits. Perdu au milieu de nulle part sur une voie départementale sans issue, Francesco et Gnaghi ne seraient finalement que de simples pantins rêvassant d'une existence significative dans leur petite boule de verre !
Liens d'amour et de mort
Chacun peut interpréter à sa propre manière l'éthique véritable qui émane de cette fantaisie désincarnée, puisque de l'aveu même du réalisateur, il ne savait pas quelle analyse il pouvait en tirer ! Formellement épuré, Dellamorte Dellamore est un éloge au néant, un poème nécrophile où l'inanité de la résurrection est une déveine et où l'amour n'y trouve plus de rédemption. Pourtant, il nous évoque paradoxalement qu'en dépit de l'absurdité existentielle et de l'indifférence des sentiments d'autrui, notre destinée est régie par l'ambition de pouvoir cristalliser nos rêves les plus intimes. A condition d'éviter de se forger malgré soi un cocon oppressant et ainsi se libérer de la routine usuelle.
En résulte un grand film métaphorique sur l'épanouissement et l'affermissement, où l'esthétisme pastel déploie de saisissantes plages d'onirisme macabre et d'érotisme mélancolique.