par SUSPIRIA » 05 Octobre 2010, 16:15
Dans la lignée de Délivrance sorti deux ans auparavant, la Chasse du Comte Zaroff, les Chiens de Paille ou de Week-end sauvage de William Fruet qui sortira en 1976, La Chasse Sanglante s'inscrit dans le réalisme cru des années 70 avec une atmosphère malsaine particulièrement poisseuse sans se laisser tenter à un caractère outrancier pour les effusions de sang.
Une interprétation subtile où tout sera orienté dans la dimension psychologique de ces personnages. Ce que fredonne un peu avec la même formule Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper dans sa forme suggérée, commis en cette année charnière, c'est à dire en 1974.
Le début désenchanté donne furtivement le ton avant son générique aigri, une chanson interprétée sur un air nonchalant devant la résultante d'un viol accompli.
Une jeune fille se fait sauvagement agresser sexuellement par trois de ses camarades dans une voiture sous une nuit pluvieuse (la courte scène est en faite une succession de fugaces flash-back dérangeants déjà suggérés).
Après la plainte déposée au commissariat en compagnie de sa génitrice, la victime, l'air hagard et désorientée apprendra que les trois individus vont être relaxés par manque de preuve et de leur notoriété d'élèves modèles.
Quelques années plus tard, nos trois pervers ont décidé de manière coutumière de se payer une tranche de rigolade sardonique pour un week-end bien particulier !
Prendre en otage à tout hasard ce jeune couple infidèle, Nancy et Martin et les mener dans un coin reculé campagnard situé dans une région forestière au bord d'un lac.
Les deux victimes tour à tour soumises à divers jeux d'humiliations puis de violences incongrues ne savent pas encore que la pire des épreuves les attend en fin de parcours paroxystique !
En effet, le but de cette grotesque mascarade imaginée par nos trois énergumènes en manque de sensations fortes et frauduleuses sera de livrer une véritable chasse à l'homme en leur faveur ! Les prendre en course inlassablement avec leur fusil à lunettes après avoir lâcher les deux cobayes en pleine nature !
Mais un autre revirement impromptu va totalement changer la donne ! Ou quand le chasseur se retrouvera à son tour dans la ligne de mire !
La grande force de La Chasse Sanglante est avant tout rattachée à son indéniable efficacité d'une narration incongrue et éhontée insinueusement souscrite sous tension pour bifurquer en fin de partie à un inattendu rape and revenge vindicatif !
Toute la première partie est un incessant jeu de pouvoir des agresseurs contre leurs victimes réduites à l'état d'esclaves jusqu'à ce qu'une beuverie aboutisse à un acte répréhensible irréversible. Un point de non retour qui va amoindrir les relations entre les amants démunis, jusqu'à se fissurer dans un châtiment égocentrique du point de vue de Martin.
Le climat pervers de cette première partie davantage oppressante est particulièrement bien amené par des comédiens qui ont parfaitement leur rôle convenu. La tension et la panique devant la révélation des faits va monter d'un cran quand Nancy va prendre conscience que le but de ce kidnapping n'était qu'un simple divertissement pour une véritable chasse à l'homme dans un milieu naturel sauvage et ensoleillé!
La seconde partie haletante et terriblement cruelle annonce un survival brutal établi sans aucune concession dans sa violence psychologique atteignant parfois un degré d'intensité émotionnelle à la limite du supportable (Nancy, désespérée et terrifiée, suppliant en pitié à ces oppresseurs de la laisser en vie dans un ultime appel au secours accablé).
Une chasse à l'homme menée avec âpreté et sadisme hautain dans un climat malsain amplifié par l'égotisme rancunier de nos deux amants opposés, décidés à tenter individuellement de sauver leur mince espoir de survie.
La dernière partie étonnante et sarcastique renoue avec l'enjeu dramatique de la scène d'introduction et se révèlera une nouvelle partie de chasse toute aussi bestiale, cynique, transgressive dans son auto-justice expéditive immorale.
Peter Fonda dans un rôle perfide se révèle comme à son habitude parfait dans celui du salopard sans foi ni pitié requise alors que l'on pouvait soupçonner un sursaut d'intérêt dans sa relation affectée avec Nancy, la maitresse de Martin.
Le patibulaire Richard Lynch au regard finaud et John Phillip Law dans sa bonhomie physiquement rassurante sont parfaits dans leur complice perversité et l'attachement commun à leur camaraderie avant que l'un des deux se laisse envahir par l'anxiété, la peur grandissante d'une vengeance cathartique invoquée au nom de Dieu.
Alberto De Mendoza est à mon gout le personnage le plus convaincant dans celui du mari infidèle, complètement livré à l'abandon, mis en retrait devant les agissements de cette bande de meurtriers sans scrupule ainsi que sa maitresse rendue esclave de leurs désirs indociles.Il détonne avec une belle vérité retranscrite son comportement irascible et rancunier en fin de partie à bout de course.
La ravissante Cornelia Sharpe aurait tendance à s'apitoyer dans sa discrète souffrance introspective, peu expressive dans ses états d'âme refoulés. Tandis qu'elle provoque finalement l'empathie, une compassion éprouvée dans ses dernières démarches à oser se sortir de cet enfer hostile où l'être humain est réduit à un simple gibier pour le plaisir d'une traque sordide et l'abattre froidement sans état d'âme, tel un animal dilapidé.
L'inattendu apparition austère du grand William Holden ajoute une saveur subversive en introduction et à la toute fin du récit dans son rôle à contre-emploi, conduit par un état d'esprit rancunier et punitif.
La Chasse Sanglante est un classique de l'horreur pragmatiste tout en psychologie qui ne cède jamais à quelque forme de gratuité ou de racolage orthodoxe pour ce type de scénario sulfureux.
Rondement mené, efficacement construit, interprété avec conviction par des personnages à la gouaille pathétique, ce survival racé au climat bien malsain doit beaucoup à la folie de son scénario couillu où l'image de l'homme perfide et individualiste est réduite ici à un instinct primaire accompli dans la haine et la bestialité.
Avec en prime cette superbe partition musicale à base de banjo ironique ou d'instruments de percussion parfois inquiétants en osmose avec la marginalité perverse du récit, photographié dans de superbes paysages naturels ensoleillés.