
S'il y a bien dix films de science-fiction à regarder dans sa vie de cinéphile, Alien fait partie intégrante du lot. Ce chef-d'uvre d'atmosphère, de tension dramatique et de modernisme visuel, mis en bouteille avec génie par l'un des grands maîtres du genre, ne semble en rien souffrir du nombre des années et tend même à se bonifier au fil du temps. Confrontant l'art du gros spectacle à une approche mature et réaliste de la survie humaine, Alien trouve de cette façon une analogie avec The Thing de John Carpenter, outre que les deux uvres possèdent pour chacune d'elles un traitement narratif similaire. En effet, Scott et Carpenter réduisent l'intrigue à sa plus simple expression, faisant au mieux ressortir le climat suffocant qui découlent de leurs métrages respectifs. Certains pourront alors déplorer cette action minimaliste et ces nombreux temps morts qu'ils assimileront à des longueurs; là réside pourtant l'une des principales prouesses des deux films. La lenteur « hypnotisante » d'Alien permet non seulement de distiller un infrangible suspense (les scènes de traque de la créature et de course contre la mort sont un modèle d'angoisse) mais encore d'apporter aux personnages tout le relief nécessaire. À l'évidence, que serait l'uvre de Ridley Scott sans la présence d'acteurs aussi convaincants ? Sigourney Weaver en tête, les protagonistes consolident la crédibilité d'un récit à caractère paradoxalement fantastique notons que dans les volets suivants, le jeu des comédiens donnant la réplique à Weaver se révélera nettement plus caricatural et superficiel.

Synonyme de réussite atmosphérique comme plastique, Alien jouit des extraordinaires décors de Michael Seymour, qui rendent son environnement spatial et futuriste proprement subjuguant. Tout ceci a beau dater de 1979, rien ne semble être menacé par le syndrome de l'obsolescence, excepté un ou deux détails (le fonctionnement de l'ordinateur, par exemple). Et si Ridley Scott filme le moins possible l'extraterrestre né de la morbide imagination de H.R. Giger , c'est dans un but de vraisemblance. Ainsi, ses apparitions, aussi brèves demeurent-elles, ne prêtent en aucun cas à rire et suscitent un réel saisissement. Servie par la somptueuse et très chromatique photographie de Derek Vanlint, la mise en scène de Scott force le respect par sa finesse et son exactitude. Mouvements de caméra parfaitement agencés, montage et découpage tirés au cordeau, nous voici en face d'un authentique travail d'orfèvre. James Cameron répondra à cette approche subtile par un sens de l'efficacité maximale ainsi qu'un esprit plus bourrin dans son non moins génial Aliens, le Retour. Qui dit uvre remarquable dit fort souvent musique remarquable. Et le score d'Alien ne déroge guère à cette devise. Jerry Goldsmith signe une bande-son riche et diversifiée, qui conserve aujourd'hui tout son impact et à laquelle le film doit en grande partie son ambiance oppressante. À y regarder donc de plus près, ce classique tient son succès d'une brillante collaboration d'équipe technique plus que du talent de son auteur en soi.

Alien ne vieillit pas. Il procure encore et toujours cette même plénitude qui fait parfois tout le secret d'un vrai film culte. Un thriller de SF sophistiqué, intelligent, captivant et imparable, à découvrir et à redécouvrir sans la moindre hésitation possible.
9/10
