par BRUNO MATEI » 28 Décembre 2010, 15:56
D'AMATO KETCHUP, LE VRAI HEINZ !
En 1979, Joe DAmato créé sa propre société, Filmirage, et se lance dans la production dun métrage au faible budget. C'est ainsi que nacquit le projet Anthropophagous, tourné à léconomie, en 16mm avant que limage ne soit gonflée en 35mm pour son exploitation au cinéma.
La narration est tirée d'un scénario écrit par George Eastman (de son vrai nom Luigi Montefiori) et Joe DAmato.
Anthropophagous sortira en France dans nos salles deux ans après son exploitation italienne, le 20 Janvier 1982, et provoquera une levée de boucliers de la part des critiques bien pensantes ainsi qu'une censure Giscardienne intransigeante. Alors que dans son pays d'origine, les italiens ne se bousculeront pas en masse pour se réfugier dans les salles assister au carnage annoncé.
Ce n'est que quelques années après sa diffusion (surtout auprès des rayons des vidéo-clubs avec sa fameuse version intégrale) que le métrage va se tailler une réputation sulfureuse d'oeuvre choc transgressive et éhontée.
Un groupe de jeunes touristes se retrouvent réunis à bord d'un voilier en destination d'une île grecque isolée. Arrivés sur les lieux, ils découvrent avec étonnement que l''endroit touristique est totalement déserté de présence humaine, à une exception près. Une étrange dame recroquevillée dans sa demeure, leur soumettant de partir au plus vite et quitter cette endroit réputé maudit. Mais l'une des touristes va mystérieusement disparaitre sans laisser de traces.
Réputé pour être l'un des films les plus choquants des années 80, Anthropophagous doit essentiellement sa réputation hardcore grâce à deux séquences insensées d'une folie particulièrement audacieuse. L'arrachage d'un foetus humain du ventre de sa mère pour ensuite le dévorer à pleine dent et l'éventration du tueur à coup de pioche qui conclura sa besogne pour se manger lui même ses intestins ! Le délire à l'état pur pour notre plus grand plaisir masochiste ! D'où la fameuse accroche publicitaire mise en exergue en haut de l'affiche à sa sortie: l'homme qui se mange lui-même !
Avec des moyens réduits et la présence précaire de comédiens au jeu plutôt maladroit (en dehors de Georges Eastman et Tisa Farrow), le déluré Joe D'Amato mise son entreprise dans une ambiance funèbre bien rendue grâce à des décors lugubres habilement exploités. Des foyers blafards et sournois renfermant dans des pièces cachées des cadavres décrépis. Une cave mortifère où une jeune aveugle liquéfiée trouve désespérément refuge dans un tonneau de vin. Une soeur dépressive dans une grande demeure isolée, décidée à se suicider par la rampe d'un grand escalier. Une forêt clairsemée et silencieuse dénuée de toute vie animale. Un monument historique hagard qui abrite un sous-terrain renfermant des centaines de cranes humains et autres corps exsangues décomposés pour ce qui semble être le refuge sordide du tueur invétéré.
De plus, la partition musicale clinquante, omniprésente, qui mélange les accords électroniques et les points d'orgue funèbres entretient bien ce sentiment malsain persistant qui suinte à chaque recoin des environs touristiques.
On peut donc dire qu'au niveau de l'ambiance morbide perceptible, D'Amato remporte largement la mise et doit aussi au caractère ludique, saugrenu de son scénario totalement débridé (pour ne pas dire grotesque). C'est vers la dernière partie du métrage, via un flash-back transitoire que l'on apprend les raisons objectives qui auront fait que le tueur est devenu un véritable monstre cannibale assoiffé de sang.
C'est sur un bateau échoué en pleine mer, sous un soleil écrasant que l'homme affamé et épuisé de fatigue aura tenté de dévorer son propre fils sous les yeux de sa dulcinée terrifiée. Dès lors, après les avoir assassinés (et potentiellement mangés !), l'homme fou réussira à rejoindre la côte grecque pour décimer un à un les habitants insulaires dans une rage meurtrière incontrôlée !
Joe D'Amato n'éprouve aucun complexe à imaginer dans une surenchère putassière ses effets chocs vomitifs plutôt réussis et toujours impressionnants, filmés en gros plan, de manière à insister vulgairement sur les chairs éclatés ou éventrées. Mais son film, aussi extrême soit-il par instants n'est point un étalage de gore envisagé de manière récurrente puisque notre réalisateur se joue de l'attente de son personnage clef dans un effet escompté de suspense latent. En effet, nous ne verrons qu'à trois reprises l'apparence spectrale du tueur dégarni, interprété par le grand (en mode mensuration) Georges Eastman dans l'accomplissement carnassier de ses horribles méfaits.
Un rôle taillé sur mesure pour notre comédien coutumier des rôles de série B et Z bariolées. Une stature imposante, un visage lépreux suant l'odeur cadavérique et une présence monstrueuse délirante rappelant vaguement l'ogre des bois que l'on aime s'imaginer dans les contes de fée.
L'HOMME QUI OSE SE MANGER LUI MEME !!!
Aussi bricolé et maladroit qu'il soit, Anthropophagous séduit par son ton irrévérencieux dénué de moralité auquel D'amato, inspiré et roublard dans le système D, livre une de ses plus belles réussites tous genres confondus. Une bisserie transalpine infaisable de nos jours, comme seuls ces maitres d'oeuvre dévergondés avaient le secret.
L'interprétation terrifiante de George Eastman, l'ambiance putride qui s'y dégage emboitée dans des décors habilement exploités et enfin ses effets gores graphiques monstrueusement décadents achèvent de rendre unique une oeuvre Z devenue véritablement culte avec le temps.