LE CIRQUE DU DR LAO.
Titre original: Seven Faces of Dr. Lao
Réalisateur: Georges Pal.
Année: 1964.
Origine: U.S.A.
Durée: 1H40.
Distribution: Tony Randall, Noah Beery Jr., Royal Dano, Barbara Eden, John Ericson, Arthur O'Connell, Lee Patrick, John Qualen, Tony Randall.
Sortie Salle U.S.A. : 18 Mars 1964
FILMOGRAPHIE: George Pal, né Györgi Pál Marczincsák, est un réalisateur, producteur, scénariste hongrois, né le 1er février 1908 à Cegled en Autriche-Hongrie (aujourd'hui en Hongrie), naturalisé américain en 1940 et mort le 2 mai 1980 d'une crise cardiaque à Beverly Hills.
1934 : Le Vaisseau de l'éther ; 1935 : L'Atlas magique ; 1936 : La Symphone de l'éther ;1937 : Philips Broadcast ;1937 : What Ho, She Bumps (UK); 1938 : La Belle au bois dormant ; 1939 : Philips Cavalcade ;1939 : Les Amants des mers du Sud ;1942 : Tulips Shall Grow ; 1942 : Jasper et les pastèques ;1942 : Jasper et la maison hantée ; 1958 : Les Aventures de Tom Pouce ;1960 : La Machine à explorer le temps ; 1962 : Les Amours enchantées ; 1964 : Le Cirque du docteur Lao.
LES OUBLIES DU FANTASTIQUE.
Le cirque du Dr Lao est le dernier film d'un maitre du Fantastique vétuste qui aura légué de son empreinte quelques chefs-d'oeuvre du genre, aussi rarement diffusés et peu nombreux qu'ils soient dans l'historique de son cinéma imaginaire.
Une forme de testament sur pellicule pour une thématique sur la cupidité et le sens commun de notre dualité bien/mal, véritable hymne à la subsistance et à sa fantaisie féérique qui nous immerge chaque seconde. Ce qui nous prouve le temps d'un film hors du temps que nous faisons tous partis du cirque du Dr Lao, à condition de savoir ouvrir les yeux et pouvoir contempler la richesse infinie d'un monde fantasque et sans limite.
Un vieux chinois, le Dr Lao, directeur d'un cirque ambulant, arrive à Abalone, une petite ville de l'Arizona pour annoncer au public son spectacle prodigieux. Au même moment, au siège du journal local, Clint Stark, un buzinessman cupide et ambitieux tente de convaincre la population de lui vendre la ville à bon prix. Mais l'arrivée de ce chinois aux pouvoirs mystérieux va tout remettre en question sur le choix de chacun à accepter l'offre tendancieuse de Mr Stark.
Curieux mélange saugrenu de western, fantastique, fantaisie et merveilleux, Le Cirque du Dr Lao est un ovni précieux d'une richesse thématique inaltérable, véritable leçon de vie sur la remise en question individuelle. A savoir à quel point l'évolution de chaque être humain peut malencontreusement se soumettre à la régression morale par la cupidité, l'égocentrisme, l'avarice et l'orgueil.
A travers une narration extravagante totalement vouée au pouvoir créatif de la fantaisie et de l'enchantement par l'outil du 7è art, notre malicieux Dr Lao nous entraine dans son spectacle festif avec un art du stratagème pour mieux duper son public et lui renvoyer sa vraie responsabilité envers son amour propre et son égotisme malgré lui.
Avec des moyens chimériques et utopistes, le magicien Dr Lao emploie ses talents insolites et espiègles pour nous illustrer de manière contemplative, désincarnée une véritable fête foraine prolifique, foisonnante et polychrome.
Au charme irrésistiblement kitch s'accorde harmonieusement un bestiaire de monstres singuliers rendus inoubliables par l'art virtuose d'une mise en scène consolidée dans une véracité d'évènements imagés avec l'astuce pleine de candeur d'une poésie inébranlable. Cette mise en forme enjôleuse qui enivre notre esprit évasif est autant accentuée par la prestance d'un comédien impliqué dans la peau de chaque créature marginale, impertinente mais digne de spontanéité et de raison. De cette alchimie de talents réunis nait la réussite d'une oeuvre excentrique, farfelue, originale dédiée au pouvoir irréel du cinéma fantastique.
Dans ce cabal mythologique d'un far-west orthodoxe, je vous présente la méduse insidieuse au regard mortel que l'on ne doit entrevoir qu'au travers d'un miroir, l'abominable homme des neiges apathique et anémique, le prédicateur Apolonius de Tyana atteint de cécité mais condamné par sa prescience à pronostiquer la destinée de chacun, le serpent vaniteux à tête humaine prenant malin plaisir à dénigrer son hôte. Ou encore le vieux Merlin aigri et ses tours de magie impromptus tant décriés par une population avide d'exploit frénétique mais aussi Pan, le Dieu de la joie dans son numéro dansant envoutant, chorégraphié pour séduire une jeune célibataire inflexible en éternelle quête d'amour rédempteur. On boucle cette parade édifiante avec le petit poisson enfermé dans son bocal pour se muter en serpent de mer géant quand il est délivré par un duo de cow-boys incultes et alcoolisés, avant que le Dr Lao ne déploie sa machine à faire répandre la pluie !
Tous ce bestiaire animalier saisissant et ces dieux immortels bougons ne sont qu'après tout une part d'ombre de la noirceur de l'âme avili, le reflet de miroir de l'être humain apte à se voir disséquer son éthique corrompue.
Cette galerie de personnages improbables est incarnée par Tony Randall s'allouant de sept rôles à la fois !
Ce vieux chinois finaud à l'humour complice se révèle irrépressible de malice et d'ironie dans sa capacité à fustiger n'importe quel témoin souhaitant se prêter au jeu de la vérité par esprit de curiosité et de convoitise. Ses diverses panoplies octroyées à une mythologie antique sont irrésistiblement attachantes, souvent truculentes et surtout dotées d'un vrai sens poétique fantasmagorique au pouvoir de fascination prégnant.
OUVRE LES YEUX.
Véritable leçon de sagesse et de tolérance, hymne à l'existence humaine et la beauté du monde terrestre, Le cirque du Dr Lao est tout autant un voyage fantastique hors de nos contrées. Une initiation à la fraternité et la solidarité au beau milieu d'un Far-west académique à l'aube d'une ère nouvelle, d'où pointe le modernisme industriel et son capitalisme lucratif.
Cette féérie est d'autant plus atypique qu'elle est extrêmement rare, oubliée, méconnue, au bord du marasme, telle une relique mise à l'écart avant qu'une poignée de cinéphiles n'osent le rappeler à la notoriété, implorant son amour immodéré pour un cirque qui nous appartient tous au fond de nous même !
Pour vous en convaincre, écoutez simplement la dernière citation du Dr Lao, juste avant qu'il ne s'évapore d'un geste amical dans le désert. Dernier écho probant d'une éthique essentielle pour nous prouver une ultime fois avant les adieux que notre vie exceptionnelle nous incombe et mérite d'être pleinement vécue. A condition d'avoir les yeux grands ouverts !